Finance : virer au vert en étant dans le rouge

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"Virer au vert en étant dans le rouge est non seulement possible mais aussi essentiel." [EPA/STEPHANIE LECOCQ]

Pour Mairead McGuiness, commissaire européenne aux services financiers, il y a d’autres langages que celui de l’argent: il faut écouter aussi celui du changement, qui appelle à un système financier tenant compte des problématiques non financières, depuis l’action pour le climat jusqu’à l’inclusion sociale.

Nous vivons une époque sans précédent: une pandémie nous oblige à repenser nos modes de vie, de travail et de loisirs, tandis qu’une crise climatique réclame d’urgence toute notre attention.

À elle seule, l’économie de l’UE devrait se contracter de plus de 8 % cette année, selon la Commission européenne.

En même temps, nous nous trouvons dans une situation d’urgence climatique, comme l’a déclaré le Parlement européen en décembre 2019, à peu près à l’époque où le coronavirus a commencé à se manifester.

La solidarité à l’échelle de l’UE et la collaboration à l’échelle mondiale n’ont jamais été aussi nécessaires.

L’Europe est bien avisée de ne pas utiliser la crise de la COVID-19 pour retarder l’action en faveur du climat et la transition écologique. Le pacte vert pour l’Europe reste un engagement fort, qui doit nous aider à relever les défis climatiques et environnementaux et à stimuler une croissance et une reprise durables.

Pour la toute première fois de son histoire, la Commission européenne s’est lancée dans des emprunts pour financer la relance.

Une enveloppe considérable de 750 milliards d’euros sera répartie entre les États membres, sous forme de subventions et de prêts, pour les aider à sortir de la crise.

La Commission a proposé que 37 % de l’ensemble des fonds destinés à la relance soient affectés à des projets verts. Dans cette optique, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a proposé que 30 % des fonds levés pour financer la relance proviennent d’obligations vertes.

Ainsi, le système financier sera davantage sollicité pour dégager les ressources nécessaires à la reprise et à la transition climatique. Les premiers signes sont encourageants: la récente émission d’obligations par la Commission visant à soutenir les marchés de l’emploi de l’UE a suscité un intérêt considérable sur le marché.

Les investissements intégrant des facteurs environnementaux et sociaux ont affiché de meilleures performances que le reste du marché pendant la crise.

De plus en plus, les fonds de pension et autres investisseurs exigent des entreprises qu’elles leur fournissent des informations claires sur la manière dont elles tiennent compte des enjeux climatiques, environnementaux et non financiers.

Si la réorientation du système financier vers la durabilité en est encore à ses balbutiements, nous savons que le temps joue contre nous dans la lutte contre la destruction à grande échelle du climat, la dégradation de l’environnement et la perte de biodiversité.

Une remise à plat complète s’impose. La finance durable doit devenir le commun dénominateur de toutes les politiques pour transformer la société et la planète, tout en assurant des retours élevés.

L’Europe est aux avant-postes.

Les travaux de la Commission européenne en vue d’une stratégie renouvelée en matière de finance durable progressent rapidement. Celle-ci sera lancée début 2021 et comprendra des objectifs bien définis, assortis de délais précis, pour nous maintenir sur la bonne voie. Les réactions du public à ce jour confirment que nos ambitions peuvent compter sur un large soutien.

Nous avons d’ores et déjà entamé des travaux sur la taxonomie de la finance durable, la publication d’informations sur la durabilité par les entreprises et les investisseurs, les indices de référence climatiques et de nouvelles mesures en faveur des obligations vertes et des labels écologiques pour les investissements.

La taxonomie de la finance durable établit un classement des activités vertes. Mais nous avons également des décisions à prendre sur la manière d’aider les secteurs d’activité et les entreprises à renoncer aux pratiques non durables pour réduire les dommages qu’elles causent.

D’aucuns réclament une liste négative recensant ce qui n’est pas durable aujourd’hui. D’autres mettent en garde contre cette approche car elle pourrait empêcher les entreprises et les projets d’obtenir des financements qui leur permettraient d’opérer une transition vers des activités moins néfastes, voire positives pour la durabilité. Ces questions sont actuellement à l’étude au sein de la nouvelle plateforme sur la finance durable.

Quel rôle peuvent jouer les technologies de transition? Au lieu de pénaliser injustement les industries polluantes et les personnes qui en dépendent, les politiques menées devraient leur donner des incitations et des orientations pour assainir leurs activités.

Le programme en matière de finance durable n’est pas seulement écologique. Il est aussi social. La crise de la COVID a permis de constater à quel point il importe de disposer d’un système de santé publique résilient. Elle a mis particulièrement en relief le fait que les personnes occupant des emplois moins bien rémunérés, souvent des femmes, sont les plus vulnérables. Les jeunes, eux aussi, sont durement touchés. Nous devons intégrer ces réalités dans notre futur programme d’investissement.

L’Europe ne peut pas le faire seule — nous coopérons avec la plateforme internationale sur la finance durable. Et nous espérons que le président nouvellement élu des États-Unis, Joe Biden, soutiendra le programme en matière de finance durable dans le cadre de son engagement clair en faveur de la lutte contre le changement climatique.

L’UE est déterminée à atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050: cela ne nous laisse que 30 ans. Et il existe déjà un objectif beaucoup plus ambitieux de réduction des émissions de CO2 d’ici à 2030. Pour parvenir à ces fins, des investissements considérables sont nécessaires.

Certains, opposés à tout, voudraient tuer ce programme dans l’œuf et prônent une relance sans réformes. Or il s’ensuivrait un gaspillage d’argent qui serait englouti dans des pratiques non durables et néfastes pour le climat.

Il n’y a pas de temps à perdre.

Toute entreprise, grande ou petite, qui ne tient pas compte des risques climatiques et environnementaux dans ses activités ne tardera pas constater que son bilan est loin de l’équilibre.

Le cadre réglementaire et stratégique robuste qu’offre la stratégie révisée en matière de finance durable garantira que l’argent bénéficie à des projets durables.

Virer au vert en étant dans le rouge est non seulement possible mais aussi essentiel.

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