Alors que les États membres de l’Union européenne (UE) ont fait leurs propositions pour le prochain Collège des commissaires, les eurodéputés se préparent à auditionner les candidats et certains d’entre eux, comme l’Italien Rafaelle Fitto, sont déjà en ligne de mire.
Les affiliations politiques des candidats proposés reflètent largement celles des gouvernements des pays de l’Union, et non la composition du Parlement européen, où aucun groupe politique ne dispose d’une majorité absolue. Ce point compliquera les auditions de confirmation des commissaires, prévues à partir de la mi-octobre au Parlement européen.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, valide les candidats proposés par les Vingt-Sept et leur attribue ensuite des portefeuilles. Cependant, aussi bien les candidats que les portefeuilles attribués seront soumis à l’examen des membres du Parlement européen. Ursula von der Leyen doit donc veiller à prendre des décisions que les eurodéputés accepteront, tout en honorant les accords qu’elle a déjà conclus avec les dirigeants des États membres.
Parmi les 26 candidats, quatorze sont issus du Parti populaire européen (PPE) de centre droit. La plupart des gouvernements nationaux de l’UE sont dirigés par des partis affiliés au PPE, mais si ce groupe est le plus grand au Parlement européen (188 sur 720 sièges), il n’y détient pas la majorité absolue.
Ensemble, les forces du PPE, des Socialistes et Démocrates européens (S&D, 136 sièges) et du groupe libéral Renew (77) détiennent une courte majorité, sur laquelle la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, s’est appuyée pour sa réélection en juillet. Les Verts (53 sièges) lui ont également apporté un soutien décisif lors du vote de confirmation.
Le groupe des Conservateurs et Réformistes européens (CRE, 78 sièges), qui se situe nettement à la droite du PPE, a voté contre Ursula von der Leyen. Mais pour faire passer son programme politique, la présidente de la Commission pourrait à l’avenir avoir besoin de certains soutiens au sein du groupe CRE.
Rallier le soutien d’un maximum d’eurodéputés pour approuver les nouveaux commissaires « sera un processus très différent que lorsqu’Ursula von der Leyen a [cherché des soutiens pour être] confirmée par le Parlement », explique un haut fonctionnaire du PPE à Euractiv.
Raffaele Fitto sur la sellette
Le commissaire désigné par Giorgia Meloni, Raffaele Fitto (Fratelli d’Italia, CRE), fait partie des candidats qui risquent de connaître des moments difficiles au cours de son audition devant les eurodéputés. Ce dernier est en lice pour un poste de vice-président exécutif de la Commission, ce qui ne manquera pas d’irriter le groupe S&D, le second plus grand groupe du Parlement et qui pourrait à ce titre s’attendre à obtenir une vice-présidence.
Pour rappel, en 2019, le Partito Democratico (PD, S&D) alors au pouvoir en Italie avait obtenu le portefeuille de l’économie pour Paolo Gentiloni, mais n’avait pas obtenu de vice-présidence, bien que le S&D était le deuxième plus grand parti au Parlement européen.
En outre, le S&D a précédemment mis en garde la présidente de la Commission contre une collaboration avec le CRE, le considérant comme étant trop à droite.
Cette semaine, Valérie Hayer, cheffe de file de Renew Europe, s’est aussi refusée à ce que l’Italien obtienne un poste important. « C’est politiquement incompréhensible et j’ai déjà fait comprendre à Ursula von der Leyen que cela ne pouvait pas être accepté », a-t-elle souligné.
« Raffaele Fitto devra expliquer pourquoi les eurodéputés de son parti ont voté contre la présidente Ursula von der Leyen », a pour sa part expliqué à Euractiv l’eurodéputé roumain de centre droit Siegfried Mureșan (PPE).
L’eurodéputé danois Anders Vistisen, du groupe d’extrême droite Patriotes pour l’Europe, n’est quant à lui pas convaincu par les convictions politiques de l’italien. « Je ne suis pas sûr qu’il serait de droite si ce n’était pas [en Italie] un moyen de se faire élire », a-t-il expliqué à Euractiv.
Parité hommes-femmes
Certains eurodéputés de gauche estiment aussi que le futur Collège pourrait manquer de femmes. Ursula von der Leyen avait pourtant demandé à chaque État membre de proposer deux candidats, un homme et une femme. Mais son souhait est resté lettre morte et n’a été respecté que par la Bulgarie.
Avec les propositions actuelles, le casting pourrait compter dix femmes sur 27, si l’on compte Ursula von der Leyen et Kaja Kallas (future Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité), toutes deux déjà élues.
« L’UE a vraiment l’air mal en point avec un tel boys’ club », déplore la législatrice Terry Reintke (Verts/ALE).
L’eurodéputée française Manon Aubry (La Gauche) est allée plus loin en déclarant que « la Commission ne devrait pas voir le jour » sans une parité de genre au sein du Collège des commissaires.
Manon Aubry a ajouté que son groupe « luttera très fermement contre ces nominations pour s’assurer qu’elles reflètent la réalité des citoyens européens ». Le groupe de La Gauche dispose de 46 sièges sur les 720 que compte le Parlement.
La candidature hongroise dans l’incertitude
Le candidat hongrois Olivér Várhelyi (Fidesz, Patriotes pour l’Europe) — qui était en charge du portefeuille de l’élargissement lors de la dernière législature — devrait aussi être particulièrement mal accueil par les eurodéputés. Il semble de fait peu probable que ce dernier — ou que tout autre candidat hongrois — conserve le portefeuille de l’élargissement.
L’eurodéputée finlandaise Li Andersson (La Gauche) a ainsi expliqué que durant le mandat d’Olivér Várhelyi, « on pouvait le voir agir davantage pour Budapest que pour la Commission ».
En octobre, Olivér Várhelyi avait suscité une vive polémique en annonçant sur les réseaux sociaux la suspension immédiate des subventions destinées aux Palestiniens, plongeant la Commission dans la panique, alors que les commissaires sont censés travailler de concert.
Prochaines étapes
Ursula von der Leyen devrait annoncer dans le courant de la semaine ou au début de la semaine prochaine qui sera chargé de chaque portefeuille. À partir de ce moment-là, un long processus d’auditions parlementaire débutera.
Les aspirants commissaires seront auditionnés par les commissions parlementaires liées à leurs portefeuilles. Avant cette étape, les eurodéputés de la commission juridique (JURI) du Parlement doivent aussi devoir passer au peigne fin les finances personnelles de chaque candidat.
La candidate portugaise, Maria Luis Albuquerque, fait par exemple l’objet d’une enquête pour ses liens présumés avec l’accord de privatisation de la TAP, alors qu’elle était ministre des Finances de son pays.
Plusieurs sources parlementaires ont confié à Euractiv que les auditions ne devraient commencer qu’à la mi-octobre, et la majorité des candidats devront attendre jusqu’en novembre avant leur audition.
Thomas Moller-Nielsen et Nicholas Wallace ont contribué à la rédaction de cet article.