Après une cascade de mesures exceptionnelles pour limiter les dégâts économiques de la pandémie de coronavirus, la Banque centrale européenne devrait affirmer jeudi 30 avril sa capacité à aller plus loin, quand bien même ses options apparaissent limitées.
Qu’a-t-elle décidé et quelles pistes se profilent ?
Bazooka inédit
Le 18 mars, face à la panique financière et sans attendre sa réunion habituelle de politique monétaire, la BCE a dégainé son bazooka avec le « programme de rachat d’urgence face à la pandémie » (PEPP), prévoyant 750 milliards d’euros de rachats de dette publique et privée.
Cette réponse inédite, à la mesure du cataclysme économique, s’ajoute au programme d’« assouplissement quantitatif » ou « QE » mené entre mars 2015 et fin 2018, puis relancé en novembre dernier. Au total, elle porte à 117 milliards d’euros la moyenne mensuelle des achats d’actifs qui seront réalisés d’ici à fin 2020.
L’institut présidé par Christine Lagarde use ici d’un cadre flexible : la limite du « QE » interdisant d’acheter plus du tiers de la dette émise par un pays donné ne s’impose pas au PEPP. De quoi concentrer les achats sur les pays les plus touchés par la pandémie, comme l’Italie.
De nouvelles vagues de prêts géants et bon marché aux banques vont par ailleurs intervenir à compter de juin.
L’institution vient enfin d’annoncer qu’elle allait accepter des obligations dégradées en catégorie « spéculative », couramment appelée « pourrie » (junk), comme garanties apportées par les banques à son guichet.
Plus de dette rachetée ?
Reste que la partie est loin d’être gagnée, et la BCE pourrait être contrainte d’en faire plus « pour impressionner les marchés et calmer des inquiétudes croissantes quant à la soutenabilité de la dette », estime Ludovic Subran, chef économiste d’Allianz.
D’autant que les filets de sécurité déployés par les États, pour éviter une vague de faillites et donc de licenciements, vont créer une montagne de dette publique chiffrée à 1 000 milliards d’euros rien que pour l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne.
Aussi, une rallonge côté PEPP pourrait s’avérer indispensable et être discutée dès jeudi, selon Capital Economics.
Une option serait d’intégrer des obligations « pourries » aux programmes de rachat de dette, ce qui reste interdit à ce jour. À moins que la BCE ne lève cette barrière juridique de son propre chef.
Pistes moins vraisemblables
La BCE garde sous le coude une arme forgée en 2012 mais jamais utilisée, les OMT, soit des rachats de dette illimités ciblés sur un État donné. Mais la condition pour les activer serait qu’un pays accepte de faire l’objet d’un programme d’aide européen, ce qui n’est pas près d’arriver.
Quant à racheter de la dette d’État directement et non plus sur le marché secondaire, cela reste interdit par le Traité européen, a récemment rappelé Christine Lagarde.
La BCE peut en revanche toujours descendre son « taux de dépôt » grevant les liquidités que les banques choisissent de lui confier, au lieu de les distribuer sous forme de crédits. Il a été maintenu à -0,50% en mars mais la BCE devrait répéter jeudi qu’elle se réserve la possibilité de nouvelles baisses, pour soutenir le crédit.
Appel aux États
Christine Lagarde a mis en garde les 27 jeudi 23 avril, lors d’un sommet de l’UE, contre le risque « d’agir trop peu, trop tard », disant redouter que l’UE soit confrontée à sa pire récession depuis sa création.
Or, rien de concret n’est sorti de cette réunion marquée par les vieux clivages entre États déjà présents après la crise financière de 2009.
De quoi laisser présager un nouvel appel solennel de l’ex-directrice du FMI et ancienne ministre française de l’Economie, jeudi 30 avril, pour que la BCE ne se trouve pas seule à jouer les pompiers de la zone euro.