Les dirigeants de l’UE ont reporté l’accord visant à renforcer la facilité européenne pour la paix (FEP), qui permet notamment de financer la fourniture d’armements pour l’Ukraine, étant donné que certains pays souhaitent modifier les modalités du fonds.
À l’origine, le fonds était destiné à financer des équipements létaux et non létaux destinés à des pays tiers, ainsi que des missions et des opérations militaires de l’UE à l’étranger.
Ce fonds a été considéré comme crucial par les États membres qui ont fait don de leur matériel de défense à l’Ukraine, puisqu’il leur permet de percevoir un remboursement, mais également pour l’Ukraine, car il lui permet d’assurer sa défense contre l’envahisseur russe.
Les responsables de l’UE espéraient que les chefs d’États et de gouvernements débloqueraient au moins 5 milliards d’euros pour augmenter le plafond de la FEP, sur les 20 milliards d’euros initialement proposés.
Dans le texte approuvé par les dirigeants de l’UE jeudi (14 décembre), on peut lire que « le Conseil européen invite le Conseil à intensifier les travaux sur la réforme de la facilité européenne pour la paix et sur la poursuite de l’augmentation de son financement, en s’appuyant sur la proposition du haut représentant [de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité, Josep Borrel] ».
Deux représentants de l’UE et trois diplomates ont déclaré à Euractiv que l’Allemagne et la France, les deux plus grands contributeurs représentant plus de 40 % de la cagnotte, se penchaient à présent sur une réforme de ce fonds intergouvernemental.
En outre, les États membres se sont montrés réticents à accorder la totalité du montant proposé, soit 20 milliards d’euros.
Cette décision vient s’ajouter au blocage hongrois d’une aide financière de 50 milliards d’euros à l’Ukraine; des annonces qui, couplées, remettent en question le soutien de l’UE à Kiev.
Sur une note plus positive, les dirigeants de l’Union ont tout de même réussi à contourner l’opposition de Budapest pour ouvrir les négociations d’adhésion à l’UE du pays.
La question d’une réforme de la FEP, pour optimiser son utilisation, s’est posée alors que la guerre en Ukraine, qui dure depuis plus de 600 jours, contraint les alliés européens à fournir une grande quantité d’équipements militaires et un soutien financier important.
Le fonds, qui est financé par les États membres de l’UE en fonction de leur PIB, a permis le remboursement de 5,6 milliards d’euros de dons militaires et d’achats conjoints, mais ne prend pas en compte les accords bilatéraux.
Le système de solidarité intergouvernementale a permis aux États plus riches, comme l’Allemagne et la France, de financer les dons importants des États plus petits, en particulier ceux d’Europe centrale et de l’est, ce qui leur a permis d’acheter des équipements plus récents.
Berlin et Paris en tête
Outre la discussion sur les montants à consacrer au fonds, « il y a un débat plus large » concernant la FEP, a déclaré l’un des diplomates de l’UE, « avec des discussions concernant les modalités, la mise en œuvre et ainsi de suite ».
L’Allemagne et la France ont des points de vue très différents en ce qui concerne l’avenir du fonds.
Selon les informations de Politico, Berlin souhaite réviser la manière dont sa contribution est calculée. Plusieurs personnes au fait des discussions ont confié à Euractiv que le système proposé consisterait à ce que les États membres prennent en compte les montants dépensés sur une base bilatérale et les déduisent de leur contribution au fonds européen.
L’Allemagne a été fortement critiquée pour cette idée, a expliqué une source à Euractiv, car ce schéma pourrait de facto mettre fin au principe de solidarité sur lequel le système est basé.
La France aurait pour sa part souhaité qu’une clause privilégiant l’achat d’équipements européens fasse partie de l’accord, afin de favoriser une union de défense européenne plus intégrée.
Paris souhaite « réfléchir aux modalités, telles que la place de la base technologique européenne en matière de défense et d’innovation ainsi qu’à la manière d’encourager les achats conjoints et de stimuler le développement de l’industrie de défense ukrainienne », a déclaré le diplomate.
La position de la France, qui prône un développement de l’industrie européenne de la défense, est donc également en faveur de donner priorité aux équipements provenant de l’UE, ce qui rend impossible de répondre à la demande de tous les types d’équipements à court terme.
Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a cherché à transformer la logique du fonds d’une incitation à la cession d’équipements de défense en une incitation à l’acquisition pour répondre aux besoins de Kiev, ce qui est plus proche du point de vue de Paris.
La FEP est une partie importante des « engagements de sécurité » que l’UE cherche à offrir à Kiev comme preuve de son soutien à long terme. Ceci comprend des fonds, la formation de forces armées et la coopération industrielle, d’après une première ébauche de note vue par Euractiv.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]