À Tirana, les dirigeants européens insistent sur la reprise du dialogue entre la Serbie et le Kosovo

« L’un des principaux sujets abordés sera l’économie des Balkans occidentaux, c’est pourquoi j’ai présenté le plan de croissance. Nous voulons leur donner accès au marché commun européen », a déclaré Mme von der Leyen. [Alice Taylor/Euractiv]

Le dialogue entre Pristina et Belgrade doit se poursuivre, et ce malgré l’incertitude liée à l’attentat du 24 septembre dans le nord du Kosovo, ont insisté les dirigeants de la Commission européenne et du Conseil ainsi que les principaux États membres de l’UE lors du Sommet organisé dans le cadre du processus de Berlin à Tirana ce lundi (16 octobre).

Le président serbe Aleksandar Vučić n’étant pas présent, la Serbie était représentée par la Première ministre Ana Brnabić. Le Kosovo était représenté par son Premier ministre, Albin Kurti, qui n’a pas répondu aux questions des journalistes présents à son arrivée.

Quant à savoir si une rencontre entre les deux parties se produirait, des sources, dont de hauts responsables gouvernementaux et des diplomates, ont confié à Euractiv qu’elle se produirait probablement de manière informelle, aux côtés de l’Allemagne et de la France, pendant le déjeuner de travail.

Les conflits ne peuvent pas nous prendre en otage

Lors des discours d’ouverture du sommet, le président du Conseil européen, Charles Michel, a clairement indiqué que la seule façon d’avancer pour les deux pays était le dialogue.

« Nous ne pouvons pas laisser les conflits bilatéraux nous prendre en otage. La solution peut être plus douloureuse que la réforme, cependant elle doit être mise en œuvre. Ne laissez pas les fantômes du passé voler votre avenir », a-t-il déclaré.

Il a ajouté que les tensions entre le Kosovo et la Serbie ont ravivé des tensions historiques, mais qu’il ne peut y avoir de coopération sans réconciliation.

« La réconciliation exige du courage politique et une attention sincère à l’avenir ; tel sera l’esprit du sommet », a-t-il déclaré.

Le chancelier allemand Olaf Scholz s’est fait l’écho de la nécessité de poursuivre le dialogue et de mettre en œuvre les éléments convenus précédemment.

« Les crises multiples dans la région des Balkans occidentaux ont mis en évidence le besoin urgent de travailler ensemble et de surmonter les antagonismes… Les récentes escalades dans le nord du Kosovo ont prouvé à quel point cela est important », a déclaré M. Scholz.

Il a ajouté que les accords conclus dans le cadre des négociations de normalisation des relations menées par l’UE devaient être respectés.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui n’a cité aucun pays en particulier, a déclaré que le « monde est en feu » en raison des guerres en Israël et en Ukraine, mais que l’Union européenne est la preuve d’une paix durable.

« Les Balkans occidentaux y ont leur place », a-t-elle affirmé, ajoutant qu’il fallait travailler « ensemble » pour que ces pays fassent partie de l’UE, qui montre selon elle « qu’ensemble, nous pouvons parvenir à une paix durable et à la prospérité pour tous ».

Bien que le Premier ministre albanais Edi Rama ait espéré que le conflit opposant le Kosovo à la Serbie n’éclipserait pas l’évènement, il a également été un sujet clé pour plusieurs autres dirigeants présents à Tirana.

Le Premier ministre néerlandais sortant, Mark Rutte, a déclaré avoir parlé à M. Vučić et M. Kurti. « J’espère que nous serons tous en mesure de contribuer à réduire les tensions », a-t-il déclaré.

Récemment, M. Rama, des responsables politiques kosovars de tous bords, des députés européens et l’ancien ambassadeur américain au Kosovo Philip Kosnett ont déclaré que le dialogue ne pouvait pas continuer comme si rien ne s’était passé.

Ils ont tous appelé à une réévaluation de la situation à la suite des conclusions d’une enquête sur l’attaque qui a fait un mort et un blessé parmi les policiers kosovars.

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Edi Rama a également reproché à l’UE de ne pas tenir ses promesses et d’aliéner les pays de la région.

« Le plus grand défi politique se situe entre les membres de l’UE et les pays tiers. Pouvons-nous nous permettre ces séparations ? »

Il a ajouté que si « l’esprit » du processus de Berlin est toujours là, les promesses faites par l’UE en termes d’avantages économiques n’ont pour leur part pas été tenues.

« La démocratie sans infrastructure ne peut pas fonctionner correctement », a-t-il déclaré, ajoutant que les États membres reçoivent environ 4 500 euros par habitant au titre des fonds de l’UE. Les pays des Balkans occidentaux ne reçoivent que 138 euros, une situation qui est un « témoignage effrayant d’une division de classe qui a approfondi la division au sein de la maison Europe ».

Malgré les critiques, M. Rama a reconnu que Mme von der Leyen prenait « des mesures significatives pour les changements politiques et économiques dans les Balkans occidentaux ».

« Je ne demande pas un financement équivalent à celui des pays de l’UE », a déclaré M. Rama. « Ce que je dis, c’est que ce paysage géopolitique évolue rapidement et qu’il faut agir, et plus rapidement. »

M. Rama a expliqué que dans le cadre du plan d’investissement de l’UE dans les Balkans occidentaux, les investissements sont importants, mais que seuls 10 % sont des subventions. De plus, le mécanisme d’accès à ces subventions est lent et obsolète.

Un plan de croissance

Devant les journalistes, Mme von der Leyen a annoncé que l’UE avait l’intention d’ouvrir le marché unique européen à la région.

« L’un des principaux sujets abordés sera l’économie des Balkans occidentaux, c’est pourquoi j’ai présenté le plan de croissance. Nous voulons leur donner accès au marché commun européen », a-t-elle déclaré.

Cependant, cela nécessitera des réformes dans la région, et ceux « qui ont la volonté de réformer recevront des fonds », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’il s’agit là d’un « stimulant pour ceux qui veulent vraiment aller de l’avant ».

Le plan de croissance comprendra l’ouverture de nouvelles voies commerciales dans des domaines spécifiques du marché commun de l’UE pour les pays des Balkans, tels que la libre circulation des biens et des services, le transport routier, l’énergie, l’électricité et le marché unique numérique.

« Nous devons vraiment exploiter le potentiel des Balkans occidentaux et les rapprocher du marché unique européen », a-t-elle déclaré.

Une source de la Commission et une source diplomatique ont déclaré à Euractiv que Mme von der Leyen devrait annoncer officiellement le paquet, d’une valeur totale d’environ 28 milliards d’euros, comprenant 2 milliards d’euros pour le plan de croissance et 26 milliards d’euros de fonds issus de l’instrument d’aide à la préadhésion.

Cette somme s’ajoutera aux 30 milliards d’euros du plan économique et d’investissement lancé en 2020, dont 16 milliards ont été investis jusqu’à présent.

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