L’eurodéputée Isabelle Thomas souligne le paradoxe budgétaire de l’UE, qui voit ses responsabilités se multiplier alors que ses dotations diminuent. Une opinion publiée par notre partenaire, Ouest-France.
Isabelle Thomas est eurodéputée S&D française depuis 2012. Elle a fait partie du Parti socialiste, puis de Génération.s.
L’Union européenne est prisonnière d’un paradoxe. Elle voit sans cesse de nouvelles responsabilités lui être confiées – accueil des réfugiés, transition énergétique, investissement, Défense -, mais reçoit de moins en moins de moyens pour agir. Ce casse-tête budgétaire nourrit les accusations d’impuissance envers l’Europe et alimente une défiance croissante dans les urnes.
Contrairement aux idées reçues, le budget européen diminue. Toujours plus sollicité, il atteint à peine 1 % de la richesse européenne, quand il représentait 1,25 % du PIB en 1999. L’indigence budgétaire conduit à sacrifier des programmes au gré des urgences. Ainsi en est-il allé ces dernières années pour la recherche, les transports et la lutte contre le chômage des jeunes. Ainsi pourrait-il en être demain avec la Politique agricole commune (Pac) et les fonds pour le développement régional.
Déjà intenable, cette situation risque de se dégrader. Le Brexit va représenter une perte sèche de 12 milliards d’euros pour le budget européen, alors que l’Union doit fixer son cap financier pour l’après 2020, le fameux « Cadre financier pluriannuel » (CFP). Le moment de vérité approche. L’Union doit sortir de l’impasse budgétaire.
S’attaquer aux racines du mal
Heureusement, le Parlement européen a une vision claire. Le 14 mars, il a adopté deux textes jumeaux liant dépenses et recettes. Le rapport Thomas-Olbrycht sur le prochain CFP propose de mettre les choses à plat, en maintenant les piliers que sont la cohésion et la Pac, couplés à des objectifs ambitieux pour le développement durable, et en renforçant les programmes phares comme Erasmus et la recherche.
Responsable et cohérent, il sacralise un principe : il ne peut y avoir de nouvelles politiques européennes sans les moyens correspondants. Le calcul est sans appel, il faut porter le budget européen à 1,3 % du PIB de l’Union.
Le second rapport s’attaque aux racines du mal : les recettes de l’Union. Depuis les années 1990, le budget européen dépend à 70 % du chèque des États membres. Ils tiennent les cordons de la bourse et renâclent à ajouter le moindre euro supplémentaire, et de fait réduire leur propre budget. Comment leur en vouloir ?
Le Parlement propose d’alléger les États membres en finançant le budget par des ressources propres à l’Union. Ces nouvelles recettes permettraient de dégager le budget de la logique du « juste retour » et stabiliseraient les moyens pour agir. Il n’est pas question de taxer davantage les citoyens, mais de mettre à contribution ceux qui échappent toujours à l’impôt, grâce à la fiscalité harmonisée des multinationales, à la taxe sur les transactions financières ou à la mise en place d’un ajustement carbone aux frontières de l’Union.
Pour être adopté, le futur CFP doit être approuvé par le Parlement, ce qui lui confère un droit de veto utile dans les négociations avec le Conseil. Un budget ne ment pas, il reflète des choix politiques. Fort du résultat du vote (458 voix contre 177), le Parlement peut désormais se passer des antieuropéens assumés comme des faux Européens, virtuoses des grands discours mais qui se défilent au moment de passer à la caisse.