Le Premier ministre ambitionne de « faire évoluer la directive », après une nouvelle condamnation de la France par la Cour de Justice de l’Union européenne. La pollution aux nitrates reste importante en France.
La nouvelle condamnation de la France, jeudi 4 septembre, par la Cour de Justice de l’Union européenne, a remis la question de la pollution des eaux au coeur de l’actualité. Lors d’un meeting, le Premier ministre Manuel Valls a assuré aux agriculteurs que le gouvernement français «allait travailler à une adaptation de cette directive nitrates dont l’approche normative a clairement montré ses limites» a-t-il indiqué. En clair, le gouvernement français souhaite conduire de nouvelles études scientifiques et mettre la révision de la directive à l’ordre du jour de l’agenda européen.
La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) reproche à la France de ne pas avoir « correctement transposé la directive nitrates, si bien qu’il y a un risque de pollution des eaux par l’azote ».
En juin 2012, la CJUE avait déjà condamné la France pour manquement dans la mise en œuvre de la directive nitrates à cause de la désignation incomplète des zones vulnérables aux nitrates.
En France, la directive européenne 91/676/CEE aussi appelée directive « nitrates » se traduit par la définition de zones vulnérables où des pratiques agricoles particulières sont imposées pour éviter les risques de pollution.
Les reproches de la Commission européenne envers la France concernent entre autre les conditions et les périodes minimales d’interdiction d’épandage, l’absence de règle contraignante pour le calcul des capacités de stockage d’effluents d’élevage et pour le calcul exact des quantités d’azote pouvant être épandue.
La France essuie sa deuxième condamnation
Il s’agit du deuxième recours de la Commission européenne contre la France sur le dossier des nitrates. Lors d’un premier recours, la CJUE avait déjà condamné la France pour avoir désigné des zones vulnérables aux nitrates trop restreintes.
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L’arrêt de la CJUE oblige tout de même la France à remédier au plus vite à ses manquements. Si Paris n’améliore pas la transposition du texte européen, la Commission européenne pourrait saisir de nouveau la CJUE. La France pourrait alors devoir régler une facture chiffrée en dizaines de millions d’euros. « En France, on préfère payer les amendes plutôt que d’agir en amont. Mais il faut davantage mettre l’accent sur les politiques de préventions notamment auprès des agriculteurs », estime l’eurodéputée écologiste Michèle Rivasi.
« Je dis merci l’Europe car par cette condamnation, elle montre aux citoyens que l’État français ne respecte pas ses propres lois issues de la législation européenne. Sans l’Europe, il n’y aurait même pas de législation française sur l’eau », déclare la parlementaire.
Le gouvernement se veut rassurant
De leur côté, la ministre du Développement durable, Ségolène Royal et le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll ont estimé dans un communiqué commun que la condamnation de La CJUE concernait une « ancienne génération de programmes d’action » et que la France.
Selon les deux ministères, « la plupart des sujets soulevés dans le jugement de la Cour de Justice ont déjà été corrigés dans le nouveau dispositif (périodes d’interdiction d’épandage, précision de la réglementation, mode de calcul des capacités de stockage, normes de rejets d’azote pour les ruminants et les porcins) ». Paris va par ailleurs discuter avec la Commission européenne sur des points « sensibles » tels que modalités de stockage des fumiers compacts au champ, épandage sur les sols en forte pente.
Pour Michèle Rivasi, cette condamnation résulte de la politique laxiste de la France sur le sujet. « Ségolène Royale doit taper du poing sur la table. J’attends de la ministre qu’elle propose des plans d’action coercitifs ».
Fin juillet, Ségolène royale a annoncé le classement de 3800 communes en zones vulnérables aux nitrates. Actuellement, 19.000 communes appartiennent à cette zone, cela représente plus de la moitié de la surface agricole française selon le ministère du Développement durable.
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La grogne des agriculteurs
A l’annonce de la condamnation, les agriculteurs se sont montrés révoltés. Dans un communiqué, plusieurs organisations d’agriculteurs considèrent que « La directive “nitrates” actuelle a perdu la tête ! » et demandent une « remise à plat » du texte.
Les agriculteurs se disent également victimes des « entraves règlementaires de l’Union européenne et les surtranspositions françaises ». Ils remettent ainsi la faute sur les pouvoirs publics qui les ont, selon eux, conduits « dans le mur ».
Mais pour Michèle Rivasi, ce sont bien les agriculteurs les coupables « avec la complicité de l’État ». « Les agriculteurs doivent se remettre en question », poursuit-l’élue qui pointe du doigt la pression des lobbies sur les politiques et l’important pouvoir des syndicats agricoles.
Par ailleurs, elle estime qu’au-delà de la problématique environnementale, il y a aussi la question de santé. « La France est le premier pays européen acheteur de pesticide mais il est aussi le premier pays européen en termes de cancers hormono-dépendants », explique la députée rappelant que les agriculteurs sont souvent les premières victimes des intrants et pesticides qu’ils utilisent.
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