Devoir de vigilance : des entreprises demandent des lois strictes en matière de droits de l’homme

Plus de 100 entreprises, dont de grands noms comme IKEA, Danone et Ericsson, ont signé une déclaration exposant un certain nombre de préoccupations et de suggestions, tout en réaffirmant l’importance de la législation. [SALVATORE DI NOLFI (EPA/EFE)]

Alors que la Commission européenne doit proposer en février une législation européenne sur le devoir de vigilance en matière de droits de l’homme et de l’environnement, une association intersectorielle d’entreprises de l’Union européenne a demandé qu’elle adopte une approche fondée sur le risque et l’applique à toutes les entreprises opérant en Europe.

Plus de 100 entreprises, dont de grands noms comme IKEA, Danone et Ericsson, ont signé une déclaration exposant un certain nombre de préoccupations et de suggestions, tout en réaffirmant l’importance de la législation.

« Cette législation a le potentiel de créer des conditions de concurrence équitables pour que les entreprises puissent gérer leurs impacts sur l’environnement et les droits de l’homme », a déclaré Peter van der Werf gestionnaire en chef engagement chez Robeco, l’une des entreprises signataires de la déclaration.

Les entreprises ont également exprimé leur inquiétude quant aux retards multiples dans la présentation de la législation, d’autant plus que les approches volontaires en matière de gouvernance d’entreprise durable sont insuffisantes et qu’il est nécessaire de prévoir des sanctions juridiques pour aider les personnes lésées par les entreprises européennes.

Gouvernance durable des entreprises : vers des bonus conditionnés

D’ici quinze jours, la Commission Européenne devrait adopter un texte sur la gouvernance durable des entreprises, c’est-à-dire leur prise en compte de l’impact environnemental et humain de leurs décisions. Ce texte pourrait notamment intégrer une mise à jour des obligations et devoirs des dirigeants.

Faire respecter les droits de l’homme par les entreprises

Les détails de la législation restent flous, mais on s’attend à ce qu’elle prévoie un devoir de vigilance obligatoire pour les entreprises européennes afin de prévenir les violations des droits de l’homme et des normes environnementales dans leurs chaînes de valeur.

Selon les signataires, plusieurs critères devraient être réunis pour que la législation soit efficace. Tout d’abord, elle devrait s’appliquer à toutes les entreprises présentes sur le marché de l’UE afin qu’aucune entreprise étrangère ne bénéficie d’un avantage indu.

En outre, contrairement à la position de l’association professionnelle Business Europe, le devoir de vigilance devrait être appliqué à l’ensemble de la chaîne de valeur d’une entreprise et pas seulement à ses fournisseurs les plus immédiats, selon les signataires de la déclaration.

Dans une lettre récente adressée à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, Business Europe a averti que si la législation n’était pas bien conçue, il y aurait « un fort risque que cela nuise gravement à l’Europe en tant que lieu d’affaires ».

L’importance des dispositions relatives à la responsabilité civile

De son côté, Johannes Blankenbach, du Human Rights Resource Centre, a mis en garde contre le risque d’un processus trop bureaucratique, affirmant que le devoir de vigilance ne pouvait se résumer à de simples cases à cocher. Selon lui, l’adoption d’une approche fondée sur le risque permettrait d’éviter ce genre de situation.

« Les audits devraient être plus approfondis dans les parties de la chaîne de valeur qui présentent le plus de risques de violation des droits de l’homme ou des normes environnementales », a-t-il expliqué à EURACTIV.

Enfin, les signataires de la déclaration ont demandé des mécanismes de responsabilité convaincants, qui devraient inclure à la fois des sanctions administratives et des dispositions en matière de responsabilité civile. Cela permettrait aux entreprises d’être tenues responsables des violations des droits de l’homme dans leurs chaînes de valeur, et les victimes de ces violations pourraient intenter une action en justice devant les tribunaux européens pour obtenir des dommages et intérêts.

« Je suis heureuse de voir les entreprises faire pression de manière proactive pour obtenir de meilleures règles en matière de responsabilité des entreprises », a déclaré Lara Wolters, membre du Parlement européen et rapporteur pour l’initiative législative sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises adoptée par le Parlement en mars 2021.

« Nous devons encourager ceux qui veulent prendre leurs devoirs sociaux et environnementaux au sérieux, tout en veillant à ce qu’il y ait des conséquences pour ceux qui ne le font pas. Pour que cela devienne une réalité, nous avons besoin d’une législation ambitieuse le plus rapidement possible », a-t-elle expliqué à EURACTIV.

La proposition législative visant à mettre en œuvre l’initiative de l’UE sur la gouvernance durable des entreprises devait initialement être présentée à l’été 2021. Elle a ensuite été reportée à octobre, puis à décembre, et est désormais attendue le 23 février.

Toutefois, un fonctionnaire de la Commission européenne a déclaré que l’ordre du jour est donné à titre indicatif et est susceptible d’être modifié, ce qui pourrait entraîner de nouveaux retards.

Le Comité d’examen de la réglementation

Les ONG et les membres du Parlement ont également critiqué le Comité d’examen de la réglementation pour les retards, laissant entendre qu’il pourrait être influencé par les lobbies des entreprises. Cet organe indépendant composé de sept membres contrôle l’évaluation de l’impact des initiatives et des propositions législatives de l’UE avant qu’elles ne soient présentées.

Mme Wolters et d’autres législateurs européens travaillant sur l’initiative législative relative au devoir de vigilance des entreprises ont obtenu une divulgation partielle des documents du Comité à la fin du mois de janvier.

« Les documents divulgués révèlent que le Comité a été confronté à un lobbying persistant et apparemment coordonné, avançant des arguments fallacieux selon lesquels certains éléments de l’analyse d’impact de la Commission allaient à l’encontre des principes de proportionnalité », ont-ils affirmé dans un communiqué.

Pour savoir si c’est le lobbying des entreprises ou les pressions de la société civile qui ont le mieux défendu leurs intérêts, les observateurs devront attendre le 23 février, date à laquelle les règles concernant le devoir de vigilance seront éventuellement présentées.

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