L’UE a adopté de nouveaux textes de loi visant à augmenter la transparence des paiements de gouvernement provenant de l’industrie pétrolière et gazière. Bono, le leader du groupe U2, a salué cette décision et l’a qualifiée d’une « avancée qui change la donne » en matière de corruption dans des pays en développement riches en ressources.
Les ministres, la Commission européenne et le Parlement ont conclu des négociations mardi soir (9 avril) sur la directive comptable. Ils ont convenu d'une proposition de compromis, à la suite de pressions acharnées du secteur et d'ONG. L'accord oblige les entreprises européennes à déclarer les paiements supérieurs à 100 000 euros au gouvernement du pays dans lequel elles opèrent ainsi que les taxes, les droits de licence, les redevances et les impôts prélevés sur leurs revenus, leur production ou leurs bénéfices.
L'exécutif européen imposera aux industries extractives et forestières de divulguer des détails sur leurs projets industriels, notamment les paiements, et de révéler les sources de revenus du gouvernement imposables.
Le chanteur Bono, cofondateur de l'organisation de lutte contre la pauvreté ONE, a déclaré : « Les dirigeants européens ont intensifié [leurs efforts] et réalisé une avancée qui change la donne ce soir. La transparence est l'une des meilleures solutions contre la corruption et, à présent, les citoyens du monde entier connaîtront la valeur réelle des ressources de leur pays. »
Cet accord réduira également la paperasserie pour les petites et moyennes entreprises en simplifiant les règles comptables.
Il va au-delà des règles de publication adoptées par les États-Unis en 2012, car il inclut l'industrie forestière ainsi que les opérations minières et pétrolières.
Michel Barnier, le commissaire européen en charge du marché intérieur, a supervisé la proposition et déclaré : « L'accord va ouvrir une ère nouvelle en termes de transparence pour une industrie qui a agi trop souvent dans le secret, et il va contribuer à lutter contre la fraude fiscale et la corruption ainsi qu'à créer un cadre où à la fois les entreprises et les gouvernements peuvent être amenés à rendre des comptes quant à l'usage des revenus issus des ressources naturelles. »
Part équitable
Pour M. Barnier, la publication des projets garantira que les communautés qui vivent près de sites d'extraction soient dédommagées grâce à la redistribution fiscale.
« Les communautés locales des pays riches en ressources seront finalement mieux informées sur ce que leur gouvernement reçoit des multinationales pour exploiter les ressources des champs pétrolifères et gaziers, des minerais et des forêts », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Cette décision importe tout particulièrement dans des pays où la réglementation sur la fraude fiscale est assez laxiste.
Sans divulgation d'informations supplémentaires telles que le chiffre d'affaires, les bénéfices, le nombre d'employés, les coûts et les actifs, les régulateurs pourraient cependant rencontrer des difficultés pour savoir si les entreprises paient leurs impôts correctement.
« Des informations sur les paiements ne sont pas suffisantes pour montrer que les entreprises paient leur juste part d'impôts », a déclaré à EURACTIV Catherine Olier, experte dans le domaine de l'aide au développement de l'UE pour le groupe d'action Oxfam.
« Cela signifie que les informations sur les paiements peuvent être utilisées pour tenir le gouvernement responsable de l'utilisation de ce revenu, mais que ni les gouvernements ni les entreprises ne peuvent être tenus responsables du montant prélevé. »
Tremplin
Les ministres ont également convenu d'une clause de révision afin de décider en 2015 d'étendre ou non les textes de loi à d'autres secteurs tels que les télécommunications et la construction.
« Il s'agira d'un tremplin pour des publications similaires », a déclaré Joe Williams de Publiez ce que vous payez, un groupe d'action mondial qui se concentre sur la transparence de l'industrie pétrolière et gazière. « Si c'est possible avec une industrie dangereuse comme l'extraction, alors c'est applicable à d'autres. Mais l'industrie extractive représente la plus grande source de revenus pour les pays en développement. »
Cette décision survient à la suite de fuites selon lesquelles certains responsables politiques, magnats et groupes ont utilisé des paradis fiscaux tels que les îles Vierges britanniques afin de cacher des fonds. Elle s'inscrit également dans le cadre de mesures sévères à l'échelle européenne sur la transparence du secteur bancaire.
La Commission européenne estime que l'économie de l’UE perd environ mille milliards d'euros en raison de la fraude fiscale de personnes physiques et morales.