Le Parlement européen est en train de perdre la bataille sur la limitation des biocarburants issus des cultures vivrières face aux États membres, selon un document consulté par EURACTIV.
Le projet de loi limitant l’utilisation des biocarburants dérivés des cultures vivrières est en cours de négociation par le trilogue, qui rassemble des représentants des trois institutions européennes.
L’utilisation des biocarburants a été encouragée en 2009, lorsque l’UE a exigé que 10 % de l’énergie du secteur des transports proviennent de sources renouvelables.
La loi a été accusée de faire flamber les prix des produits alimentaires et d’entrainer la déforestation en dehors de l’Europe, où les terres sont déboisées pour y installer des cultures énergétiques.
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Les groupes de défense de l’environnement ont tiré la sonnette d’alarme, rappelant les dégâts environnementaux causés par les biocarburants. La Commission européenne a quant à elle proposé une nouvelle loi limitant les carburants issus de cultures vivrières.
Les États membres se sont donc accordés à ne pas dépasser la limite de 7 % de ce type de biocarburants, mais le Parlement a voulu abaisser cette limite à 6 %.
À Bruxelles, les négociations du trilogue en cours s’avèrent délicates, les États membres faisant pression pour que le Parlement fasse des concessions.
Le désaccord réside principalement sur la limite, le calcul des émissions issues des carburants alternatifs et la durabilité des biocarburants avancés.
Plutôt qu’un plafond à 6 % pour les carburants issus des cultures vivrières, le Conseil voudrait imposer une limite plus souple à 7 %, ce que le Parlement a accepté, selon une version divulguée du projet d’accord. La Lettonie, qui occupe actuellement la présidence tournante de l’UE, a suggéré « une application facultative de la limite pour les biocarburants conventionnels », plutôt qu’une application obligatoire, indique le document.
Le Conseil est également en passe de remporter le débat sur la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre dues au changement indirect d’affectation des sols (CIAS).
Les terres déboisées émettent de grandes quantités de gaz à effet de serre une fois que les arbres ont été coupés. Le Parlement, soutenu par les défenseurs de l’environnement, a donc demandé à ce que ces émissions soient prises en compte, mais le Conseil a refusé de les intégrer aux calculs des émissions de carbone.
Les dispositions sur les biocarburants avancés, issus de la biomasse ligneuse, qui n’entrent pas en concurrence avec les cultures vivrières, donnent aussi du travail aux négociateurs. Le Conseil n’est pas prêt à accepter la proposition du Parlement pour un objectif contraignant de 1,25 % pour les biocarburants avancés, demandant plutôt un objectif non contraignant de 0,5 %.
Négociations à suivre
Deux réunions du trilogue ont déjà eu lieu et une troisième a été organisée le 24 mars pour prolonger les discussions.
« Il est essentiel que les eurodéputés et les gouvernements s’assoient autour de la table pour parvenir à un accord et éviter que la politique désastreuse de l’UE en matière de biocarburant ne débouche sur plus de déforestation, de famine, d’accaparement des terres et de changement climatique », a déclaré Robbie Blake, en charge de biocarburants pour Les Amis de la Terre Europe.
Le Parlement européen « ne doit rien lâcher et s’opposer à certains dinosaures du Conseil pour mettre un terme au développement des biocarburants issus des cultures vivrières », a-t-elle continué.
Christofer Fjellner, un eurodéputé suédois du Parti populaire européen (PPE), s’aligne quant à lui avec les demandes du Conseil.
« Un élément est souvent omis dans le débat sur les biocarburants de première génération : certains d’entre eux fonctionnent très bien. Parfois même mieux que ceux de deuxième génération », a-t-il rappelé.
« Les législateurs ne devraient pas s’enliser dans des batailles symboliques qu’ils savent ne pas pouvoir gagner et qui ne font que compliquer le processus. Cela est particulièrement vrai quand l’on voit les délais serrés qui ont été appliqués en seconde lecture », a-t-il constaté.