Le secrétaire d’État au Numérique O a présenté mardi 2 novembre un plan de soutien au secteur français et européen du cloud d’un montant de 1,8 milliard d’euros sur quatre ans — des mesures qui manquent à nouveau la cible selon les acteurs de l’écosystème français, qui échangeraient volontiers les subventions contre de la commande publique.
« La bataille du cloud n’est pas perdue », a estimé M. O depuis les locaux parisiens d’OVHcloud, champion français du cloud dont « la grande réussite » de l’entrée en bourse mi-octobre représente « à la fois le succès et la richesse de l’écosystème », selon le secrétaire d’État au Numérique.
Il était venu annoncer un plan de soutien à la filière, près de six mois après la présentation de la nouvelle doctrine gouvernementale du « cloud de confiance », martelant le « seul objectif » de l’État : « faire émerger des champions européens et français de l’innovation ».
C’est 1,8 milliard d’euros qui est mis sur la table de la part de l’État (667 millions d’euros), de l’Union européenne (444 millions d’euros), et du secteur privé (680 millions). Ce plan met l’accent sur la recherche et le développement, vers l’« edge computing » notamment, et, dans une moindre mesure, sur la formation et les talents. « Le nerf de la guerre », selon M. O.
« 23 projets de recherche et développement ont déjà été sélectionnés par l’État, pour un financement public de plus de 421 millions d’euros », a annoncé le secrétaire d’État.
« La souveraineté industrielle ne se décrète pas, elle se construit », a déclaré M. O, précisant que « le chemin de crête entre la question technologique, légale et européenne est fin, mais il existe ». « Le retard accumulé ne date pas d’hier », a-t-il ajouté, soulignant que les filières de l’intelligence artificielle et des semi-conducteurs étaient également concernées.
Moins de subventions, plus de commande publique
Mais ce plan de soutien n’a pas totalement convaincu les opérateurs de l’écosystème français, qui reprochent depuis des mois à la stratégie française de faire la part belle aux entreprises déjà dominantes sur le marché, rendant quasiment impossible l’émergence de champions français ou européens.
Et cela doit passer par plus de commandes publiques, selon eux. Un point que n’a pas manqué de rappeler Michel Paulin, le directeur général d’OVHCloud, dans son discours. Les acteurs français ont « besoin de commandes, je répète de commandes », a-t-il interpellé M. O, sous les applaudissements de l’audience.
Et d’ajouter : « J’en appelle à l’exemplarité de l’État pour favoriser une filière européenne ».
Lors de son allocution, le secrétaire d’État a répondu à cette critique, devenue récurrente. « La réussite récente de la French Tech n’aurait pas eu lieu avec une politique autarcique », a-t-il déclaré, ajoutant que « toutes les solutions protectionnistes sont légalement et technologiques hémiplégiques ».
Il a ensuite souligné que les règles de l’UE en matière de marché public ne permettaient pas de favoriser les acteurs nationaux.
« Personne n’a jamais dit qu’il fallait gommer toute technologie étrangère. Nous, ce que nous défendons, c’est de pouvoir exister dans un écosystème numérique et technologique mondiale », a expliqué Thomas Fauré, fondateur de Whaller, à EURACTIV. Whaller est un éditeur français de solutions collaboratives basées sur le cloud.
« Je reste sur ma faim après cette intervention », a-t-il ajouté, estimant, lui aussi, que la problématique de la commande publique n’étais pas suffisamment prise au sérieux par M. O. « C’est le vecteur de croissance et de puissance » de la tech, selon lui, à l’inverse de la subvention qui n’a pas la « vertu de l’exigence ».
« Pas de surprise dans cette annonce », a de son côté estimé Yann Lechelle, PDG de Scaleway, un hébergeur majeur français, saluant néanmoins « des investissements non négligeables bien que timides qui peuvent avoir des externalités positives à moyen et long terme ».
La rencontre devait par ailleurs ailleurs initialement se dérouler dans leurs locaux, mais Scaleway a préféré décliner l’invitation par « cohérence », a confirmé l’entreprise à EURACTIV.