Le plus grand syndicat industriel de l’UE alerte sur la situation de l’industrie verte en Europe

Le principal syndicat industriel de l’Union s’inquiète du fait que l’on pourrait se diriger vers « une période économique violente », confie Judith Kirton-Darling d’IndustriAll Europe à Euractiv. [Shutterstock/True Touch Lifestyle]

Le Pacte vert pour l’Europe (Green Deal) promettait la création d’emplois dans les industries vertes, mais ces derniers se développent actuellement hors de l’Union européenne (UE), avertit Judith Kirton-Darling, secrétaire générale d’IndustriAll Europe, le plus grand syndicat industriel européen.

Alors que l’industrie européenne tente d’atteindre la neutralité climatique pour 2050, le principal syndicat industriel de l’Union s’inquiète du fait que l’on pourrait se diriger vers « une période économique violente », confie Judith Kirton-Darling d’IndustriAll Europe à Euractiv.

La plupart des recherches, y compris celles de la Commission européenne, s’attendent à ce que le Green Deal ait un impact global « limité » voire un impact positif sur l’emploi, ce qui est basé sur l’hypothèse « qu’il y aura […] de nouvelles industries, tandis que d’autres industries se transformeront ou déclineront », explique Judith Kirton-Darling.

Cependant, « ce que nous constatons, c’est que ces nouveaux emplois n’arrivent pas en Europe », déplore-t-elle.

Alors que les industries durables telles que la fabrication d’éoliennes et de véhicules électriques se développent dans le monde entier, en Europe, les lignes de production sont plutôt « au bord de la fermeture ».

Lundi, les médias allemands ont par exemple rapporté que le plus grand constructeur automobile européen, Volkswagen, allait revenir sur sa promesse de protéger 110 000 emplois en Allemagne et devrait fermer au moins l’un de ses sites de production dans le pays.

« Dans les secteurs où nous sommes les premiers, dans les énergies renouvelables ou le secteur automobile, nous ne devrions pas perdre notre position », estime Judith Kirton-Darling, blâmant à la fois les « échecs politiques » et les « échecs des entreprises ».

« La responsabilité de cette situation incombe parfois à la direction des entreprises, qui ont privilégié la compétitivité des coûts au détriment de l’investissement et de l’innovation dans leur secteur. […] Nous devons nous ressaisir. Sinon, nous allons entrer dans une période économique extrêmement difficile et [très probablement] brutale pour l’Europe », alerte la syndicaliste.

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Le secteur automobile européen à la peine

Pour Judith Kirton-Darling, la situation de l’industrie automobile — qu’elle qualifie de « colonne vertébrale de l’industrie manufacturière européenne » avec ses quelque 13 millions d’emplois directs et indirects — est particulièrement préoccupante.

Elle souligne qu’« une grande partie de nos industries de base — qu’il s’agisse des produits chimiques, des matériaux ou des métaux de base — sont liées au secteur automobile, de sorte que la crise du secteur automobile a des ramifications massives pour les travailleurs de l’industrie dans toute l’Europe ».

Pour encourager la demande de véhicules électriques, l’UE devrait envisager des « programmes de leasing social », indique Judith Kirton-Darling, citant le plan français introduit l’année dernière mais interrompu en raison d’une demande trop importante.

Cela devrait être lié à des « conditions sociales pour soutenir la transformation du secteur automobile », explique la secrétaire générale d’IndustriAll Europe.

D’autres mesures devraient porter sur la requalification des travailleurs et la mise en place de l’infrastructure pour la recharge des véhicules électriques, poursuit-elle.

Elle affirme également garder espoir grâce au Pacte pour une industrie propre (Clean Industrial Deal) annoncé par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avant sa reconduction en juillet.

Elle ajoute toutefois que les responsables politiques devraient tout d’abord « reconnaître l’ampleur des investissements nécessaires » pour parvenir à de tels changements.

« Nous ne remettons pas en question l’objectif que nous devons atteindre. Mais nous avons beaucoup de problèmes et de questions sur la manière d’y parvenir », précise-t-elle.

Si la Chine a un avantage sur l’Europe en matière de véhicules électriques, c’est aussi parce que cette dernière a « misé sur le mauvais cheval », c’est-à-dire sur le diesel, selon Judith Kirton-Darling.

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La moitié de la capacité de production d’acier primaire pourrait être perdue

La syndicaliste s’est également dite « extrêmement inquiète » au sujet de la production d’acier en Europe.

Selon les calculs internes de l’organisation faîtière, les projets de décarbonation annoncés par les industries sidérurgiques européennes ne représenteraient que « la moitié de la production actuelle d’acier primaire [en Europe] », rappelle-t-elle, ce qui signifie que des « dizaines de milliers d’emplois sont menacés » pour les usines qui ne disposent pas encore de plan de décarbonation.

Dans le cadre de l’objectif de neutralité climatique de l’UE pour 2050, les industries à fortes émissions comme la sidérurgie devront subir de lourdes transformations, car aucun nouveau quota d’émission ne sera émis à partir de 2039 dans le cadre du système d’échange des quotas d’émission de l’Union (SEQE).

Alors que de nombreux sites de production d’acier en Europe du Nord et de l’Ouest ont mis en place des plans pour passer à une production d’acier respectueuse du climat, Judith Kirton-Darling avertit qu’« en Europe centrale et orientale, tout n’est que théorie ».

Les projets de marchés pilotes pour l’acier vert, tels qu’évoqués par Ursula von der Leyen en juillet, pourraient faire partie de la solution, a-t-elle ajouté. Toutefois, Bruxelles aurait également besoin de « nouvelles mesures pour faire face aux surcapacités » dans la sidérurgie traditionnelle.

« La capacité sidérurgique mise en place dans des pays comme l’Inde est énorme », note-t-elle, ajoutant qu’il s’agissait d’une « politique industrielle active » de la part de pays comme la Chine et l’Inde pour faire baisser les prix, « pour ensuite tuer la concurrence et dominer les marchés ».

« Il s’agit d’un secteur tellement stratégique, pour des raisons de défense [et] de transition énergétique, qu’il est inconcevable que nous nous trouvions dans une situation où les hommes politiques ne reconnaissent pas l’importance stratégique d’avoir notre propre capacité de production d’acier », conclut Judith Kirton-Darling.

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