La Commission européenne propose des règles pour les brevets sur des technologies essentielles à une norme

Thierry Breton, commissaire européen chargé du Marché intérieur, donne une conférence de presse sur les nouvelles règles visant à compléter le marché unique des brevets. [Commission européenne/Christophe Licoppe]

La Commission européenne a présenté jeudi (27 avril) un paquet législatif comprenant des mesures visant à faciliter l’accès aux brevets nécessaires au respect des normes techniques.

La majeure partie du paquet porte sur les brevets essentiels à une norme (BEN), c’est-à-dire les brevets couvrant des technologies essentielles à la mise en œuvre d’une norme technique adoptée par un organisme de normalisation.

Les normes techniques sont essentielles à la compatibilité technologique, garantissant, par exemple, qu’un produit peut se connecter à un réseau Wi-Fi ou 5G. L’exécutif européen veut s’assurer que ceux qui détiennent un monopole sur ces BEN n’imposent pas de conditions déraisonnables telles que des redevances excessives.

« Aujourd’hui, nous modernisons notre cadre pour les brevets essentiels aux normes, le rendant plus transparent, plus adapté aux PME et prêt pour l’économie de demain », a déclaré le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, dans un communiqué.

Pour la Commission, le régime actuel d’octroi de licences pour les brevets essentiels standard crée une incertitude pour les investissements technologiques dans l’UE, un déséquilibre qui affecte le plus les PME opérant dans le domaine émergent de l’internet des objets.

Champ d’application

Le règlement s’appliquera à toutes les normes techniques une fois qu’il entrera en vigueur, mais la Commission pourrait décider d’exonérer certaines normes ou certains cas d’utilisation de la procédure de fixation des redevances globales et de la procédure de conciliation équitable, raisonnable et non discriminatoire (FRAND) si l’exécutif européen estime qu’ils n’ont pas d’incidence sur le marché intérieur.

À l’inverse, si une norme a été publiée avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles, mais qu’elle crée une distorsion importante en termes d’octroi de licences, la Commission pourrait l’inclure dans le champ d’application du règlement.

Enregistrement

La proposition vise à rationaliser et à centraliser la procédure d’enregistrement des certificats de brevet nationaux par le biais d’une demande unique qui sera évaluée par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), une agence de l’UE, et par les examinateurs nationaux.

Le registre BEN détaillera les normes pertinentes, les produits utilisés, les politiques de redevances des propriétaires, les informations sur le détenteur du brevet et le raisonnement derrière la classification « essentielle ».

Contrôles du caractère essentiel

Le nouveau centre de compétence de l’EUIPO gérera également le contrôle d’essentialité, qui sera effectué par un évaluateur agréé. En comparaison avec une première version consultée par EURACTIV, le projet de loi permet désormais au détenteur du brevet de demander un contrôle par les pairs.

Le centre effectuera ensuite des contrôles par échantillonnage sur ces contrôles d’essentialité, à l’exception des brevets détenus par des micro et petites entreprises. Même la constitution d’un échantillon représentatif pour ces contrôles pourrait s’avérer une tâche audacieuse. Par exemple, on estime que plus de 50 000 familles de brevets sont essentielles rien que pour la 5G.

Les détracteurs soulignent également que si l’EUIPO a déjà géré des marques et des dessins et modèles enregistrés, il n’a aucune expérience en matière de brevets.

Détermination des conditions FRAND

La détermination de la manière dont les conditions FRAND — qui sont les conditions auxquelles des licences de droits de propriété intellectuelle doivent répondre, à savoir être équitables, raisonnables et non discriminatoires — s’appliquent au brevet essentiel standard peut être initiée volontairement par un détenteur de brevet ou une organisation qui souhaite utiliser le brevet, ou par le biais d’une procédure judiciaire.

Si les deux parties ne parviennent pas à se mettre d’accord, un médiateur sera désigné pour proposer un accord dans un délai de neuf mois. Cette procédure est destinée à régler les différends en évitant les litiges coûteux devant les tribunaux.

La proposition précise que la détermination FRAND concernera une licence globale, sauf indication contraire.

« Les licences pour les BEN sont généralement accordées sur une base globale. L’approche de la Commission n’affecterait que les brevets pour les territoires de l’UE, et il n’est pas clair comment l’approche de la Commission interagirait avec d’autres juridictions », a expliqué Andrew Sharples, avocat du cabinet juridique EIP, à EURACTIV.

Les résultats de la procédure de détermination devraient être divulgués dans les six mois au centre de compétence, qui les inclura dans une base de données électronique. Sur demande, ces informations seront mises à la disposition des autorités publiques, y compris les tribunaux nationaux.

Redevances globales

La Commission souhaite rendre publiques les redevances globales, qui comprennent les redevances totales potentielles pour tous les brevets d’invention couvrant une norme.

Lorsqu’une norme est publiée, les titulaires de brevets devraient informer le centre de compétence de la redevance globale sur laquelle ils se sont mis d’accord.

En l’absence d’accord, les titulaires de BEN représentant au moins 20 % de cette norme peuvent demander au centre de compétence de nommer un conciliateur pour discuter d’une redevance globale. Le pourcentage a été augmenté par rapport aux 10 % de la version précédente.

Un avis non contraignant peut être demandé sur une redevance globale, pour lequel le centre de compétence nommera un panel de trois experts.

Licences obligatoires

Une autre partie du paquet législatif est une proposition introduisant des dispositions relatives aux licences obligatoires, qui permettent d’autoriser l’utilisation d’un brevet sans le consentement de son détenteur.

Bien que les accords de licence soient normalement volontaires, les pays de l’UE disposent de systèmes nationaux de licences obligatoires d’urgence.

L’idée de la Commission est de créer une licence obligatoire applicable à l’ensemble de l’Union en plus des systèmes nationaux, qui resteront en place. Cet outil complète d’autres instruments de l’UE pour les crises de la chaîne d’approvisionnement, tels que le règlement sur les semi-conducteurs (Chips Act) et l’instrument du marché unique pour les situations d’urgence (IUMU).

Certificats complémentaires de protection

Le troisième volet du paquet concerne les certificats complémentaires de protection, qui permettent de prolonger la durée du brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits phytopharmaceutiques jusqu’à cinq années supplémentaires.

À l’heure actuelle, ces systèmes n’existent qu’au niveau national. La Commission souhaite donc les harmoniser au niveau de l’UE grâce à un certificat complémentaire de protection unitaire obtenu par le biais d’une procédure d’examen centralisée gérée par l’EUIPO.

La Commission va proposer la création d’un centre de compétence sur les brevets essentiels

La Commission européenne proposera la création d’une nouvelle unité au sein de l’Office pour la propriété intellectuelle de l’UE pour se concentrer sur la transparence des brevets essentiels à une norme, selon un projet de règlement consulté par EURACTIV.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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