OTAN : les défis qui attendent Mark Rutte, nouveau secrétaire général de l’Alliance

Mark Rutte, nouveau secrétaire général de l’OTAN. [EPA-EFE/Phil Nijhuis]

Le futur secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, n’a que quelques mois pour se préparer à diriger l’alliance militaire occidentale dans un contexte de crise, les membres des deux côtés de l’Atlantique cherchant à lui imposer leurs priorités.

Depuis la chute de son quatrième gouvernement, l’été dernier aux Pays-Bas, l’ancien Premier ministre et responsable politique chevronné est devenu le candidat favori par les États-Unis pour succéder au secrétaire général de l’OTAN sortant Jens Stoltenberg.

Traditionnellement, le soutien des États-Unis est un élément essentiel du processus de sélection, mais Mark Rutte a tout de même dû travailler acharnement pour obtenir le poste.

Après 14 années à la tête de gouvernements néerlandais souvent très critiques des alliés et des pays partenaires, Mark Rutte a dû concéder des faveurs à d’autres membres de l’OTAN, tels que la Hongrie, la Turquie et les pays d’Europe de l’Est, pour obtenir leur soutien total.

Il devra honorer ses engagements une fois à la tête de la plus grande alliance militaire du monde. Son mandat débutera le 1er octobre.

Selon trois diplomates de l’OTAN, son plan « ressources humaines » prévoit de nommer davantage d’Européens de l’Est — et plus généralement les pays les moins représentés, y compris ceux du Sud — à des postes de haut niveau. Cela signifie qu’il devrait proposer à certains d’entre eux des postes de secrétaire général adjoint.

La Turquie, notamment, n’oubliera probablement pas ses deux conditions à l’approbation de Mark Rutte : faire en sorte que la lutte contre le terrorisme — l’autre menace centrale de l’OTAN après la Russie — reste à l’ordre du jour et s’efforcer de limiter les restrictions d’exportation d’armements entre alliés.

Dans ce contexte, le mois dernier, Jens Stoltenberg et Mark Rutte ont accepté, sans consulter les autres alliés, que la Hongrie ne participe pas au soutien militaire de l’Ukraine, selon les trois mêmes diplomates de l’OTAN.

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Un sommet décisif

En tant que dirigeant de longue date aux Pays-Bas, Mark Rutte s’est déjà assis à la table de l’OTAN, a vu ses homologues se succéder et a été témoin de l’aggravation des relations avec la Russie et des liens avec la Chine.

Cependant, c’est un épisode particulier qui l’a imposé comme candidat idéal pour son nouveau rôle.

Lors d’un sommet houleux de l’OTAN en 2018, l’ancien président américain Donald Trump avait interrompu une session sur l’avenir de l’Ukraine et de la Géorgie au sein de l’OTAN pour lancer un avertissement selon lequel Washington quitterait l’alliance si les membres européens ne commençaient pas à augmenter leurs dépenses dans la défense.

Le président français Emmanuel Macron et l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel avaient alors tenté de le raisonner, en soulignant que l’augmentation des budgets de défense de l’Europe nécessiterait du temps.

Selon des sources proches des négociations, Mark Rutte avait désamorcé la situation en assurant à Donald Trump que les dépenses en matière de défense étaient déjà en train d’augmenter, principalement grâce au dirigeant américain.

Plus tard, quand Donald Trump avait parlé à la presse, il a cité des « progrès considérables » et s’en est arrogé le succès.

Toutefois, le véritable vainqueur ce jour-là était Mark Rutte, dont l’initiative lui avait valu le surnom de « l’homme qui murmure à l’oreille de [Donald] Trump ».

En tant que nouveau secrétaire général de l’OTAN, ses tâches dépasseront probablement le simple équilibre entre ses deux missions principales, à savoir représenter l’Alliance à l’extérieur et la maintenir en ordre à l’intérieur, ont expliqué plusieurs diplomates de l’OTAN.

Ils ont souligné qu’il devra notamment être à l’écoute de tous les membres de l’alliance militaire occidentale, et pas seulement des poids lourds.

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Les menaces de Donald Trump

La tâche la plus ardue de Mark Rutte, selon tous les diplomates, sera de maintenir les États-Unis au sein de l’Alliance dans un contexte où la Russie cherche à la diviser.

D’autant plus que Washington, la plus grande puissance militaire de l’OTAN, traverse une crise politique interne avec le second tour des élections présidentielles américaines, où s’affrontent le président américain sortant, Joe Biden, souffrant de problèmes de santé, et Donald Trump, très critique de l’Alliance.

Au cours des dernières années, Jens Stoltenberg a gagné le respect en empêchant Donald Trump de saper la promesse de défense mutuelle de l’OTAN. Mais les menaces répétées de l’ancien président américain de ne pas défendre ses alliés transatlantiques en raison de leurs faibles dépenses de défense ont alarmé les pays membres.

Mark Rutte sera donc sous pression pour jouer le même rôle si nécessaire.

Le travail a déjà commencé pour protéger l’alliance militaire occidentale du potentiel retour de Donald Trump en façonnant les messages publics de l’OTAN de manière positive pour répondre à la plus grande demande de l’ancien président américain : un partage plus équitable du coût de la sécurité collective.

Les membres de l’OTAN ont considérablement augmenté leurs dépenses de défense au cours des dernières années, 23 d’entre eux atteignant désormais le seuil de 2 % du PIB.

Ironiquement, c’est sous les gouvernements successifs de Mark Rutte que les Pays-Bas ont réduit leur budget de défense pendant plus d’une décennie et ont prôné la discipline budgétaire. Ce n’est que récemment que La Haye a atteint l’objectif de dépenses de l’OTAN.

Les diplomates de l’OTAN sont catégoriques : la récente augmentation des dépenses n’est pas motivée par un président américain en particulier, mais avant tout par la nécessité de répondre à la menace de la Russie.

Parallèlement, l’administration Biden a récemment abandonné son opposition à l’inclusion de l’aide militaire à l’Ukraine dans ses calculs, une décision qui pourrait facilement faire davantage grimper les chiffres.

L’ancien Premier ministre néerlandais devra également veiller à ce que la Chine reste une priorité, une question centrale pour Washington, surtout depuis le premier mandat de Donald Trump, tout en répondant aux appels des Européens, en particulier de la France, à ne pas étendre les tâches de l’OTAN au bassin Indo-Pacifique.

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Satisfaire l’Est et le Sud

Si le nouveau secrétaire général de l’OTAN doit sa nomination à Washington, il ne doit pas oublier de contenter les petits pays d’Europe de l’Est, ont souligné plusieurs diplomates de l’OTAN.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, en février 2022, les membres de l’OTAN situés sur le flanc oriental, autrefois décriés comme des grands détracteurs de la Russie, ont rapidement gagné du poids dans l’élaboration de la politique de l’Alliance.

Récemment, quatre pays de la région ont proposé de construire une « ligne de défense » le long de la frontière orientale de l’Alliance avec la Russie et la Biélorussie, mais la proposition s’est heurtée au scepticisme de certains dirigeants d’Europe occidentale, dont Mark Rutte, quant à sa faisabilité et à son coût.

La gestion de leurs réclamations pourrait être l’un des plus grands défis de Mark Rutte, non seulement en ce qui concerne leur représentation à des postes de haut niveau, mais aussi pour répondre à leurs demandes croissantes de protéger cette partie de l’Europe contre les menaces militaires et hybrides de la Russie.

Beaucoup espèrent que, en tant qu’homme politique chevronné, Mark Rutte soit celui qui peut améliorer les relations entre l’UE et l’OTAN, d’autant plus que Bruxelles cherche à étendre son rôle dans la politique industrielle de sécurité et de défense.

Au total, 23 des 32 membres de l’OTAN souhaitent que les deux organisations coopérèrent davantage, afin d’éviter les failles et les doubles emplois, notamment dans la lutte contre les cybermenaces et les attaques hybrides.

Un grand pas en avant serait que les deux organisations échangent des informations et des documents, une initiative qui reste en suspens en raison de la question turco-chypriote.

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Le pragmatisme règne

Durant ses premières années en tant que Premier ministre, Mark Rutte professait une aversion personnelle pour la politique internationale, la jugeant trop chaotique et peu fructueuse pour les intérêts néerlandais.

Face à la longue liste de tâches et de recherches de compromis, le Mark Rutte qui a accédé au poste de Premier ministre néerlandais il y a plus de dix ans n’aurait probablement pas été attiré par le poste à l’OTAN.

Cela a changé surtout après que la Russie a abattu le vol de passagers MH17 au-dessus de l’Ukraine en 2014, tuant 298 personnes dont principalement des citoyens néerlandais, ce qui a transformé sa position vis-à-vis de Moscou et modifié sa perception de la valeur de la coopération européenne.

Mark Rutte a progressivement découvert qu’il pouvait contribuer à la politique internationale en utilisant les compétences qu’il avait développées dans un paysage politique néerlandais fragmenté.

Il est devenu un bâtisseur de coalitions pragmatique, reconnu comme un fervent chercheur de solutions et habitué à s’adapter aux changements politiques qui l’entourent, tant dans les relations avec l’Union européenne qu’avec les États-Unis.

Les membres de l’OTAN souhaitaient une personne expérimentée pour diriger l’alliance, un ancien dirigeant, l’un des leurs. L’avenir nous dira si l’ex-Premier ministre néerlandais sera capable de répondre à ces attentes.

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[Édité par Anna Martino]

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