La France et l’Allemagne ont appelé la Commission européenne à revoir les règles en matière de concurrence qui s’appliquent aux plateformes Internet, et notamment aux moteurs de recherche comme Google, afin de créer un marché plus juste et d’encourager les entreprises européennes.
Dure semaine pour Google. Après l’adoption d’une résolution par le Parlement européen appelant le géant américain, ultra dominant sur le marché numérique européen,à scinder ses activités, la France et l’Allemagne ont également tapé du poing sur la table, à l’issue d’un Conseil sur l’énergie et les télécommunications, le 27 novembre.
La Française Axelle Lemaire, secrétaire d’État au numérique, et l’Allemand Matthias Machnig, ministre de l’économie et de l’énergie, ont parlé aux journalistes en marge de la réunion du Conseil, qui se penchait sur les propositions de législation liées aux télécommunications en Europe.
Entreprises européenne peu influentes
Dans une déclaration commune, ils ont expliqué que leurs deux pays souhaitaient inciter la Commission à prendre des mesures permettant aux lois sur la concurrence de s’adapter à la nouvelle configuration d’un marché qui, selon eux, doit être remis sur les rails. En effet, seuls 2 % des entreprises influentes dans le secteur du numérique sur le marché européen sont européennes.
Les conclusions communes adoptées par le Conseil de l’Union incluent un projet de réforme de l’ICANN en matière de transparence, de responsabilité et d’indépendance. Selon la secrétaire d’État françaises, ces conclusions permettront également à l’UE de peser réellement sur le Sommet Mondial sur la Société de l’information + 10, organisé en décembre 2015 par les Nations unies.
« Il est essentiel que l’Europe, continent de la démocratie et des libertés, fasse entendre sa voix et ses valeurs sur le sujet majeur de la gouvernance de l’internet », estime Axelle Lemaire, pour qui 2015 sera « une année clé pour que la nouvelle Commission montre sa détermination à faire du numérique un axe majeur du réveil européen, en incitant à la création et à la croissance d’entreprises numériques innovantes en Europe ».
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Quasi-monopole sur le marché des moteurs de recherche
Les deux ministres ont également appelé à un soutien plus large au secteur informatique européen et salué une enquête de l’UE sur les pratiques fiscales des grandes entreprises numériques étrangères en Europe.
« Google est au centre du marché, et donc du débat public. Il faut que le marché soit plus juste pour les entreprises informatiques en Europe, explique à EURACTIV un diplomate européen, sous couvert d’anonymat. Si vous recherchez une ville ou une rue dans Google, Google Maps est la première option qui apparaît, pas [le site français] Michelin ou [allemand] Falk. Un fournisseur de carte innovant en Europe n’a donc pas les mêmes chances de réussir », ajoute-t-il.
Le moteur de recherche américain Google est déjà sous le coup d’une enquête menée par la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager (voir « Contexte »)
L’initiative franco-allemande rejoint la résolution votée par le Parlement européen plus tôt dans la même journée à Strasbourg. Par cette résolution, les eurodéputés demandent à l’a Commission et aux États membres de « prévenir tout abus dans la commercialisation par les opérateurs de moteurs de recherche de services liés les uns aux autres », une allusion à peine voilée à la position très dominante de Google sur le marché.
La résolution mentionne également le démantèlement des obstacles à la croissance du marché unique européen du numérique et souligne l’importance de la neutralité dans les recherches en ligne. Elle a remporté le soutien de 348 eurodéputés, alors que l’on compte 174 voix contre et 56 abstentions.
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La neutralité du Net au second plan
Les eurodéputés ont également souligné la nécessité d’instaurer des règles européennes de concurrence empêchant les entreprises d’abuser du pouvoir conféré par leur position dominante et en séparant les moteurs de recherche d’autres services.
La résolution indique ainsi que « le marché des recherches en ligne est particulièrement important dès qu’il s’agit de garantir la concurrence sur le marché unique du numérique » et se félicite de la promesse de la Commission d’enquêter davantage sur les pratiques des moteurs de recherche.
« Je pense que nos réflexions à tous vont dans la même direction. Nous ne pouvons pas sortir de notre manche un plan d’action qui constituerait une solution toute prête au problème, nous en sommes seulement au début du débat, ajoute le diplomate européen. L’idée est d’utiliser la France et l’Allemagne pour forcer le débat. Nous voulions souligner l’extrême importance de ce sujet pour nos économies. Il est temps d’agir pour l’Europe. »
La prise de position franco-allemande découle d’une initiative ministérielle commune commencée en février de cette année. Il n’est pas certain qu’une réforme du paysage de la concurrence soit accueillie avec enthousiasme par tous les États membres, mais un autre diplomate a toutefois déclaré à EURACTIV que bien qu’ils n’aient pas choisi de camp pour l’instant, étant donné leur position à la présidence tournante du Conseil, les Italiens pourraient rejoindre la France et l’Allemagne. « Nous pensons que lorsque la présidence italienne sera finie, en janvier, nous aurons un nouveau soutien », confie-t-il.
Les ministres ont par ailleurs retardé la discussion de mesures nécessaires à l’introduction de la neutralité du Net, parce que les États membres ne sont pas prêts à accepter les limites plus strictes demandées par le Parlement.
Le principe de la neutralité du Net est l’idée de préserver un traitement égal des données sur Internet et d’éviter le développement de services de qualités différentes, qui force les consommateurs à payer plus pour une connexion meilleure.
Un porte-parole de la représentation permanente du Royaume-Uni à Bruxelles a déclaré n’avoir « rien à ajouter » au sujet du problème de concurrence posé par Google. L’entreprise américaine n’a pas encore réagi non plus.