La tâche est immense et délicate. Selon la lettre de mission du Lituanien Andrius Kubilius, celui-ci devra négocier avec les États de l’Union européenne (UE) pour construire une industrie européenne de la défense. Et donc en d’autres termes, pousser les capitales européennes à déléguer certaines de leurs compétences traditionnelles.
Si sa nomination est approuvée par le Parlement européen, le Lituanien Andrius Kubilius « travaillera au développement de l’Union européenne de la défense, et au renforcement de nos investissements et de notre capacité industrielle », a expliqué mardi 17 septembre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Une mission gigantesque et floue qui risque de heurter les égos des gouvernements des 27 États de l’Union européenne (UE). L’industrie militaire et les achats du secteur de la défense relèvent en effet traditionnellement de compétences nationales. Et tout coopération à l’échelle européenne reste exceptionnelle.
Andrius Kubilius devra également mener une politique spatiale indépendante, alors même que les intérêts nationaux sont tout aussi forts en ce qui concerne l’espace. L’occasion de compter sur son expérience et ses relations, alors que le Lituanien a négocié tout au long de sa carrière avec nombre de personnalités européennes comme Viktor Orban, le Néerlandais Mark Rutte, qui devrait prendre la tête de l’OTAN, mais aussi avec le très dépensier Premier ministre polonais Donald Tusk.
Comme le précise sa lettre de mission, le commissaire va notamment devoir négocier avec les États membres le Programme européen d’investissement dans le domaine de la défense (EDIP) et superviser sa mise en œuvre, dans le respect des intérêts nationaux des uns et des autres.
La lettre souligne que l’EDIP vise à « accroître l’agrégation de la demande d’équipements de défense », à « travailler à la création d’un marché unique pour les produits et services de défense », à inclure davantage les petites et moyennes entreprises dans les chaînes d’approvisionnement, et à trouver des liquidités pour l’industrie.
Andrius Kubilius donnera la priorité à la mise en place d’un bouclier aérien européen et à l’avancement d’un projet commun de cyberdéfense, des objectifs définis par Ursula von der Leyen comme un « intérêt européen commun ».
Des domaines nationaux
Lors de la présentation du portefeuille de la Défense, Ursula von der Leyen s’est efforcée de rassurer les capitales européennes. « Je suis tout à fait consciente que les États membres disposent de compétences […] mais le niveau européen est responsable du marché unique et de l’industrie », a-t-elle déclaré à la presse.
En ce sens, « le renforcement de la base industrielle de la défense sera important », a-t-elle ajouté, faisant allusion au projet EDIP.
L’EDIP et la création d’un poste de commissaire à la Défense ont été mis en place après le déclenchement de guerre de la Russie contre l’Ukraine, un conflit qui a incité les Européens à augmenter leurs dépenses et leurs investissements dans le domaine de la défense.
La Commission a joué un rôle actif en subventionnant des achats conjoints d’armes et en stimulant la production de munitions. Elle vise désormais à mettre les industries européennes sur le pied de guerre, en faisant correspondre les commandes et la demande, en surveillant les chaînes d’approvisionnement et en créant des réserves.
« Nous savons tous, du fait de l’expérience amère de la guerre russe en Ukraine, à quel point les technologies de pointe sont cruciales », a souligné Ursula von der Leyen.
Andrius Kubilius devra rendre compte de son travail à la commissaire désignée pour la Souveraineté et la Sécurité technologiques, la Finlandaise Henna Virkkunen. Il devra également être en contact avec Stéphane Séjourné, commissaire français chargé de la Prospérité et de l’Industrie, et avec Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie de l’UE.
[Édité par Laurent Geslin]