La discorde menace les discussions des États membres sur la question du financement de l’UE

Le Conseil de l’UE « exhorte » également la Commission européenne et l’ENISA à trouver des moyens d’optimiser le cadre de cybersécurité de l’UE existant. [European Council of the EU]

Alors que l’industrie de l’Union européenne (UE) a largement approuvé le diagnostic de l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, au sujet des problèmes économiques du continent, elle reste profondément divisée sur la manière de financer les besoins d’investissement de l’Union.

Après avoir présidé une réunion avec ses homologues européens à Bruxelles, le ministre hongrois de l’Industrie, Máté Lóga, a expliqué que tous reconnaissaient sans difficulté que la faible productivité, les prix élevés de l’énergie et les charges administratives excessives entravaient de manière significative la capacité de l’Europe à rivaliser avec la Chine et les États-Unis — comme le souligne le récent rapport Draghi.

Le ministre a toutefois noté que la discussion n’avait abouti qu’à une « réflexion » — et non à un consensus — sur l’extension potentielle de l’assouplissement post-pandémique des règles en matière d’aides d’État, fortement soutenu par l’Allemagne, mais auquel s’opposent avec véhémence les plus petits États membres.

Máté Lóga a aussi indiqué que d’autres questions de financement « sensibles » n’avaient pas été abordées, notamment le renouvellement ou l’extension du programme de relance post-pandémique de 806,9 milliards d’euros — NextGenerationEU — financé par une dette souscrite conjointement par les États membres.

Selon le ministre hongrois, « le sentiment général est que cette question [de financement] est une partie sensible de la discussion sur le rapport Draghi ».

Le rapport Draghi appelle en effet les dirigeants de l’UE à mobiliser des fonds supplémentaires à hauteur de 800 milliards d’euros par an pour financer des investissements essentiels dans les domaines de l’écologie, du numérique et de la défense.

Faisant écho aux conclusions d’un autre rapport récent sur l’économie de l’UE rédigé par l’ancien Premier ministre italien Enrico Letta, Mario Draghi avertit également que « l’approche fragmentée de l’UE en matière d’aides d’État » sape le marché unique et « désavantage les petits États membres qui ne peuvent pas se permettre de participer à une course aux subventions ».

L’ancien président de la BCE propose par ailleurs d’émettre une dette commune supplémentaire pour soutenir les investissements futurs, « en s’appuyant sur le modèle [NextGenEU] ».

Traditionnellement, les États membres « frugaux » du Nord, dont l’Allemagne et les Pays-Bas, sont fermement opposés à l’émission d’une dette commune supplémentaire au-delà de l’expiration de NextGenEU en août 2026.

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En amont d’une réunion des ministres de l’Industrie qui se tient à Bruxelles jeudi 26 septembre, 20 États de l’Union européenne (UE) demandent une suppression des obstacles au marché unique.

De profondes divergences exposées au grand jour

Avant la réunion, les profondes divergences de position entre les États membres sur la manière de financer les besoins d’investissement de l’UE ont été affichées au grand jour.

Le ministre finlandais des Affaires économiques, Wille Rydman, a critiqué de manière particulièrement virulente le système actuel d’aides d’État de l’Europe, ainsi que les appels d’autres ministres à émettre davantage de dette commune.

« La Finlande est favorable à une sortie de l’encadrement temporaire de crise et de transition pour les mesures d’aide d’État, et nous ne soutenons aucune extension de ce cadre », a-t-il clarifié, faisant référence à l’assouplissement post-pandémique des règles en matière d’aides d’État.

Le ministre finlandais a ajouté que le mécanisme de Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) — l’initiative phare de NextGenEU — était « un instrument exceptionnel et unique » qui « ne devrait pas être pris en compte dans le financement du budget européen à l’avenir ».

« Nous pensons que nous ne devrions pas étendre le budget de l’Union européenne, et surtout nous ne devrions pas le financer par une dette commune », a-t-il poursuivi.

Les remarques de Wille Rydman ont été reprises par le ministre suédois du Commerce, Benjamin Dousa, qui plaide pour un retour à un cadre d’aide d’État plus « strict », et a noté que Stockholm restait « généralement sceptique » quant à l’émission d’obligations de l’UE (eurobonds).

Le ministre autrichien de l’Économie, Martin Kocher, a quant à lui fait remarquer que proposer des instruments de financement supplémentaires à l’heure actuelle revenait à « mettre la charrue avant les bœufs ».

« Je pense que nous devons fixer des priorités, et celles-ci se concentrent sur les domaines […] de l’innovation […] qui ont besoin d’être soutenus. Ensuite, nous pourrons parler de financement, mais pas l’inverse », a-t-il affirmé.

En revanche, le ministre espagnol de l’Industrie, Jordi Hereu i Boher, a commenté la résistance des États membres du Nord au renouvellement de NextGenEU en expliquant que l’UE a « besoin d’une politique européenne et d’outils européens pour renforcer notre réindustrialisation en Espagne et en Europe ».

Après l’Italie, l’Espagne est le plus grand bénéficiaire du financement de la FRR dans l’UE, ayant reçu près de 48 milliards d’euros en subventions et 340 millions d’euros en prêts depuis l’entrée en vigueur du programme en 2021.

Questionné sur les critiques spécifiques de l’ancien Premier ministre italien Enrico Letta concernant le cadre actuel des aides d’État de l’UE — qui, selon Enrico Letta, risque de provoquer des « distorsions de concurrence » entre les États membres — Sven Giegold, secrétaire d’État au ministère allemand de l’Économie, a répondu qu’il « lisait le rapport Letta différemment ».

Le rapport propose un « mécanisme de contribution aux aides d’État », par lequel une partie des dépenses publiques des États membres est allouée au financement de projets communs de l’UE.

Cependant, pour Sven Giegold, « le rapport Letta dit que tout ne doit pas être européanisé mais précise que les subventions européennes sont nécessaires. Or nous avons également besoin des subventions nationales. Et nous aurons besoin des deux pour être innovants et compétitifs dans les domaines critiques ».

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Le rapport présenté par Mario Draghi soutient les objectifs climatiques fixés par Bruxelles, mais surtout la nécessité de faire des compromis. Moins de « vert » et plus de « croissance » donc.

[Édité par Anna Martino]

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