Une inflation élevée, la nouvelle norme du monde post-Covid, selon des économistes de la BNP

« Il s’agit actuellement d’un changement de génération — et le dernier grand changement a eu lieu au début des années 1980 », a déclaré M. Gijsels, faisant référence à une période au cours de laquelle l’ancien président de la Réserve fédérale, Paul Volcker, a maîtrisé l’hyperinflation des années 1970 en augmentant les taux d’intérêt jusqu’à un pic de 20 % en 1981. [Shutterstock/Sina Ettmer Photography]

L’Europe est confrontée à un « changement générationnel » dans son architecture économique qui entraînera une inflation structurellement plus élevée qu’à n’importe quelle période depuis le début des années 1980, selon deux économistes de la BNP Paribas. Ils ont également prévenu que les fortes pressions sur les prix et les taux d’intérêt élevés deviendront la norme.

Koen De Leus et Philippe Gijsels, économiste en chef et directeur de la stratégie à la BNP Paribas Fortis, ont expliqué dans un entretien accordé à Euractiv que l’augmentation des niveaux de dette publique, la fragmentation géopolitique, le vieillissement démographique et le changement climatique entraîneront une augmentation quasi permanente des prix, ce qui obligera les banques centrales à maintenir des taux d’intérêt à des niveaux inédits depuis des décennies.

Bien que la stabilité des prix doive rester la priorité principale de la Banque centrale européenne (BCE), les deux analystes anticipent qu’une inflation à 3 % deviendra « le nouveau 2 % » de référence.

« Il s’agit actuellement d’un changement de génération — et le dernier grand changement avait eu lieu au début des années 1980 », a déclaré M. Gijsels, faisant référence à une période au cours de laquelle l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker, a maîtrisé l’hyperinflation des années 1970 en augmentant les taux d’intérêt jusqu’à un pic de 20 % en 1981.

« Tout a changé [dans les années 1980]. Et maintenant, nous pensons que tout va à nouveau changer », a affirmé M. Gijsels. « La plus grande erreur est de penser que la Covid-19 était un « cygne noir », que nous y avons fait face et nous revenons maintenant à la normale », a-t-il ajouté.

Contrairement à la période précédant la pandémie de Covid-19, où une faible croissance et une faible inflation ont contraint les banques centrales à réduire les taux d’intérêt à un niveau proche de zéro et à acheter des obligations d’État et privées pour stimuler l’économie, « le monde [d’aujourd’hui] ressemble beaucoup plus aux années 1960 et 1970 », a-t-il précisé.

L’inflation dans les années 1960 et 1970 « était principalement due aux chocs pétroliers », a expliqué M. Gijsels. « Mais il y avait aussi beaucoup d’autres éléments », a-t-il ajouté, citant l’augmentation des dépenses militaires, la guerre au Vietnam, les interventions gouvernementales, les paiements de transfert, le protectionnisme, des syndicats puissants et les pressions salariales — autant d’éléments qui semblent familiers aujourd’hui, a-t-il observé.

Comme l’a dit Mark Twain : « L’histoire ne se répète pas, mais elle rime ».

Quatre tendances inflationnistes, une déflationniste

Les deux économistes, auteurs du nouveau livre The New World Economy in 5 Trends, ont noté que sur les cinq « mégatendances » qui, selon eux, façonneront l’économie mondiale, une seule est déflationniste, à savoir l’augmentation de la productivité grâce à l’innovation.

Ils prévoient que le « boom de la productivité » — qui devrait se produire au cours des 5 à 15 prochaines années — prendra principalement la forme d’une « innovation de processus » dans des domaines tels que l’intelligence artificielle (IA) et l’informatique quantique, transformant ainsi les processus de travail et de production des entreprises.

« Ces innovations rendront les processus beaucoup plus rapides et productifs », selon M. De Leus. « Nous pensons être sur le point de déployer ces nouveaux processus. »

Toutefois, les économistes ont prévenu qu’une augmentation aussi rapide de la productivité pourrait ne pas suffire à compenser les quatre autres tendances inflationnistes.

« Nous avons connu 40 ans de baisse des taux d’intérêt, et maintenant nous aurons 10, 20, 30 ans d’augmentation de l’inflation et des taux d’intérêt à cause de ces quatre tendances inflationnistes, et probablement d’une tendance déflationniste », a expliqué M. De Leus.

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Pas de chômage de masse, mais une évolution de l’emploi

Les analystes ont réfuté l’idée selon laquelle l’adoption croissante des nouvelles technologies, en particulier de l’IA, ferait baisser les prix en entraînant un chômage de masse.

Néanmoins, ils préviennent que les travailleurs qui refusent de s’y adapter pourraient bientôt se retrouver sans emploi.

« L’IA ne vous fera pas perdre votre emploi, mais l’autre entreprise qui utilise l’IA vous fera perdre votre emploi si vous n’utilisez pas vous-même l’IA », a déclaré M. De Leus.

Les auteurs ont cité une étude réalisée en 2020 par le Forum économique mondial, qui estimait que l’IA entraînerait une augmentation nette de 12 millions d’emplois d’ici à 2025, avec la disparition de 85 millions de postes et la création de 97 nouveaux.

« Au total, l’IA apportera des éléments positifs », a-t-il affirmé. « Je ne crains donc pas que nous assistions à une destruction massive d’emplois, mais il y aura bel et bien un changement dans [la nature] des emplois. »

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[Édité par Anna Martino]

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