Alors que l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), parti de gauche « conservatrice » hostile à l’envoi d’armes à l’Ukraine, a réalisé de bons scores aux élections régionales du week-end dernier en Thuringe et en Saxe, certains partis allemands plus favorables à Kiev pourraient être prêts à faire des concessions pour assurer des coalitions stables.
Lors des élections régionales de dimanche dernier en Allemagne de l’Est, le nouveau parti populiste de gauche conservatrice BSW a obtenu 16% des voix dans le Land de Thuringe et 12 % dans le Land de Saxe.
Le mouvement est donc indispensable aux coalitions qui pourraient se mettre en place dans ces deux régions, tous les partis allemands refusant par ailleurs de collaborer avec la formation d’extrême droite de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD, Europe des Nations souveraines).
La BSW revendique une attitude plutôt conciliante avec la Russie et est opposée aux livraisons d’armes en direction de l’Ukraine. Son arrivée au pouvoir dans deux régions allemandes pourrait donc avoir des conséquences sur la politique étrangère allemande.
Lundi 2 septembre, la BSW a expliqué que ses partenaires de coalition devraient ainsi s’aligner sur son approche à l’égard de la Russie. « L’un des principaux thèmes de cette campagne électorale était, bien entendu, la question de la guerre et de la paix, et les citoyens attendent des gouvernements qu’ils reflètent leur position sur ce sujet », a confié Sahra Wagenknecht à la presse.
Le sujet reste sensible dans l’est du pays, où 41% des personnes interrogées en février dernier estimaient que l’Ukraine devait déposer les armes, contre seulement 20% dans l’ouest de l’Allemagne. Des sondages à la sortie des urnes ont confirmé que la question ukrainienne était essentielle pour les électeurs de la BSW.
Sahra Wagenknecht insiste par ailleurs sur le fait que toute future coalition devra publiquement refuser le déploiement de missiles américains sur le sol allemand.
Malaise et fuite en avant au centre
Le Parti social-démocrate (SPD, Socialistes & Démocrates européens) de centre gauche, dirigé par le chancelier Olaf Scholz, et le principal parti d’opposition, l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU, Parti populaire européen) de centre droit, sont ainsi tous deux confrontés à des dilemmes politiques.
Tous deux cherchent à former des coalitions après les élections, mais la CDU en particulier a toujours encouragé le soutien militaire de Berlin à l’Ukraine et a poussé le chancelier allemand à multiplier les livraisons d’armes.
Depuis les élections de dimanche, la direction du parti semble cependant plus évasive sur la question, évoquant la possibilité d’une coalition avec la BSW. Ce qui rejoint d’ailleurs les positions plus modérées que professait la section régionale de la CDU durant la campagne.
« Il est important, dans un premier temps, de discuter avec le SPD et la BSW. Nous verrons ensuite […] », a confié à la presse Friedrich Merz, le chef de file de la CDU.
La position de la BSW sur la guerre en Russie met mal à l’aise
« Les demandes de la BSW de traiter des questions de politique étrangère au sein des gouvernements régionaux sont déplacées », explique de son côté Jürgen Hardt, député de la CDU et expert en politique étrangère.
« L’Allemagne est impliquée dans des alliances internationales. Cela ne peut pas être remis en question par un parti qui n’a, jusqu’à présent, joué aucun rôle au niveau fédéral. »
Les observateurs européens sont également inquiets. Le média polonais de droite I.PL a interprété les succès de l’AfD et de la BSW comme une victoire de Vladimir Poutine.
De son côté, le quotidien italien La Repubblica a qualifié les résultats obtenus en Thuringe et en Saxe de nouvelle preuve que « le Kremlin a désormais ses porte-parole au cœur de l’Europe ».
[Édité par Anna Martino]