Le nouveau cycle de négociation sur le partenariat transatlantique consacré à la délicate question de la coopération réglementaire espère rapprocher les normes du secteur automobile, des produits pharmaceutiques ou encore des cosmétiques des Etats-Unis et de l’UE.
Le 9ème cycle des négociations du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) qui se tiendra à New York du 20 au 24 avril sera en grande partie consacré à un aspect délicat et technique de l’accord entre l’UE et les Etats-Unis: la coopération réglementaire.
« Nous allons parler de la plupart des sujets que nous négocions au sein du TTIP. Nous essaierons surtout d’avancer au maximum sur l’aspect réglementaire de l’accord, qui est le plus complexe, le plus pertinent du point de vue économique et celui qui demande le plus de travail », a déclaré le négociateur en chef du TTIP pour l’UE, Ignacio Garcia Bercero.
Négociation technique
Encouragés par les responsables politiques pour terminer les négociations avant que les États-Unis n’entrent en campagne électorale l’année prochaine, les négociateurs travaillent sans relâche pour finaliser un accord censé réduire les coûts des échanges et ouvrir les marchés, notamment pour les PME.
« Je ne peux pas prédire que le TTIP sera conclu ou pas. Ce que je peux affirmer, c’est que nous ferons de notre mieux pour avancer le plus possible en 2015 », a commenté Ignacio Garcia Bercero, précisant que son homologue américain lui a assuré que l’administration Obama serait encore disposée à négocier en 2016.
Pour le cycle de négociations à venir, L’UE et les États-Unis ont chacun préparé leur proposition sur les entraves techniques aux échanges (ETE) et essaieront de concilier les deux positions. Idem pour les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et pour la coopération réglementaire.
« Sur certains points, nos visions se rapprochent, sur d’autres, elles sont encore très divergentes », a expliqué le négociateur en chef, refusant de dévoiler les terrains d’entente.
Bond qualitatif
La coopération réglementaire est une partie très controversée de l’accord. Pour certains, le nouvel organe de régulation proposé par la Commission pour structurer la coopération risque de contourner les gouvernements nationaux en centralisant le pouvoir décisionnel à Bruxelles et Washington.
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La commissaire en charge du commerce, Cecilia Malmström, a tenté de calmer le jeu en déclarant que l’UE et les États-Unis cherchaient une manière d’encourager les régulateurs à coopérer, y compris à travers un organe de coopération réglementaire. « Nous voulons faire cela d’une manière qui ne compromette pas notre liberté de formuler des politiques dans l’intérêt public », a-t-elle expliqué dans un récent discours.
Nous avons coopéré sur le plan réglementaire ces dernières années, mais sans grand succès, a confirmé Ignacio Garcia Bercero. « Il y a 13 domaines dans lesquels nous avons pu observer des résultats tangibles, mais nous sommes clairement en-dessous de nos possibilités », a-t-il estimé, ajoutant au passage que l’objectif était de faire un bond qualitatif.
Limites à la coopération réglementaire
Une grande partie de la règlementation ne sera pas incluse dans ces négociations, comme les questions de sécurité sociale ou les conditions de travail. Les négociateurs ont ciblé neuf secteurs pour lesquels ils doivent atteindre une réelle compatibilité réglementaire: automobile, produits pharmaceutiques, appareils médicaux, cosmétiques, pesticides, technologie de l’information et de la communication (TIC), produits chimiques et ingénierie.
Pour le moment, les entreprises doivent concevoir et fabriquer deux lignes de produits pour les marchés des deux côtés de l’Atlantique, et ce, même si nos niveaux de sécurité sanitaire et de protection de l’environnement sont équivalents.
« L’automobile est certainement le secteur pour lequel nos objectifs sont les plus ambitieux », a souligné Ignacio Garcia Bercero, expliquant que les régulateurs essayent d’identifier un nombre de réglementations dans l’UE et aux États-Unis qui fournissent le même niveau de protection.
Concernant les produits pharmaceutiques, les autorités de régulation des médicaments travaillent en étroite collaboration dans le but d’éliminer le plus possible les dédoublements d’inspections. Des discussions similaires ont lieu pour les appareils médicaux et les produits alimentaires.
Dans d’autres domaines, comme celui des produits chimiques par exemple, la coopération est limitée à cause des différences considérables des régimes de réglementation.
« Les règles concernant les produits chimiques aux États-Unis sont beaucoup moins strictes qu’en Europe. Nous, nous avons REACH. Eux, ils ont le TSCA qui n’exige pas le même type d’examen des produits chimiques. La coopération réglementaire a une portée très limitée », a expliqué le négociateur espagnol.
Coordination centrale
Dans le but de structurer la coopération réglementaire, la Commission a proposé de mettre en place un organe réglementaire lors du dernier cycle des négociations.
La manière dont fonctionnera cet organe est encore floue. Toutefois, il adoptera des configurations différentes selon le cadre réglementaire dans lequel il agit et fera appel au personnel des autorités de régulation déjà existantes en Europe et dans les États membres. Des fonctionnaires européens ont précisé à EURACTIV qu’il n’y avait pas de projet de création d’un grand secrétariat ou d’une agence européenne.
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Cet organe pourrait se réunir une fois par an, établir un programme et surveiller ce qui a été fait dans différents secteurs, a indiqué Ignacio Garcia Bercero.
« Cela pousserait les autorités de régulation à attacher plus d’importance à cette coopération réglementaire. En effet, le problème majeur est que la plupart du temps, les autorités de régulation ne veulent pas coopérer. Face à de nombreuses contraintes, il n’est pas naturel pour eux de coopérer de manière transnationale », a poursuivi l’espagnol.
Côté américain, l’organe commun pourrait être mené par le représentant américain du commerce (USTR) et le Bureau de l’information et des affaires réglementaires (OIRA) et du côté européen, par la DG commerce et le secrétariat général, ont affirmé des experts à EURACTIV.
Selon la chambre de commerce américaine, le débat sur l’importance d’un organe central de coordination amené par le TTIP pourrait inciter d’autres pays à mener d’importantes réformes sur la réglementation.
Si l’UE et les États-Unis commencent à coopérer dans un certain nombre de secteurs, ils créeront un modus operandi qui touchera d’autres marchés. « Les règlementations sont en mouvement. Les États-Unis et l’UE proposent de nouvelles réglementations, mais nous n’aurons pas le temps d’examiner tous les secteurs lors des négociations. La question est de savoir si nous créons un mécanisme institutionnel dans le TTIP qui nous permettrait de maintenir une grande coopération réglementaire, y compris quand l’accord sera conclu », estime Ignacio Garcia Bercero.