La Cour de justice de l’UE condamne Apple à payer treize milliards d’euros d’arriérés fiscaux

« En appel, la Cour de justice annule l’arrêt du Tribunal et rend un jugement définitif en la matière, confirmant à l’inverse la décision de la Commission [concernant les treize milliards d’euros] », peut-on lire dans le communiqué de presse de la CJUE. [Image par Esther Snippe avec des photos d'EPA, Getty Images, et Shutterstock]

Selon un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), rendu mardi 10 septembre, le géant américain Apple est condamné à verser treize milliards d’euros au gouvernement irlandais.

En 2016, la Commission européenne avait ordonné à Apple, dont le siège européen se trouve à Cork, en Irlande, de rembourser treize milliards d’euros que la société avait économisés grâce à des réductions d’impôts autorisées par la législation irlandaise.

Les arrêts irlandais autorisant ces arrangements fiscaux — l’un datant de 1991 et l’autre de 2007 — avaient réduit « artificiellement » la charge fiscale d’Apple, enfreignant les règles de l’UE sur les aides d’État, avait à l’époque déclaré la Commission.

Apple et le gouvernement irlandais ont fait appel de la décision de la Commission en 2016 puis 2017 — Dublin refusant d’être considéré comme un paradis fiscal — et le Tribunal de l’UE avait annulé la décision de la Commission en juillet 2020. Cette dernière avait ensuite fait appel de ce jugement en septembre 2020, portant l’affaire devant la CJUE, la plus haute juridiction de l’Union européenne (UE).

« En appel, la Cour de justice annule l’arrêt du Tribunal et rend un jugement définitif en la matière, confirmant à l’inverse la décision de la Commission [concernant les treize milliards d’euros] », peut-on lire dans le communiqué de presse de la CJUE.

« Aujourd’hui est une grande victoire pour la Commission, pour les citoyens européens et pour un marché intérieur équitable et pour la justice fiscale », a déclaré la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, lors d’une conférence de presse mardi.

Du côté d’Apple, c’est la douche froide.

« Nous sommes déçus par la décision d’aujourd’hui, car le Tribunal a déjà examiné les faits et a catégoriquement annulé cette affaire », a réagi un représentant d’Apple après le jugement.

« L’Irlande n’accorde de traitement fiscal préférentiel à aucune société ni à aucun contribuable », a pour sa part affirmé un porte-parole du ministère irlandais des Finances, expliquant que l’Irlande respectera la décision finale de la CJUE.

Le porte-parole a également ajouté que l’arrêt de la Cour concerne des lois qui ne sont plus en vigueur et que « l’Irlande a déjà introduit des changements dans la loi concernant les règles de résidence des sociétés et l’attribution des bénéfices des sociétés non-résidentes opérant » dans le pays.

Les treize milliards d’euros en question sont bloqués depuis 2018.

Un feuilleton au long cours

Cet arrêt est peut-être le signal que la Commission européenne et la CJUE tendent à considérer l’Irlande comme un paradis fiscal pour les grandes entreprises américaines au sein de l’UE, comme l’avait suggéré en 2019 l’ancien eurodéputé Paul Tang dans les colonnes de l’Irish Independent.

Cette année-là, le Parlement européen avait adopté un rapport soulignant que les investissements directs étrangers réalisés par de grandes entreprises technologiques en Irlande « servent souvent à exploiter les lacunes » de la législation fiscale du pays.

Dans ses conclusions d’août 2016, la Commission avait accusé Apple de placer ses revenus gagnés en Afrique, en Europe, en Inde et au Moyen-Orient dans son siège social non taxé en Irlande.

Dans le même temps, l’actuelle commissaire européenne à la Concurrence a déclaré que le taux d’imposition d’Apple en Irlande était tombé à 0,005 % en 2014, contre 0,05 % en 2011.

Apple a nié ces allégations, se référant à l’arrêt du Tribunal de 2020, pour affirmer que l’entreprise ne bénéficiait d’aucun avantage particulier dans le cadre du système fiscal irlandais. Le géant américain souligne payer ses impôts aux États-Unis et être l’un des plus gros contribuables au monde.

Peu après que le président de l’époque, Donald Trump, a promulgué la loi de 2017 sur les réductions d’impôts et les emplois, Apple avait rapatrié 245 milliards de dollars (221 milliards d’euros) de bénéfices étrangers et payé un impôt de 38 milliards de dollars (34 milliards d’euros) aux États-Unis.

En novembre 2023, l’avocat général de la CJUE Giovanni Pitruzzella suggérait dans ses conclusions non contraignantes que la décision du Tribunal de l’UE soit annulée et que l’affaire soit renvoyée pour réexamen. La CJUE n’a pas renvoyé l’affaire et a rendu un arrêt définitif, mettant fin à ce feuilleton qui aura duré huit ans.

La Commission inflige 1,8 milliard d’euros d’amende à Apple pour abus de position dominante

La Commission européenne a annoncé lundi (4 mars) qu’elle infligeait à Apple une amende de 1,8 milliard d’euros, estimant que l’entreprise avait abusé de sa position dominante sur le marché du streaming musical.

[Édité par Laurent Geslin & Anne-Sophie Gayet]

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