L’Union européenne devrait féliciter l’Ukraine pour ses progrès en matière de réformes en vue de son adhésion et envoyer un message fort à Moscou, selon un projet de communiqué du sommet UE-Ukraine consulté par EURACTIV. Les États membres restent toutefois divisés sur la question d’une adhésion accélérée.
La discussion entre les deux parties précède une importante visite de dirigeants de l’UE en Ukraine qui aura lieu dans quelques jours et qui vise à envoyer un message de solidarité tout en encourageant Kiev à poursuivre les réformes nécessaires à une éventuelle adhésion au bloc, près d’un an après le début de l’invasion russe.
Des consultations entre la Commission européenne et le gouvernement ukrainien auront lieu jeudi (2 février). Le lendemain, le président du Conseil européen, Charles Michel, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, rencontreront le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Selon le projet de communiqué, consulté par EURACTIV, les dirigeants européens et ukrainiens devraient confirmer « l’avenir de l’Ukraine et de ses citoyens au sein de l’Union européenne » et « l’engagement [de l’UE] à soutenir l’intégration européenne de l’Ukraine ».
Dans le document, l’UE reconnait « les progrès considérables réalisés par l’Ukraine au cours des derniers mois afin d’atteindre les objectifs qui sous-tendent son statut de candidat à l’adhésion à l’UE ». Elle salue également « les efforts de réforme de l’Ukraine en ces temps difficiles » et encourage Kiev « à poursuivre sur cette voie et à remplir les conditions spécifiées dans l’avis de la Commission sur sa demande d’adhésion pour progresser sur la voie d’une future adhésion à l’UE ».
Outre le discours habituellement tenu dans le cadre de l’adhésion à l’UE, des progrès sont également attendus dans des domaines tels que l’accès en franchise de douane pour les exportations ukrainiennes, l’accès à la zone d’itinérance de l’Union européenne et l’inclusion dans la zone de paiement en euros.
Les deux parties devraient également signer un protocole d’accord sur un partenariat stratégique dans le domaine des énergies renouvelables.
La Commission n’a pas encore publié d’ordre du jour pour ses consultations avec le gouvernement ukrainien, mais le financement de l’Ukraine et de sa reconstruction, la demande d’adhésion du pays à l’Union européenne et les nouvelles sanctions éventuelles contre la Russie devraient être abordés.
Le discours sur l’adhésion
Les ambassadeurs de l’UE devraient se mettre d’accord sur la version finale du communiqué du sommet mercredi (31 janvier).
Toutefois, quatre diplomates européens ont confié à EURACTIV que, ces dernières semaines, les États membres se sont engagés dans une querelle concernant la formulation du passage relatif à la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, jugée trop positive par certains.
La Pologne, les trois pays baltes et l’Ukraine ont fait pression pour une formulation qui laisserait entendre que la demande d’adhésion de Kiev peut être accélérée.
« Ce que nous attendons du sommet, ce sont des encouragements pour l’Ukraine et une évaluation claire des progrès qu’ils ont réalisés », a déclaré un diplomate européen d’un pays de l’Est à EURACTIV.
« Bien qu’il ne s’agisse que d’une déclaration, les mots comptent, c’est pourquoi nous faisons pression pour une version plus encourageante du texte », a-t-il ajouté.
La Commission européenne a recommandé l’octroi du statut de candidat pour l’Ukraine en juin, à condition que Kiev entreprenne une série de réformes législatives et politiques.
Ces recommandations, au nombre de sept, prévoyaient notamment l’adoption d’une législation relative à un processus de sélection des juges de la Cour constitutionnelle du pays sur une base concurrentielle, le renforcement de la lutte contre la corruption, l’harmonisation de la règlementation des médias avec les normes européennes et la protection des minorités nationales.
Kiev a progressé sur les réformes au cours des derniers mois et les dirigeants ukrainiens ont exprimé l’espoir que leur pays puisse rejoindre l’Union européenne dans un avenir proche, voire dans les deux prochaines années.
Mais malgré la décision d’accorder à Kiev le statut de candidat en juin dernier, la perspective d’une adhésion rapide semble encore lointaine.
« Un grand nombre de grands États membres n’accepteront pas un discours trop positif — notamment parce que ce discours a été convenu il y a un mois à peine, donc personne n’est prêt à rouvrir la discussion difficile que nous venons à peine de clore », a expliqué un diplomate européen à EURACTIV.
Plusieurs diplomates ont déclaré que le discours du projet de déclaration est devenu « trop tourné vers l’avenir aux yeux de certains États membres plus sceptiques, avec une marche arrière attendue de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne, des Pays-Bas, du Portugal, du Danemark et de la Belgique ».
L’année dernière, le président français Emmanuel Macron a déclaré qu’il faudrait peut-être des « décennies » avant que l’Ukraine ne puisse rejoindre l’Union européenne, et même les dirigeants européens les plus favorables à l’adhésion admettent que Kiev a encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir rejoindre le bloc.
Les États membres les plus sceptiques considèrent que la référence aux « progrès considérables » est trop prématurée et qu’elle « anticipe les étapes normales du processus d’adhésion », étant donné qu’aucune évaluation officielle des progrès de l’Ukraine n’a encore été présentée.
Ils préféreraient s’en tenir au discours du Conseil européen de juin et au processus convenu, selon lequel la Commission européenne doit fournir une mise à jour intermédiaire des progrès réalisés par l’Ukraine pour satisfaire aux sept exigences fixées par l’UE pour entamer les négociations d’adhésion.
Cette mise à jour viendrait s’ajouter à l’évaluation régulière effectuée dans le cadre du paquet annuel de la Commission sur l’élargissement, publié au mois d’octobre, où de nouvelles recommandations sont susceptibles d’être ajoutées.
Lors de discussions privées, les fonctionnaires de l’UE travaillant sur le dossier ont noté que l’Ukraine avait bien progressé dans la promulgation d’une nouvelle loi sur les médias et dans l’avancement des nominations clés au Bureau du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption du pays.
« Considérant qu’il s’agit d’un pays en guerre, ils ont effectivement fait un effort colossal pour réaliser ce que le processus d’élargissement exige d’eux », a confié un fonctionnaire de l’UE au fait du dossier à EURACTIV.
Si l’Ukraine a annoncé une réforme de la Cour constitutionnelle et des modalités de nomination des juges, la Commission de Venise s’inquiète toujours des pouvoirs et de la composition du groupe consultatif d’experts, l’organe qui sélectionne les candidats à la Cour.
« Des lacunes subsistent en ce qui concerne l’État de droit et l’alignement du système judiciaire, ainsi que la lutte contre la corruption, certaines réformes devant probablement faire l’objet d’un alignement plus poussé sur la législation de l’UE à un stade ultérieur », a ajouté le fonctionnaire européen.
À cette fin, le projet de déclaration du sommet devrait indiquer que « la réforme de la Cour constitutionnelle et la procédure de sélection de juges constitutionnels politiquement indépendants et qualifiés restent essentielles pour renforcer la résilience de l’Ukraine ».
[Édité par Anne-Sophie Gayet]