La nouvelle organisation de la Commission européenne acte une perte d’influence française dans l’établissement des priorités de l’agenda politique 2024-2029, et dans sa capacité à porter sa propre vision.
Victor Warhem est le représentant du Centre de Politique européenne en France.
Alors que l’on aurait pu se réjouir que la France obtienne une vice-présidence « exécutive » consacrée à « la prospérité et la stratégie industrielle », et destinée à superviser plusieurs portefeuilles et commissaires, et ce dans ses domaines de prédilection (industrie, marché intérieur, innovation), l’organisation bureaucratique de la prochaine Commission témoigne au contraire d’une relégation de la vision française au second rang.
Certes, le commissaire français Stéphane Séjourné disposera bien d’une administration pour gérer les dossiers relatifs au marché intérieur, à l’industrie et aux entreprises, comme son prédécesseur Thierry Breton, et supervisera Maria Luis Albuquerque, commissaire portugaise en charge notamment de faire avancer l’Union des marchés de capitaux.
Cependant, une « co-supervision » avec la vice-présidente finlandaise Henna Virkkunen a été décrétée s’agissant de la commissaire bulgare Ekaterina Zaharleva, en charge notamment de la recherche et de l’innovation. Et Ursula von der Leyen elle-même co-supervisera avec Stéphane Séjourné le Slovaque Maroš Šefčovič, en charge de la sécurité économique, ainsi que le Letton Valdis Dombrovskis, en charge de l’économie et de la productivité.
S’agissant des autres domaines qu’aurait pu superviser Stéphane Séjourné, la défense et l’espace du commissaire lituanien Andrius Kubilius seront au contraire supervisés par Henna Virkkunen ; la croissance « propre » et les ressources propres européennes du frugal néerlandais Wopke Hoekstra le seront par la vice-présidente espagnole Teresa Ribera Rodriguez, ouvertement anti-nucléaire, qui supervisera également l’anti-nucléaire danois Dan Jorgensen à l’énergie et au logement.
Enfin, s’agissant du budget, géré par le polonais Piotr Serafin, c’est encore une fois Ursula von der Leyen qui sera chargée de le superviser. Avec la négociation du cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034 qui débutera officiellement après les élections allemandes à l’automne 2025, on est en droit de douter de la capacité française à faire prévaloir ses vues.
Au total, la France n’aura la main ni sur la défense et l’espace, ni sur l’énergie (ou le nucléaire risque d’être marginalisé), et devra constamment négocier avec Henna Virkkunen et Ursula von der Leyen pour pousser son agenda industriel, sans capacité apparente à peser sur les négociations budgétaires à venir.
Malheureusement, si l’instabilité politique nationale persiste, il semble peu probable qu’Emmanuel Macron, par l’entremise de son plus fidèle lieutenant Stéphane Séjourné, parvienne à lutter efficacement contre cette organisation pour faire prévaloir les intérêts de la France en Europe.