Alors que Facebook a confirmé qu’il continuerait de bannir les talibans de son réseau, les porte-paroles du régime peuvent toujours s’exprimer sur Twitter. Deux visions s’affrontent : celle de l’interdiction formelle des comptes liés à une organisation terroriste et celle de l’intérêt public d’accès à l’information.
Dilemme pour les réseaux sociaux. Si les politiques de modération de Facebook ou Twitter ne laissent aucune place au contenu haineux ou violent, la question du droit à la parole des représentants talibans ne s’était jusqu’alors pas vraiment posée.
Du côté de Facebook, on est catégorique. « Les talibans sont considérés comme une organisation terroriste par la loi américaine et nous les avons bannis de nos services », a déclaré un porte-parole du réseau social à EURACTIV, insistant sur le fait que « Facebook ne prend pas de décisions concernant le gouvernement reconnu d’un pays donné, mais respecte l’autorité de la communauté internationale dans ce domaine ».
La plateforme précise également qu’elle s’est entourée d’une équipe « d’experts de l’Afghanistan », dont les langues maternelles sont le dari et le pachto, afin de mieux identifier les besoins et les problèmes de modération.
« Nous sommes obligés d’adhérer aux lois américaines sur les sanctions », a également indiqué un porte-parole de WhatsApp, propriété de Facebook, à EURACTIV, soulignant que cela incluait « l’interdiction des comptes qui semblent se présenter comme des comptes officiels des talibans ».
La position de Twitter n’est, en revanche, pas aussi tranchée. Plusieurs comptes appartenant aux talibans sont toujours actifs, notamment celui du porte-parole du régime, Suhail Shaheen — plus de 388 000 abonnés.
A three-members committee has been set up in Kabul to reassure media.
A member of the Cultural Commission, a member of the Union of Journalists and media outlets and a member of the Kabul Police Dept will participate as members.
They will address media problems in Kabul.— Suhail Shaheen. محمد سهیل شاهین (@suhailshaheen1) August 22, 2021
Dans ses règles de modération pourtant, on peut lire qu’« il n’y a pas de place sur Twitter pour les organisations violentes, y compris les organisations terroristes et les groupes extrémistes violents, ni pour les individus affiliés à ceux‑ci et qui font la promotion de leurs activités illicites ».
Twitter en précise également les contours : « [Les groupes concernés] s’identifient comme groupes extrémistes dans leurs objectifs déclarés, publications ou actions », « ils ont eu ou ont actuellement recours à la violence et/ou à l’incitation à la violence pour faire avancer leur cause » et « ils ciblent des civils par leurs actes de violence et/ou l’incitation à celle‑ci ».
Sollicité par EURACTIV, le réseau social a expliqué continuer d’appliquer sa politique de modération, en particulier en ce qui concerne « la glorification de la violence, les comportements abusifs, les comportements haineux, les souhaits de nuire et le gore gratuit ». Twitter n’a, en revanche, pas souhaité communiquer sur la question des comptes talibans.
Un laissez-passer accordé aux talibans qui n’est pas au goût de tous. « La liberté et la démocratie vont mal lorsque Twitter continue d’interdire le compte de Trump ancien président démocratiquement élu des États-Unis, mais relaye sans moufter le compte du porte-parole des Talibans », a tweeté l’eurodéputé Jérôme Rivière (Identité et Démocratie).
« Les talibans entretiennent un écosystème d’information en ligne complexe et de grande envergure », explique Adam Hadley, directeur de Tech Againt Terrorism, à EURACTIV. « Étant donné l’absence de consensus international sur le statut d’organisation terroriste des talibans, ceux-ci opèrent souvent en ligne avec plus de liberté que d’autres organisations islamistes violentes affiliées à Al-Qaïda et à l’État islamique », précise-t-il.
Son organisation de lutte contre le terrorisme en ligne appelle les entreprises technologiques à supprimer ou restreindre l’accès au contenu produit par les talibans « au motif qu’il s’agit d’une organisation désignée [terroriste] par un certain nombre de gouvernements et d’organismes intergouvernementaux » et à consulter les listes établies par les États, qu’elle invite à s’emparer davantage du problème.
M. Hadley reconnait néanmoins la « position difficile » dans laquelle ces plateformes se trouvent et juge « compréhensible » la ligne que Twitter a adoptée. « On pourrait soutenir que le statut des talibans en tant que nouveaux gouverneurs de l’Afghanistan devrait les empêcher d’être sanctionnés », admet-il.
Protéger les Afghans
Facebook et Twitter ont annoncé travailler à sécuriser les comptes des utilisateurs afghans.
« Nous prenons des mesures pour protéger les voix des utilisateurs de notre service qui représentent des groupes protégés, notamment les travailleurs humanitaires, les journalistes, les organisations de médias d’information, les militants des droits de l’homme, etc. », a déclaré un porte-parole de Twitter à EURACTIV.
Par la voix de son responsable de la sécurité, Nathaniel Gleicher, Facebook a également indiqué qu’il avait temporairement supprimé la possibilité de consulter ou de rechercher les listes d’amis des comptes en Afghanistan.
« Nous avons lancé un outil permettant aux Afghans de verrouiller rapidement leur compte en un seul clic. Lorsque leur profil est verrouillé, les personnes qui ne sont pas leurs amis ne peuvent pas télécharger ou partager leur photo de profil ni voir les publications sur leur ligne de temps », a-t-il détaillé sur Twitter.
Des mesures de protection similaires ont également été déployées sur Instagram, produit de Facebook.