Grande consommatrice d’huile de palme, l’Europe devrait mettre en place une certification unique pour garantir que seule la production durable de ce produit controversé puisse entrer sur le marché unique, réclame le Parlement.
La consommation d’huile de palme a plus que deux fois doublé dans le monde par rapport au début du siècle. Ces cultures intensives de palmiers sont responsables de 20 % de la déforestation en cours depuis 20 ans, notamment dans les principaux pays producteurs, l’Indonésie et la Malaisie.
Face à ce constat alarmant, le Parlement européen a ouvert le débat en adoptant une résolution le 4 avril, qui invite l’UE, à cesser progressivement d’utiliser les biocarburants issus d’huiles végétales d’ici 2020 et à établir une certification unique pour l’huile de palme durable.
Si les ONG environnementales ont indiqué que la résolution allait dans la bonne direction, l’industrie de l’éthanol a rappelé sa volonté de trouver « une solution politique équilibrée » qui différencierait les biocarburants en fonction de leur niveau d’émissions de gaz à effet de serre et de durabilité.
Effets catastrophiques de l’huile de palme
L’huile de palme a jusqu’à présent échappé à toute tentative de réglementation en Europe, pourtant gros importateur. Et ce malgré ses effets dévastateurs sur l’environnement, la biodiversité et sur la santé des consommateurs.
« Si c’est en Europe et aux États-Unis que l’obésité frappe à cause de la consommation excessive d’huile de palme, notamment sous forme de Nutella, c’est en Indonésie, en Malaisie et en Afrique que la nature est saccagée », ont averti les eurodéputés français du groupe S&D.
Un programme de certification unique
Le rapport appelle à la création d’un programme de certification unique pour les importations d’huile de palme d’ici 2020, qui garantirait que les biocarburants ne contiennent pas d’huile végétale dont la production aurait contribué à la déforestation.
Certains pays producteurs d’huile de palme, comme la Malaisie, l’Indonésie et la Colombie ont tenté d’empêcher la mise en œuvre de telles mesures et demandé dans une lettre aux eurodéputés de voter contre le rapport.
Le principal producteur d’huile de palme en Indonésie, l’entreprise Golden Agri-Resources (GAR), a fait savoir qu’il s’opposait à ces limitations. « L’UE nous pousse déjà à produire de manière plus responsable à travers ses exigences de production durable », a indiqué la présidente de GAR. « Je pense que l’UE peut obtenir plus de résultats en soutenant le développement durable. »
Si les Amis de la Terre, une association internationale d’organisations environnementales, a salué le progrès, elle a également fait remarquer que d’importants systèmes de certification avaient mis en place des normes laxistes qui ont à peine été appliquées. « L’expérience des dernières années nous a montré que l’autorégulation de l’industrie et les mesures volontaires seules ne pouvaient pas suffire à prévenir la déforestation et l’exploitation de la population », a déclaré l’association.
L’eurodéputée allemande du groupe GUE/GVN, Cornelia Ernst (Die Linke) a salué les changements de la politique européenne en matière de biocarburants. « Les études d’experts commandées par l’exécutif européen et les évaluations internes montrent que les biocarburants issus de l’huile de palme, du soja et de l’huile de colza entraînent des émissions plus dangereuses que les combustibles fossiles tels que le diesel », a averti Cornelia Ernst. Afin d’atteindre l’objectif européen de 10 % d’énergie renouvelable pour les carburants dans le secteur des transports d’ici 2020, des millions d’hectares de monocultures seront nécessaires.
En Asie du Sud-Est, une zone aussi grande que le pays de Galles est nécessaire pour produire du biocarburant pour l’UE, soit 21 000 kilomètres carrés de terres. Le Parlement européen et le Conseil devraient supprimer leur politique sur le biocarburant, a insisté Cornelia Ernst. Ils devraient plutôt investir considérablement sur le développement des transports publics.
L’eurodéputée allemande du groupe S&D, Susanne Melior (SPD), a soutenu la résolution et sa position contre la déforestation, la contamination du sol et de l’eau dus à la production des monocultures et l’utilisation de pesticides et d’engrais. « Les droits des communautés locales sont souvent bafoués lorsque des cultures d’huile de palme sont plantées et exploitées » a-t-elle déploré. « La Commission devrait établir un plan d’action qui crée des conditions sociales correctes », a indiqué la législatrice. « Nous appelons à la création d’un système de certification obligatoire, sur le modèle du secteur du cacao, avec des critères uniformes pour une production durable. »
Différencier les biocarburants
Le 30 novembre, la Commission européenne a présenté un projet de révision de la directive relative aux énergies renouvelables pour la période post-2020, dans le cadre de son « paquet hiver ».
L’industrie de l’éthanol a promptement réagi, accusant la Commission de mettre tous les biocarburants dans le même sac, alors que ceux-ci ont des empreintes environnementales différentes.
L’association européenne de l’éthanol renouvelable (ePURE) a cependant souligné que la déclaration « ferme » du Parlement sur l’huile de palme était un pas dans la bonne direction.
« Nous appelons le Parlement européen à traduire sa position en des exigences contraignantes et à limiter la part des biocarburants issus de l’huile de palme et de ses dérivés dans la directive relative aux énergies renouvelables afin de mettre un terme au drainage des tourbières », a déclaré le secrétaire général d’ePURE, Emmanuel Desplechin.
Il a ajouté que l’Europe avait besoin de biocarburants produits de manière durable afin d’atteindre ses objectifs en matière de climat et d’énergie pour le secteur des transports.
« L’éthanol européen délivre 64 % d’émissions de gaz à effet de serre de moins que les combustibles fossiles et est produit à 99,7 % à partir de cultures européennes, il n’est donc responsable d’aucune des préoccupations liées à la culture de l’huile de palme », a-t-il souligné, ajoutant qu’une solution politique équilibrée permettrait de différencier les biocarburants en fonction de leurs niveaux d’émissions de gaz à effet de serre et de durabilité.
« Éliminer tous les biocarburants issus de cultures vivrières ferait disparaître injustement de nombreuses alternatives aux combustibles fossiles, pourtant à faibles émissions de CO2, comme l’éthanol », a conclu Emmanuel Desplechin.