Aux Pays-Bas, une usine de recyclage fait ce que de nombreux acteurs de l’industrie qualifient d’impossible : recycler et rendre le processus rentable.
Dans une usine de recyclage dans la ville de Geleen, au nord de Liège et de Maastricht, des machines de tri, de lavage et de fonte tournent sans arrêt chaque jour de l’année pour faire du plastique usagé quelque chose d’utile.
D’autres centres de recyclage ont créé leur propre marché de niche, en achetant des bouteilles de polyéthylène téréphtalate (PET) ou d’autres déchets facilement accessibles pour les transformer en produits comme des tapis, des vêtements ou même pour les faire redevenir des bouteilles.
L’usine CeDo à Geleen, la première en Europe à s’intéresser au PET en 1985, s’est toutefois retirée du jeu de la bouteille en 2012 lorsque sa direction s’est rendu compte qu’elle ne pouvait pas être rentable en raison du faible intérêt pour le produit fini.
Boucle de tri fermée
Aujourd’hui, CeDo poursuit un nouveau type de modèle d’entreprise, où le volet recyclage de l’opération est directement lié à l’activité de fabrication. L’entreprise a créé une boucle de tri fermée, où l’utilisation de matériaux recyclés est garantie dans sa propre chaîne de valeur.
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« Nous avions besoin de quelqu’un qui utilise nos matériaux recyclés », explique le directeur Ton Emans, qui plaide pour l’abandon de l’idée de recyclage indépendant.
L’usine de Geleen mise ainsi sur le recyclage de matériaux où la demande est existante, tel que le film de polyéthylène (PE), un matériau qui sert d’emballage alimentaire. Recyclé, il recouvre les allées de nos supermarchés.
Depuis 2018, la moitié des matériaux transformés par l’usine provient des déchets ménagers, sur un total de 80 000 tonnes recyclées chaque année. S’ils n’étaient pas recyclés, ces déchets seraient sinon enterrés dans des décharges ou incinérés.
Une fois transformé en granulés de plastique, le PE recyclé est expédié aux usines de fabrication de CeDo, qui l’utilisent ensuite pour fabriquer des sacs de déchets et de recyclage. Les détaillants sont désireux d’offrir aux consommateurs une option « fabriquée à partir de déchets recyclés » et CeDo comble cette lacune du marché.
Certains recycleurs ne toucheront cependant pas au film PE, car ils n’ont pas de débouché pour celui-ci une fois transformé. Ainsi, de nombreux professionnels de l’industrie le considèrent comme impossible à recycler. En réalité, le recyclage est assez simple, mais le vrai défi est de le rentabiliser.
Pour Ton Emans, son installation s’inscrit dans une tendance qui veut que les producteurs prennent en charge la partie recyclage de la chaîne : « Ils doivent s’y mettre, car les recycleurs rendent le plastique moins cher, donc ne pas adopter cette pratique risque de se répercuter sur leurs coûts »
En effet, l’industrie du plastique, dont la production devrait atteindre 80 millions de tonnes par an en Europe, devrait cesser d’investir dans de nouvelles capacités de production de plastique vierge, en raison des coûts élevés de démarrage et de maintenance.
Pas impossible, mais imparfait
Ton Emans a toutefois un problème et celui-ci se situe tout au début de la chaîne de recyclage : à l’étape du tri.
Lorsque le plastique arrive à l’usine de Geleen en ballots, collectés en Autriche, en Belgique, au Danemark, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, il n’est trié que dans une certaine mesure.
Parfois dans les ballots, seuls 75 % de PE sont utilisables. On y trouve aussi 10 % de polypropylène (PP) et 15 % de plastique multicouche non recyclable, comme des paquets de chips et des barres de chocolat.
Ainsi, avant de pouvoir laver et faire fondre quoi que ce soit pour finalement le transformer en sacs poubelles, le PE doit être tamisé par des machines de tri complexes qui utilisent des scanners infrarouges pour recueillir ce qui peut être utilisé.
« Pour un recyclage de meilleure qualité, nous voulons des flux purs. Ce mélange de 75 % de polyéthylène devrait être supérieur à 90 %. Si c’est plus de 90 %, alors je peux faire fonctionner mes machines au-delà de la limite actuelle de quatre à huit tonnes », explique Ton Emans, qui ajoute que les centres de collecte et de tri à grande échelle ont beaucoup à gagner à nettoyer les flux.
La plupart des faillites dans le secteur sont basées sur des flux incontrôlés, où les recycleurs ne sont pas en mesure de garantir un produit final de qualité, ce qui fait baisser leurs prix.
Selon Ton Emans, un plus grand nombre de recycleurs sauteraient le pas et ouvriraient leurs portes si cette garantie était en place, ce qui signifie que davantage de matières seraient achetées et traitées. Une condition pour concurrencer l’industrie du plastique vierge.
Le nouvel accent mis par l’Europe sur le recyclage et la mise en place d’un véritable marché intérieur des déchets a été réellement lancé par la décision récente de la Chine d’interdire l’importation de déchets. Ton Emans qualifie cette décision de « bénédiction déguisée ».
« Ce n’est pas possible la manière dont le reste du monde, y compris l’Europe, l’a utilisée comme décharge pour les déchets et les matières non recyclables », a-t-il déclaré, exhortant la Commission européenne à poursuivre ses travaux sur les règles européennes en matière de déchets en surveillant et en s’assurant que les États membres appliquent la loi.
Réitérant ce que les dirigeants de l’UE ont dit récemment au sujet des déchets plastiques et de la stratégie plastique de janvier, Ton Emans a averti que « le plastique n’est pas mauvais, ce sont les déchets plastiques le problème ».
L’usine de Geleen fonctionne 24 heures sur 24, 365 jours par an et dispose d’une équipe multiculturelle qui est équipée pour faire fonctionner les machines pendant les jours fériés. Si le marché intérieur européen du recyclage se met en route, d’autres opérations comme CeDo devraient voir le jour.
« Je vous encourage, vous ou qui que ce soit d’autre, à copier ce business model. J’adore la concurrence », s’est exclamé Ton Emans lors d’une visite de l’atelier bruyant de Geleen.
« Et permettez-moi de partager mon rêve avec vous : des emballages de papier toilette. Les gens en auront toujours besoin, les rouleaux devront toujours être emballés dans du plastique comme ça, nous avons juste besoin d’un acheteur », conclut le Néerlandais avec un clin d’œil et un sourire.