L’UE a appelé la Géorgie à « garder le cap » sur l’UE et à mettre fin à la spirale de la violence dans sa capitale après que la police a utilisé des canons à eau, des gaz lacrymogènes, des grenades assourdissantes et des balles en caoutchouc mercredi (1er mai) pour disperser des manifestants proeuropéens qui s’opposaient à un texte législatif sur les « agents étrangers » calqué sur une loi russe et jugé liberticide par ses détracteurs.
Début avril, le parti au pouvoir dans le pays, Rêve géorgien, a réintroduit le projet de loi sur les « agents étrangers » proposé pour la première fois en 2023 mais qui avait été retiré face aux réactions négatives. Depuis lors, la capitale du pays est le théâtre de vives protestations.
Malgré cela, le parlement géorgien a adopté dimanche dernier (28 avril) en deuxième lecture le texte, qui a été critiqué car calqué sur une loi russe visant à réduire au silence les personnes critiques à l’égard du gouvernement.
Le projet de loi obligerait les ONG, les groupes de défense des droits civils et les médias à s’enregistrer en tant qu’« agents étrangers » si plus de 20 % de leur financement provenait de l’étranger.
Avant d’entrer en vigueur, le texte doit faire l’objet d’une troisième et dernière lecture et être signé par la présidente de la République, Salomé Zourabichvili.
Cette dernière, en conflit avec le Rêve géorgien, devrait opposer son veto au texte. Toutefois, le gouvernement et les députés alignés disposent d’un nombre de voix suffisant pour passer outre l’avis de la présidente.
Dans un message vidéo diffusé mercredi (1er mai), Mme Zourabichvili a appelé les manifestants à faire preuve de retenue et à voter contre le gouvernement du parti Rêve géorgien lors des prochaines élections, au mois d’octobre.
« Notre destin ne sera pas déterminé par cette loi », a-t-elle fait savoir, ajoutant que le « combat » reprendra « lors des prochaines élections parlementaires, après quoi [cette] loi et bien d’autres seront abrogées ».
Les partisans du projet de loi, tels que le fondateur du parti Rêve géorgien, l’oligarque Bidzina Ivanichvili, affirment que la législation garantirait la souveraineté dans un contexte qu’il qualifie de tentative occidentale de monter la Géorgie contre la Russie.
« Garder le cap » sur l’UE
La Géorgie, qui cherche depuis longtemps à rejoindre l’UE, s’est vu accorder le statut de candidat à l’adhésion en décembre 2023 mais avait été avertie qu’elle devait « prendre les mesures nécessaires, conformément à une recommandation de la Commission » avant toute négociation.
Mercredi, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a condamné les violences commises à l’encontre des manifestants et a exhorté Tbilissi à « garder le cap sur la voie de l’Europe ».
« Les citoyens géorgiens démontrent leur attachement à la démocratie. Le gouvernement géorgien devrait tenir compte de ce message clair », a-t-elle affirmé.
« Le recours à la force pour le réprimer est inacceptable », a commenté le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, le même jour.
Le président du Conseil européen, Charles Michel, a pour sa part souligné que le projet de loi éloignerait la Géorgie de la voie de l’Union européenne.
Les manifestations contre la loi sur les « agents étrangers » ont eu lieu alors que le négociateur en chef de l’UE pour l’élargissement, Gert Jan Koopman, devait s’entretenir mercredi avec la présidente, le gouvernement, le parlement et la société civile du pays dans la capitale géorgienne.
« Les Géorgiens ont travaillé dur pour obtenir le statut de candidat. Les enjeux actuels doivent être relevés et nous sommes là pour aider à y parvenir », a déclaré M. Koopman.
Les diplomates et les fonctionnaires de l’UE craignent que le parti Rêve géorgien ne cherche activement à saper les progrès du pays vers l’adhésion à l’UE.
Or, les différents sondages d’opinion indiquent que les candidatures de la Géorgie à l’adhésion à l’UE et à l’OTAN, qui est inscrit dans la constitution du pays, est soutenue par plus de 80 % de la population géorgienne.
Les appels aux sanctions se multiplient
« La situation en Géorgie et dans les environs a été partiellement influencée par certaines décisions bureaucratiques qui n’ont pas fait l’objet d’un contrôle politique de la part de l’UE », a expliqué à Euractiv Eto Buziashvili, associée de recherche à l’Atlantic Council.
Ces décisions ont, selon Mme Buziashvili, « joué un rôle dans l’enhardissement de l’oligarque Bidzina Ivanishvili et ont permis d’accroître l’influence russe en Géorgie ».
« Cette hausse de l’influence russe n’est pas conforme à la politique de l’UE et n’est pas dans l’intérêt de l’UE », a-t-elle ajouté.
« Si quelqu’un ne croit toujours pas que M. Ivanishvili qualifie l’UE et l’Occident d’adversaires depuis longtemps, il lui suffit d’écouter attentivement son dernier discours. »
Le chef de file du parti Rêve géorgien, M. Ivanichvili, a en effet accusé, lors d’un rassemblement progouvernemental cette semaine, l’UE et l’OTAN d’avoir été détournées par un « parti mondial de la guerre » pour saper la souveraineté du pays.
Dans ce contexte, le projet de loi sur les « agents étrangers » est selon lui nécessaire car « le financement non transparent des ONG est le principal instrument pour la nomination d’un gouvernement géorgien depuis l’étranger ».
Pour Mme Buziashvili, « ce qu’il faut faire, c’est s’engager au plus haut niveau et imposer des sanctions financières immédiates, y compris des sanctions personnelles ciblées ».
« Le peuple géorgien, que l’Occident soutient, attend un signal clair que l’Occident se tient à ses côtés. »
« Sinon, le parti au pouvoir, Rêve géorgien, et l’oligarque [Bidzina] Ivanichvili continueront à considérer l’UE comme un acteur dont on peut se moquer », a-t-elle conclu.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]