À l’approche de la date butoir avant laquelle les 27 États de l’Union européenne (UE) doivent avoir soumis les noms de leurs candidats pour le Collège des commissaires, les pays européens ne semblent pas avoir tenu compte des objectifs de parité de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
Les commissaires européens qui formeront le Collège sont proposés par les 27 pays membres de l’UE, nommés par Ursula von der Leyen et ils seront ensuite auditionnés et soumis à l’approbation du Parlement européen, qui dispose d’un droit de veto.
Pour l’heure, 22 États ont divulgué les noms de leurs candidats, mais à cinq jours de la date limite, le Portugal, la Belgique, le Danemark, l’Italie et la Bulgarie n’ont pas encore annoncé leur choix.
Sur les 22 candidat(e)s connus, seize sont des hommes et six seulement des femmes. Thierry Breton (France), Valdis Dombrovskis (Lettonie), Wopke Hoekstra (Pays-Bas) et Olivér Várhelyi (Hongrie) — tous des hommes — ont été invités par leur gouvernement respectif à poursuivre leur mandat pour une nouvelle période de cinq ans.
Après sa réélection, Ursula von der Leyen avait pourtant appelé les Vingt-Sept à présenter deux candidats, un homme et une femme, pour composer un Collège des commissaires équilibré pour la législature 2024-2029.
Le 22 août, Eric Mamer, porte-parole en chef de la Commission, s’est gardé de préciser si la Commission pourrait présenter autant de femmes que d’hommes. « Nous n’allons pas donner un compte-rendu détaillé du processus actuellement en cours », a-t-il indiqué aux journalistes.
En 2019, lorsque la présidente de la Commission avait lancé avant son premier mandat le même appel aux États membres, onze pays avaient proposé une femme. Une fois constitué, le Collège avait presque atteint la parité.
Il appartiendra au Parlement européen de prendre en compte l’équilibre des genres lors de l’approbation et du rejet des commissaires désignés par la présidente cet automne, comme le prévoit le règlement intérieur de l’hémicycle.
Les retardataires
Les pays qui n’ont pas encore désigné de commissaire pourraient avoir fait ce choix pour des raisons tactiques, estime de son côté Mads Jedzini, un analyste spécialiste de l’UE au sein du groupe de réflexion Europa, basé à Copenhague. Ces derniers pourraient vouloir attendre de voir l’évolution du panel de candidats et en quoi celui-ci pourrait favoriser leur pays avant de faire des propositions.
L’Italie, par exemple, a exprimé son intérêt pour un portefeuille économique et attend de voir quels noms les autres pays proposent afin d’avancer un candidat qui soit mieux placé pour remporter le portefeuille souhaité.
Des raisons de politique intérieure expliquent aussi les approches des pays membres.
Au Danemark, le gouvernement de Mette Frederiksen devrait combiner la nomination d’un commissaire européen avec un remaniement ministériel qui créerait par ailleurs un poste de ministre chargé de l’UE, avant la présidence danoise du Conseil de l’UE au second semestre 2025, souligne l’analyste.
La Bulgarie est pour sa part en proie à une crise politique sans précédent qui laisse le pays sans gouvernement et, par conséquent, sans personne pour nommer un candidat commissaire.
La Belgique se trouve dans une situation similaire, les négociations pour former un nouveau gouvernement après les élections de début juin ayant récemment échoué.
Bras de fer entre les États membres et la Commission
Alberto Alemanno et Mads Jedzini ne sont toutefois pas d’accord sur l’influence dont dispose la présidente de la Commission pour pousser les États membres à désigner certains candidats plutôt que d’autres.
Selon Mads Jedzini, Ursula von der Leyen doit essayer d’adapter des portefeuilles pour satisfaire certaines capitales. La présidente de la Commission envisage par exemple de nommer un commissaire au Logement, comme l’ont demandé les pays du sud de l’Europe.
Pour Alberto Alemanno cependant, Ursula von der Leyen « dispose d’un pouvoir presque illimité ». Il considère que si cette dernière utilise toutes ses compétences, elle pourrait demander aux États membres de reconsidérer leurs propositions. « Selon moi, le processus de nomination actuel doit être repensé », explique-t-il.
Une fois qu’Ursula von der Leyen disposera de la liste complète des candidats des États membres, elle pourra demander aux capitales de proposer de nouveaux noms avant de les soumettre à l’examen du Parlement, suggère Alberto Alemanno.
Pour que le Collège des commissaires passe le processus d’approbation, la présidente de la Commission devra en outre tenir compte de la composition politique du nouveau Parlement européen, note Mads Jedzini.
Les auditions des commissaires devant le Parlement européen sont prévues à la fin du mois de septembre, à moins qu’Ursula von der Leyen ne décide de remanier la liste des candidats.
[Édité par Anna Martino & Anne-Sophie Gayet]