Jeudi 26 septembre, le ministre italien des Entreprises et du Made in Italy, Adolfo Urso, tente de pousser ses homologues européens à faire avancer la révision des objectifs de réduction des émissions des voitures thermiques, mais aussi à sauvegarder l’objectif de l’Union européenne (UE) de zéro émission de CO2 à compter de 2035.
Après avoir rencontré les eurodéputés à Bruxelles, le ministre italien des Entreprises et du Made in Italy, Adolfo Urso, a confirmé son intention de mobiliser les États de l’Union pour présenter un « non paper » priant la Commission d’avancer au premier semestre 2025 la révision prévue pour 2026 des règles d’émissions de CO2 des voitures européennes.
« Cela nous permettrait de prendre les meilleures décisions possibles, le scénario idéal étant de conserver l’objectif de 2035, mais aussi de réfléchir aux conditions nécessaires pour atteindre cet objectif », a expliqué Adolfo Urso.
« Nous avons la certitude que nous ne pouvons pas laisser les entreprises et les consommateurs dans l’expectative pendant encore deux ans, surtout quand on connait les données récentes sur la chute de la production automobile et sur le déclin des ventes de véhicules électriques », a-t-il encore souligné.
« Nous sommes désormais certains qu’avec ce calendrier de révision, nous n’atteindrons pas les objectifs que nous avons fixés pour 2035 — nous devons donc accélérer [sur ce point]. »
Entre 2019 et 2023, l’UE a défini des objectifs de réduction des émissions pour les voitures. Conséquence, les constructeurs automobiles sont dans l’obligation de réduire les émissions des voitures neuves de 15 % d’ici 2025, par rapport aux niveaux de 2021, et de 100 % en 2035.
Mais l’industrie automobile européenne peine à négocier le virage de l’électrique, face à la concurrence féroce de la Chine et face aux retards pris par le continent en matière d’investissements et d’infrastructures.
Pour le ministre italien Adolfo Urso, une révision rapide des objectifs de réduction des émissions de CO2 est ainsi essentielle, afin de clarifier la situation du secteur européen de l’automobile.
D’autant que la Chine et les États-Unis investissent massivement pour assurer la transition écologique de leurs industries et que Washington a augmenté de manière significative ses droits de douane en un temps très court.
Les effets de ces mesures prises par les concurrents de l’Europe au niveau mondial « sont telles », selon le ministre italien des Entreprises, « que si l’Europe retardait [ses décisions] de deux années supplémentaires, elle plongerait dans l’obscurité ».
Des objectifs plus stricts en échange de la « neutralité technologique »
Le ministre semble en tout cas avoir acté le changement inattendu de la position de Rome. L’Italie semble désormais en faveur de l’élimination de toutes les voitures à essence d’ici 2035, ce que la Première ministre Giorgia Meloni avait maintes fois critiqué.
« Nous voudrions poursuivre sur cette voie », a soutenu Adolfo Urso, « car c’est aussi celle sur laquelle il pourrait y avoir une plus grande convergence », a-t-il justifié, faisant référence aux discussions bilatérales avec ses homologues espagnols, tchèques, autrichiens et surtout allemands.
Le ministre italien a fait allusion à un accord informel qu’il aurait conclu mercredi 25 septembre avec le ministre allemand de l’Économie, Robert Habeck, fervent partisan de l’objectif 2035, ce qui expliquerait également la volonté inattendue de l’Italie de maintenir cet objectif.
Alors que le ministère italien a communiqué sur la demande de révision anticipée en début de semaine, Adolfo Urso n’est pas en reste. Trois autres requêtes concernant les règles de réduction des émissions des voitures européennes lui tiennent également à coeur.
Adolfo Urso souhaite que les décideurs de l’UE apportent plus de clarté et de flexibilité sur la « neutralité technologique » (c’est-à-dire permettre à un plus grand nombre de technologies d’atteindre les objectifs de zéro émission de CO2).
« Nous devons absolument relever le défi de la transition verte avec une vision claire de la neutralité [technologique], afin de tirer parti de toutes les technologies à notre disposition — y compris, mais sans s’y limiter, les biocarburants et l’hydrogène », a exposé le ministre italien.
En pratique, cette revendication rouvrirait un débat politique épineux sur la possibilité de permettre aux voitures à moteur à combustion de continuer à fonctionner en partie — l’une des pièces maîtresses des campagnes politiques des partis européens en vue des dernières élections européennes de juin — au-delà de 2035, à condition que l’essence traditionnelle soit remplacée par des biocarburants ou des e-carburants climatiquement neutres.
Le ministre italien des Entreprises reprend ainsi les propos de l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, qui avait soulevé ce point lors de la présentation de son rapport sur la compétitivité de l’UE. Ce dernier regrettait que les réglementations européennes n’aient « pas avoir suffisamment pris en compte la question de la neutralité technologique ».
Le ministre italien a précisé que le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck avait souligné être ouvert à la possibilité [de neutralité technologique] tant que l’objectif de 2035 est garanti. Contacté par Euractiv, un porte-parole du ministère du vice-chancelier allemand a fait savoir qu’il n’était pas en mesure de confirmer cette déclaration.
Les conditions d’Adolfo Urso
La deuxième attente d’Adolfo Urso repose sur l’augmentation des investissements publics pour « verdir » les économies européennes.
« Nous avons besoin de ressources de l’UE pour compléter les investissements nationaux et pour stimuler les investissements privés », a insisté le ministre italien, soulignant que Mario Draghi avait expliqué que l’Europe devait investir 800 milliards supplémentaires par an, et que ces derniers ne pourront pas être pris uniquement en charge par le privé.
Enfin, les propositions d’Adolfo Urso visent à accroître les objectifs d’autonomie stratégique de l’Union, en particulier dans le domaine des matières premières essentielles.
Selon lui, tous les objectifs de l’UE en matière de transition écologique doivent s’articuler autour du « principe d’autonomie stratégique et de sécurité économique ». Une approche qui devrait conduire l’Europe à délocaliser la majeure partie de la chaîne de valeur des matières premières essentielles afin de faciliter la mise en œuvre des technologies vertes. Par exemple, en renforçant les capacités nationales d’extraction et de raffinage.
De ce point de vue, l’objectif de 2035 de zéro émission dépendrait, selon les propositions de l’Italien, de la capacité de l’Union à construire cette capacité au cours de la prochaine décennie, et donc à augmenter la « production de batteries électriques pour garantir qu’à cette date, nous puissions vraiment considérer l’Europe comme totalement libérée des dépendances critiques », a étayé Adolfo Urso.
« Cependant, si nous ne pouvons pas garantir les chaînes de valeur des matières premières essentielles, a-t-il poursuivi, si nous ne remplissons pas ces trois conditions, et que nous ne pouvons donc pas garantir l’objectif de 2035, nous devrons alors passer à une option secondaire — qui n’est pas celle que nous voulons — qui est le report de l’objectif de 2035 », a-t-il conclu.
Informations complémentaires par Jonathan Packroff.
[Édité par Laurent Geslin]