La commission des droits des femmes (FEMM) du Parlement européen a voté en faveur d’un rapport appelant les États membres à décriminaliser la pratique de la prostitution, tout en criminalisant les clients, ce qui a été vivement critiqué par l’Alliance européenne des travailleurs du sexe.
Le rapport sur la règlementation de la prostitution dans l’UE a été adopté ce mardi (27 juin) par 16 voix pour, 10 contre et 3 abstentions.
« Le vote d’aujourd’hui était important pour la commission parlementaire, [il s’agit d’]un sujet important qui divise les féministes depuis trop longtemps », a déclaré la rapporteure Maria Noichl (Socialistes et Démocrates européens) à la suite de l’adoption.
« Le rapport met en lumière les raisons pour lesquelles les gens entrent dans la prostitution et ce que nous devons faire en tant que société pour empêcher cela », a-t-elle ajouté.
Le « modèle nordique »
Le rapport définit la prostitution comme une forme de violence fondée sur le genre et encourage les États membres à adopter le modèle dit nordique, qui criminalise les clients et les tiers, tout en décriminalisant les travailleurs du sexe, dans le but de réduire la demande.
Selon le rapport, le modèle nordique, actuellement utilisé par la France, l’Irlande et la Suède, contribuerait à réduire la demande et à mettre fin à la « stigmatisation des personnes qui se prostituent [et] à garantir des stratégies de sortie et un accès inconditionnel aux systèmes de sécurité sociale et à la réinsertion ».
Dans la plupart des États membres, le travail du sexe n’est pas règlementé et son organisation est illégale, ce qui signifie que les travailleurs du sexe ne peuvent pas bénéficier d’une assurance sociale ou de prestations de retraite.
Le rapport appelle à un meilleur accès aux services sociaux et de santé et demande aux États membres de « prendre des mesures dans les domaines de la prévention, de la décriminalisation des personnes qui se prostituent, des programmes de sortie, de la réduction de la demande, de la sanction pour les clients, de la déstigmatisation et de l’élimination des stéréotypes ».
Il invite également les États membres à renforcer la prévention, à soutenir les victimes de la traite des êtres humains et de l’exploitation sexuelle et à s’attaquer à la publicité en ligne qui encourage la prostitution.
Un sujet qui divise
Avant le vote, le rapport avait provoqué des divisions au sein de la commission parlementaire, certains députés des Verts et de Renew Europe s’opposant à l’accent mis sur la prostitution en tant que forme de violence fondée sur le genre et appelant à recentrer le texte sur les travailleurs du sexe, reflétant ainsi la légitimité du travail sexuel.
Toutefois, les amendements déposés pour apporter ces changements ont été rejetés lors du vote.
Le vote final n’a pas été accueilli favorablement par les organisations de travailleurs du sexe, telles que l’Alliance européenne des travailleurs du sexe (European Sex Workers Alliance, ESWA), qui avait appelé les députés européens à rejeter le rapport dans son intégralité.
« Ce rapport a été rédigé sans consultation de notre communauté. Il contient des recherches volontairement mal interprétées [et] des définitions erronées dont nous avons du mal à croire qu’elles sont légales », a déclaré l’ESWA en réaction au vote.
Le rapport fera maintenant l’objet d’un vote en plénière en septembre.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]