Les Alliés toujours divisés sur les modalités d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN

Lors du sommet de Vilnius en juillet, les dirigeants de l’OTAN ont convenu « d’inviter l’Ukraine à rejoindre l’Alliance lorsque les alliés seront d’accord et que les conditions seront remplies » et ont qualifié le sommet de « succès ». [EPA-EFE/ROBERT GHEMENT]

L’OTAN et l’Ukraine devraient approuver mercredi (28 novembre) la liste des réformes que Kiev doit entreprendre en vue de sa future adhésion à l’Alliance, malgré les divisions suscitées par le processus et les réticences des États-Unis et de l’Allemagne à une intégration rapide du pays.

S’exprimant en amont de cette réunion lundi (27 novembre), le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré que l’Alliance indiquera « dans une série de recommandations » les réformes que l’Ukraine doit mener « en priorité » et a réaffirmé qu’elle continuerait à « aider le pays sur la voie de son adhésion ».

« Les Alliés ont convenu que l’Ukraine deviendra membre de l’OTAN », a-t-il ajouté.

Cette démarche a pour objectif d’inciter Kiev à procéder à une réforme de ses forces armées et des domaines liés à la sécurité. La liste — qui ne sera pas rendue publique — permettra aux membres de l’OTAN de suivre la progression du pays.

Reste à savoir si les réformes listées dans le programme seront des conditions que l’Ukraine devra remplir pour rejoindre l’OTAN ou si elles sont un outil pour rapprocher Kiev de l’alliance militaire — une question sur laquelle les Alliés peinent à se mettre d’accord, ont confié plusieurs diplomates de l’OTAN à Euractiv.

Lors du sommet de Vilnius en juillet, les dirigeants de l’OTAN avaient convenu « d’inviter l’Ukraine à rejoindre l’Alliance lorsque les alliés seront d’accord et que les conditions seront remplies ».

Si certains membres de l’OTAN, tels que l’Allemagne et les États-Unis, ne souhaitaient pas exempter totalement l’Ukraine de réformes avant son adhésion à l’Alliance, ils ne voulaient pas non plus imposer le processus strict et long du plan d’action pour l’adhésion (MAP).

Ils ont alors décidé de demander à l’Ukraine de remplir un programme national annuel (ANP) « adapté ».

Les ministres des Affaires étrangères approuveront l’ANP élaboré par Kiev, qui définit les réformes que le pays juge essentielles pour être prêt à entrer dans l’OTAN à la fin de la guerre, conformément aux recommandations des membres de l’OTAN.

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Dans un communiqué du sommet de Vilnius soigneusement formulé, les dirigeants de l’OTAN n’ont pas répondu à la demande de l’Ukraine d’un engagement clair concernant la date et les circonstances de l’adhésion de Kiev à l’alliance militaire.

Un processus simplifié

L’ANP fournit un programme de réformes aux Ukrainiens afin que Kiev puisse commencer à y travailler, a déclaré un diplomate de l’OTAN, se faisant l’écho de ce que d’autres ont également déclaré à Euractiv.

Le processus du programme national annuel est moins strict que le plan d’action pour l’adhésion auquel tout pays qui aspire à devenir membre de l’OTAN doit se conformer, ont expliqué quatre diplomates de l’organisation.

« Nous avons raccourci le processus d’adhésion de l’Ukraine, qui est passé d’une procédure en deux étapes à une procédure en une seule étape, en supprimant la nécessité d’un plan d’action […]. Nous avons en réalité supprimé l’une des phases que l’Ukraine devait franchir pour devenir membre à part entière [de l’Alliance] », a déclaré M. Stoltenberg.

Contrairement aux plans de réforme précédents, l’ANP de l’Ukraine est beaucoup plus court et moins détaillé, avec 10 pages au lieu de 300. Il consiste en une énumération de domaines prioritaires plutôt qu’en une véritable check-list, qui a empêché l’Ukraine de mettre en avant ses progrès, a déclaré une personne au fait des discussions.

De cette manière, il sera plus facile pour Kiev de souligner ses progrès jusqu’au sommet de l’OTAN qui se tiendra à Washington l’été prochain.

Parmi les nombreuses réformes figurent la garantie du contrôle civil des forces armées, l’élaboration d’une stratégie nationale de défense et de sécurité, le travail sur l’interopérabilité des forces armées avec celles des membres de l’OTAN, ainsi que des réformes anticorruption (modification du système judiciaire, déclaration de patrimoine des personnes politiquement exposées).

La protection des minorités est également incluse dans le plan de réforme, selon les informations d’Euractiv, au même titre que les considérations sur les droits humains et la démocratie, que Budapest pose régulièrement comme condition avant d’établir un lien plus étroit entre l’OTAN ou l’Union européenne et Kiev.

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Deux camps divisés

En réalité, les divisions sont les mêmes que lors du sommet de Vilnius, ont expliqué trois diplomates de l’OTAN à Euractiv. L’Allemagne et les États-Unis font pression pour un processus axé sur les conditions plutôt que sur la politique, ont déclaré deux d’entre eux.

Concrètement, cela signifie que le programme guiderait les réformes, et lorsque les conditions énumérées seront remplies, a déclaré un second diplomate, il pourrait y avoir une discussion sur l’adhésion.

D’autres membres de l’OTAN estiment que le programme ne devrait pas énumérer de conditions, mais qu’il devrait plutôt s’agir d’un « guide » ou d’un « outil » permettant de suivre les progrès et d’informer les dirigeants.

Le choix de la simple énumération des domaines dans lesquels des réformes doivent être entreprises laisserait une marge de manœuvre aux membres de l’OTAN pour examiner les progrès accomplis sans être liés à l’évaluation stricte des progrès, ce qui serait le cas avec une check-list. Ainsi, ils pourraient donner une opinion politique concernant ces progrès.

Cependant, l’absence de détails fait naître un risque que les réformes effectuées ne soient jamais suffisantes et qu’il soit plus difficile de donner le feu vert à l’adhésion.

« En fin de compte, cela reste une décision politique », a conclu le troisième diplomate de l’OTAN, en prenant pour exemple les retards pris par la Turquie et la Hongrie pour donner leur feu vert à l’adhésion de la Suède en raison de préoccupations nationales.

Un autre diplomate de l’OTAN a déclaré que même si la guerre en Ukraine se terminait demain et que le pays remplissait toutes les conditions énumérées dans le plan, les Alliés devraient encore donner leur accord pour lancer une invitation, un processus qui pourrait s’avérer ardu.

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[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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