Cinq questions clés pour le succès de Mark Rutte en tant que nouveau chef de l’OTAN

L'ancien Premier ministre néerlandais Mark Rutte quitte le bâtiment gouvernemental Binnenhof après avoir remis son bureau au nouveau Premier ministre néerlandais Dick Schoof, le 2 juillet 2024 à La Haye, Pays-Bas. [(Photo by Patrick van Katwijk/Getty Images)]

Le Néerlandais Mark Rutte prend ses fonctions en tant que secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ce mardi 1er octobre, et bien que ses cinq premières tâches sont claires et sans surprises, elles ne seront pas faciles à mener à bien.

Après une décennie passée sous la houlette du Norvégien Jens Stoltenberg, l’alliance militaire occidentale a été confiée à Mark Rutte, reconnu pour sa capacité à trouver un consensus même dans la tempête.

Selon les diplomates de l’OTAN, Mark Rutte, Premier ministre des Pays-Bas pendant 13 ans, devrait « faire davantage, mais différemment ».

Aucune révision majeure de la mission de l’OTAN n’est attendue durant son mandat, mais le nouveau secrétaire général devra veiller à ce que la transition se fasse en douceur et soit presque invisible à un œil non averti, car la continuité est une préoccupation majeure pour tous les alliés.

Plusieurs diplomates de l’OTAN ont confié à Euractiv qu’un changement de leadership aurait un impact sur le fonctionnement interne de l’alliance, mais que les tâches resteraient inchangées.

L’Ukraine se rapproche de l’OTAN, mais sans promesse ni calendrier

Les dirigeants de l’OTAN ont soutenu la voie « irréversible » de l’Ukraine vers l’alliance militaire occidentale, comme prévu mercredi (10 juillet), mais ils se sont abstenus de présenter un calendrier et un cadre concrets.

Trouver des fonds et des armes pour l’Ukraine

La première tâche de Mark Rutte consistera à maintenir le soutien à l’Ukraine en dépit des doutes exprimés dans les rangs de l’alliance, qu’il s’agisse de la Hongrie, qui refuse de fournir tout soutien létal, ou des États-Unis et de l’Allemagne, qui doutent de la possibilité que le pays devienne membre de l’UE.

Il devra également faire face à l’incertitude croissante quant à la possible victoire de l’Ukraine et à la forme des négociations de paix.

Pour réussir, il devra inciter les membres de l’OTAN à continuer à fournir une aide aux forces armées ukrainiennes — 40 milliards d’euros promis cette année — ainsi qu’une formation plus poussée. S’il échoue, la tâche de coordination de l’alliance militaire deviendra caduque, affirme un diplomate de l’OTAN à Euractiv.

« L’Ukraine sera le premier test pour Mark Rutte », indique à Euractiv Oana Lungescu, membre distingué du Royal United Services Institute (RUSI) et ancienne porte-parole de l’OTAN.

« L’hiver approche ; nous voyons la Russie continuer ses attaques brutales contre l’infrastructure énergétique et les civils ; il y a également plus de discussions sur d’éventuels pourparlers de paix, donc l’objectif de l’alliance restera de s’assurer que le soutien à l’Ukraine est aussi fort que possible lorsqu’elle s’assiéra pour des négociations », a-t-elle ajouté.

L’OTAN étudie les moyens de se préparer à la guerre

Les nouveaux plans de défense de l’OTAN, qui nécessitent des dépenses militaires record, seront étudiés lors de la réunion des dirigeants des pays alliés mercredi (10 juillet), qui portera sur les moyens d’accroître les capacités de défense de l’Alliance.

L’argent à la base de nombreux débats

Au cours des prochains mois, l’argent dépensé pour l’Ukraine et les équipements de défense, les troupes et l’industrie de l’alliance domineront la scène politique.

Mark Rutte a toutefois souligné que l’augmentation des dépenses de défense ne devrait pas dépendre de la personne qui gagnera le cœur de l’électorat américain, y compris l’ancien président républicain américain Donald Trump, hostile à l’OTAN.

« Nous devrions cesser de nous plaindre et de pleurnicher à propos de [Donald] Trump […] Nous devons travailler avec quiconque se trouve sur la piste de danse », avait affirmé l’ancien Premier ministre néerlandais aux dirigeants mondiaux en février, avant d’être nommé à la tête de l’alliance.

Le partage équitable du fardeau financier est un sujet délicat pour les alliés militaires, qui ont l’habitude de voir les États-Unis payer la facture.

Outre l’intérêt de plaire à Washington et les préoccupations sécuritaires, les Européens de l’Est continuent de pousser leurs voisins à consacrer un minimum de 3 % de leur PIB à la défense. Ils comptent sur le sommet de l’OTAN de La Haye, l’été prochain, pour que les autres alliés signent un nouvel engagement qui dépasse les 2 % actuels.

Le commandement militaire de l’OTAN a prévenu qu’un manque de liquidités pourrait compromettre la mise en oeuvre des plans de défense et de dissuasion dans les domaines cybernétique, terrestre, spatial, aérien et maritime.

Un commissaire européen à la Défense, oui, mais pour quoi faire ?

Ursula von der Leyen l’a promis : l’Union européenne, face à la menace russe et la guerre en Ukraine, aura son commissaire à la Défense. Mais pour quoi faire ?

Le rôle de l’OTAN face à la Chine

Les discussions sur les dépenses seront cruciales pour maintenir les États-Unis impliqués dans la sécurité collective, car ils surveillent de près non seulement l’Europe, mais aussi le comportement de la Chine.

Depuis que Pékin se pose en tant que défi, les membres de l’OTAN ont examiné attentivement les implications des actions de la Chine en Europe et en Amérique du Nord sur la sécurité.

La question de savoir si l’OTAN devrait jouer un rôle plus important dans l’examen du rôle de Pékin au sein de l’alliance militaire — qu’il s’agisse d’investissements, de désinformation ou de menaces potentielles pour les infrastructures critiques — dépendra également de la mesure dans laquelle les États-Unis pourront orienter l’ordre du jour en fonction de leurs préférences.

La grande inconnue du coût de la modernisation de la défense européenne

Fonctionnaires et diplomates s’efforcent de déterminer le coût de la réforme de la défense de l’Union européenne (UE), tout comme les industriels et les gouvernements nationaux, alors que les négociations budgétaires des prochains mois s’annoncent houleuses.

Quelle position commune sur la Russie ?

Lors du sommet de Washington en juillet, les dirigeants ont confié à Mark Rutte une tâche essentielle : définir la relation avec la Russie d’ici l’été prochain.

Cette mission controversée devrait mettre en lumière les différences entre les positions extrêmes des pays baltes et du flanc oriental, d’une part, et de la Hongrie et de la Turquie, d’autre part.

Alors que les premiers veulent faire table rase du passé et annuler l’acte fondateur OTAN-Russie sur les relations mutuelles, signé en 1997, les seconds veulent attendre un accord de paix en Ukraine avant de négocier une nouvelle position unilatérale.

Les Bulgares de plus en plus favorables à l'OTAN et l'UE, alors que le soutien à la Russie perd du terrain

En Bulgarie, le soutien à l’adhésion à l’OTAN a grimpé en flèche depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il serait passé  de 28 % à 40 % au cours des sept dernières années selon un récent sondage, qui révèle également un déclin du soutien envers la Russie.

Éviter les doublons entre l’UE et l’OTAN

Bien qu’il soit à la tête de l’alliance militaire, Mark Rutte ne doit pas oublier que l’Union européenne est depuis peu investie d’un rôle plus important dans la sécurité et la défense du continent, en particulier lorsqu’il s’agit d’augmenter la production de l’industrie et d’investir dans l’innovation.

Les relations difficiles entre la Turquie et Chypre, qui sont toutes deux membres de l’une ou l’autre organisation, ont permis à l’OTAN et à l’UE d’élaborer des stratégies communes. Une coopération ad hoc a par exemple été mise en place pour protéger les infrastructures critiques.

Cependant, l’UE occupant maintenant une plus grande place dans le domaine de la défense, la duplication est un sujet de préoccupation pour les membres des deux organisations.

« Nous devons être ensemble et ne pas créer de structures concurrentes qui se chevaucheraient et feraient double emploi avec l’OTAN », a mis en garde Jens Stoltenberg au début du mois, lors de l’une de ses dernières apparitions publiques en tant que secrétaire général.

Son remplaçant a d’ailleurs été choisi, entre autres, parce qu’il vient d’un pays à la fois membre de l’OTAN et de l’UE. Les Européens, et en particulier la France, espèrent que cela facilite les relations, accroisse la coopération sur des sujets similaires et évite les malentendus.

« Je pense que l’on s’efforcera de voir ce qui peut être réalisé concrètement pour la sécurité de l’Europe », affirme l’ancienne porte-parole Oana Lungescu.

Elle mentionne notamment « le soutien de l’UE aux achats nationaux d’équipements nécessaires à l’exécution des plans de défense de l’OTAN, l’augmentation du financement de l’UE pour la mobilité militaire et une coopération plus étroite en matière de formation des forces ukrainiennes ».

OTAN : les défis qui attendent Mark Rutte, nouveau secrétaire général de l'Alliance

Le futur secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, n’a que quelques mois pour se préparer à diriger l’alliance militaire occidentale dans un contexte de crise, les membres des deux côtés de l’Atlantique cherchant à lui imposer leurs priorités.

[Édité par Anna Martino]

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