Après une concession sur les négociations d’adhésion, Viktor Orbán bloque l’aide à l’Ukraine

Les dirigeants européens, qui ont négocié le programme d’aide jusqu’à vendredi matin, ont mis fin aux discussions après une journée de débats, Viktor Orbán ayant refusé de donner son feu vert à un financement destiné à soutenir le gouvernement ukrainien au cours des quatre prochaines années. [Council newsroom]

Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a bloqué l’aide financière de 50 milliards d’euros de l’UE pour l’Ukraine ce vendredi (15 décembre), remettant en question le soutien de l’Union au pays en guerre. Cette décision intervient après que les dirigeants européens ont ignoré l’opposition manifeste du chef de file du Fidesz — qui n’a toutefois pas usé de son droit de veto — et accepté d’ouvrir les négociations d’adhésion avec Kiev.

Les dirigeants européens, qui ont négocié le programme d’aide jusqu’à vendredi matin, ont mis fin aux discussions après une journée de tractations, Viktor Orbán ayant refusé de donner son feu vert à un financement destiné à soutenir le gouvernement ukrainien au cours des quatre prochaines années.

Les tentatives visant à convaincre le dirigeant hongrois d’accepter le paquet financier, y compris un ultime effort conjoint des dirigeants de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, de l’Espagne et des Pays-Bas, ont échoué.

Les chefs d’État et de gouvernement devraient à présent revenir sur la décision début 2024 lors d’une réunion extraordinaire qui aura lieu en janvier, a annoncé le président du Conseil européen, Charles Michel, aux journalistes à la fin de la première journée du sommet européen.

Bruxelles avait prévu d’accorder à Kiev une aide de 50 milliards d’euros, avec 33 milliards de prêts et 17 milliards d’euros de dons, sur une période de quatre ans à partir de l’année prochaine.

La dernière proposition de compromis budgétaire a été « fermement soutenue » par les dirigeants des 26 autres États membres, a déclaré M. Michel, ce qui a été confirmé par des responsables de l’UE. Selon ces derniers, tous les États membres, à l’exception de la Hongrie, étaient satisfaits du document révisé.

« Nous avons encore un peu de temps, l’Ukraine ne sera pas à court d’argent dans les prochaines semaines », a affirmé le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, à la sortie des négociations.

« Je suis assez confiant dans le fait que nous pourrons parvenir à un accord au début de l’année prochaine, nous pensons à la fin janvier », a-t-il ajouté.

Le blocage de Budapest a toutefois porté un coup l’unité de l’UE et à Kiev, ainsi qu’à ses plus fervents alliés, quelques heures seulement après l’étape symbolique franchie lorsque les dirigeants européens ont accepté d’entamer les négociations d’adhésion avec le pays.

Kiev s’efforce pour sa part de rassurer sa population face aux rumeurs selon lesquelles le soutien de ses alliés occidentaux s’amenuise, dans un contexte où des doutes planent également sur l’aide financière et militaire des États-Unis.

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Les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont assuré Kiev de leur soutien, bien que l’on puisse voir un signe d’affaiblissement de ce soutien à travers la victoire d’un candidat pro-russe en Slovaquie et la suspension par le Congrès américain de l’aide à l’Ukraine dans son projet de loi de financement.

Une contrepartie pour Viktor Orbán ?

Dans un premier temps, M. Orbán était opposé aux deux décisions (aide et négociations d’adhésion), mais à la suggestion du chancelier allemand Olaf Scholz, il a accepté de quitter la salle de négociation pour permettre aux autres dirigeants de l’UE de prendre une décision sur l’adhésion sans lui.

Dans une vidéo publiée ultérieurement sur la plateforme Facebook, le dirigeant hongrois a expliqué son choix de quitter de la salle, indiquant que la Hongrie ne souhaitait pas « partager la responsabilité » de cette décision « insensée » des 26 autres États membres, raison pour laquelle il s’est « abstenu » lors du vote.

La décision d’ouvrir les négociations d’adhésion avec Kiev a finalement été prise à 26, mais les dirigeants européens et les diplomates ont assuré ne pas avoir accordé de contrepartie pour qu’il quitte la pièce à ce moment-là.

Les 26 autres membres « ont avancé un argument décisif : la Hongrie n’avait rien à perdre, étant donné que le mot final revient aux parlements nationaux », a expliqué le nationaliste hongrois.

« Et d’ici là, c’est un long, très long processus, avec au moins 75 autres occasions pour stopper le processus », a-t-il ajouté, réitérant qu’il s’agissait à ses yeux d’une « mauvaise décision que la Hongrie ne voulait pas avoir sur la conscience ».

Le président Ukrainien Volodymyr Zelensky a salué la décision des dirigeants européens, la qualifiant de « victoire pour l’Ukraine, pour toute l’Europe », tandis que la Maison-Blanche saluait une « décision historique ».

Touetfois, selon plusieurs diplomates de l’UE, le dirigeant hongrois n’aurait pas accepté deux concessions d’un coup — puisqu’une décision aurait également pu être prise à 26 sur l’aide financière à l’Ukraine.

Après la rupture des négociations, M. Orbán s’est réjoui de sa victoire sur les réseaux sociaux.

« Résumé de la nuit de travail : veto pour les fonds supplémentaires destinés à l’Ukraine », a écrit M. Orbán, précisant qu’il avait mis son veto à l’injection de nouveaux fonds dans le budget septennal de l’UE, mis à rude épreuve en grande partie par la pandémie de Covid-19 et la guerre russe en Ukraine.

Viktor Orban a été accusé de prendre en otage Kiev pour forcer Bruxelles à débloquer des milliards de fonds européens gelés à la suite d’un différend sur l’État de droit.

Dans ce que certains considèrent comme une concession de dernière minute visant à faciliter les négociations, la Commission européenne, l’organe exécutif de l’UE, avait accepté mercredi (13 décembre) de débloquer 10 milliards d’euros de ces fonds.

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La Commission européenne a annoncé le déblocage d’un peu plus de 10 milliards d’euros pour la Hongrie, à la veille d’un sommet des 27 que Viktor Orbán menace de faire dérailler.

21 milliards d’euros de fonds pour la Hongrie sont toujours gelés en raison d’inquiétudes concernant l’État de droit dans le pays, mais Viktor Orbán a nié tout lien entre les fonds et la position de la Hongrie à l’égard de l’Ukraine. « Ce n’est pas notre style », a-t-il insisté.

Pourtant, lors d’un entretien pour une radio hongroise vendredi, le dirigeant hongrois a déclaré avoir « toujours dit que si on procédait à un amendement du budget de l’UE […] la Hongrie saisirait l’occasion pour revendiquer clairement ce qu’elle mérite. Pas la moitié, pas un quart, mais la totalité ».

Plusieurs dirigeants européens ont insisté sur la nécessité de faire preuve d’unité et d’envoyer un signal fort de soutien à l’Ukraine, qui a déjà vu le soutien de Washington ébranlé par les tentatives de blocage des républicains d’un programme d’aide de 60 milliards de dollars lors des discussions au Congrés américain.

Cette incertitude fait craindre un affaiblissement de la détermination de l’Occident à soutenir le pays dans sa guerre contre l’envahisseur russe.

Prallèlement à cela, les dirigeants de l’UE ont déclaré que l’Union s’était mise d’accord sur un douzième paquet de sanctions à l’encontre de Moscou, ciblant les exportations lucratives de diamants russes et visant à renforcer le plafonnement des prix du pétrole.

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[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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