Politique de défense de l’UE : les discussions avancent malgré l’opposition de la France

Trois mois après que la Commission européenne a présenté sa proposition de politique à long terme pour l’industrie de la défense afin d’augmenter la capacité de production, l’EDIP, les experts en défense des États membres de l’UE ont progressé dans les discussions. [EPA-EFE/GIUSEPPE LAMI ITALY OUT]

Des éléments clés du programme européen d’investissement dans le domaine de la défense (EDIP), conçu pour renforcer les capacités de production de l’Union, feront l’objet d’un vote fictif jeudi (27 juin) afin de prendre la température concernant les négociations. Cela mettrait de côté l’opposition farouche de la France à l’utilisation de fonds européens pour des achats de défense, produits ou composants, en dehors de l’UE.

Trois mois après que la Commission européenne a présenté sa proposition de politique à long terme pour l’industrie de la défense afin d’augmenter la capacité de production, l’EDIP, les experts en défense des États membres de l’UE ont progressé dans les discussions.

La présidence belge du Conseil de l’UE a publié un texte de compromis sur certaines parties de la proposition plus tôt cette semaine.

Deux diplomates de l’UE ont confié à Euractiv qu’un « vote fictif » était également prévu pour certaines parties du texte jeudi, dans le but d’évaluer les progrès réalisés dans les négociations.

Le vote final sur le texte, qui ne devrait pas avoir lieu avant un an, nécessitera une majorité qualifiée pour que le programme soit adopté.

Réticences de certains pays

Toutefois, le texte de compromis proposé par la Belgique n’est pas conforme à ce que certains pays, en particulier la France, attendaient après les dernières discussions.

Paris s’oppose depuis longtemps à l’utilisation des fonds européens au profit d’entreprises et de pays étrangers et, par conséquent, au financement d’armes, y compris de composants pouvant faire l’objet d’une restriction d’utilisation, provenant de pays tiers, et notamment des États-Unis.

Cette réticence a compliqué les négociations sur plusieurs textes relatifs à l’achat conjoint d’armes au nom des États membres ou de l’Ukraine avec des fonds européens.

Cependant, le projet de compromis, le deuxième communiqué aux capitales depuis le début des discussions, semble faire fi des critiques exprimées.

Si le texte rejette d’abord tout financement de biens ou de services « soumis à des restrictions » par des pays étrangers, cette règle est assortie de dérogations qui pourraient englober un grand nombre de produits de défense.

L’une de ces dérogations permet à l’EDIP de financer des achats conjoints auprès d’entreprises étrangères si les pays s’engagent à essayer de remplacer le composant en question par une alternative fabriquée dans l’UE. Une autre dérogation concerne les produits déjà utilisés par les forces armées des États membres.

Plus encore, le texte prévoit que jusqu’à 35 % de la valeur du produit final peut être d’origine étrangère.

Ces dérogations sont similaires à celles accordées dans d’autres programmes de défense élaborés après le début de la guerre en Ukraine, tels que le fonds de 300 millions d’euros destiné à encourager l’achat conjoint d’armes pour reconstituer les stocks, baptisé « EDIRPA ».

Jusqu’à présent, la majorité des États membres qui souhaitent garder l’option sur la table ont fondé leur argumentation sur l’urgence de la situation en Ukraine et sur le fait que les industries européennes ne sont pas en mesure de fournir des solutions de remplacement pour tous les produits, ou du moins pas en quantités suffisantes.

Ces instruments étaient destinés à combler d’urgence les lacunes de capacité, avait déclaré la Commission à l’époque.

Le même argument est utilisé dans le projet de texte qui justifie la dérogation : « Compte tenu de la situation géopolitique et de la nécessité urgente d’acquérir des produits de défense avec le soutien du programme, l’exigence visée dans ce paragraphe ne s’applique pas aux produits de défense urgents et critiques ».

Néanmoins, les Français et leurs alliés soutiennent que la politique envisagée va façonner le comportement de l’industrie européenne à long terme, voire de manière permanente.

Les fonds et programmes de défense de l’UE : comment s’y retrouver ?

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les programmes et fonds de défense mis en place par l’UE se sont multipliés, avec pour objectif de stimuler la collaboration à différentes étapes du cycle de vie des équipements : recherche, développement, production, achats et livraisons vers des pays tiers.

De nombreuses questions en suspens

Selon les informations d’Euractiv, les États membres de l’UE ont également manifesté leur réticence sur plusieurs autres aspects du texte.

Parmi les points les plus délicats figure la création d’un conseil industriel au sein de la Commission européenne, qui vise à faire correspondre les besoins, l’offre et la demande.

La création d’une entité juridique ad hoc pour développer les équipements (Structure for European armament programme, SEAP), ainsi que la visibilité et le contrôle des chaînes d’approvisionnement, sont d’autres éléments controversés.

Face à cette longue liste de points à régler, « rien n’est convenu tant que tout n’est pas convenu », a insisté un diplomate de l’UE.

Les négociations sur le texte devraient se poursuivre pendant plusieurs mois encore, au moins jusqu’en janvier 2025, ont indiqué plusieurs sources.

Défense : le grand dossier que le nouveau Parlement européen devra aborder

Deux ans après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les stocks d’armes et de matériel de défense de l’Union européenne s’amenuisent, tandis que son industrie peine à investir dans de nouvelles capacités de production.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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