Les États membres vont repousser à septembre la décision d’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord et de l’Albanie. Toutes les capitales sont prêtes à donner leur feu vert à Skopje, mais pas encore à Tirana.
L’année dernière, les États membres se sont accordés à ce que l’UE décide ce mois-ci de lancer les négociations d’adhésion des deux pays. La crédibilité de l’UE dans les Balkans occidentaux et au-delà est donc mise à l’épreuve.
En mai, la Commission a recommandé de lancer les négociations, étant donné que la Macédoine du Nord et l’Albanie ont rempli tous les critères. Une fois les négociations enclenchées, le processus durera plusieurs années et même après cela, l’adhésion n’est pas garantie.
Le Conseil des affaires générales ne prendra pas la décision le mardi 18 juin, comme prévu, l’Allemagne n’étant pas prête à prendre position à cause d’un processus interne en cours dans son parlement.
Par conséquent, les responsables européens et diplomates ont décidé de repousser la décision, probablement à septembre.
Dans le même temps, un consensus est en train d’émerger pour donner le feu vert à la Macédoine du Nord, alors que l’Albanie lutte pour obtenir l’unanimité nécessaire parmi les 28, assurent les sources. Skopje est particulièrement encensée pour avoir conclu un accord historique avec la Grèce sur son nom. Un conflit qui bloquait tout progrès depuis des années.
Selon un diplomate, parmi la majorité de pays favorables à une issue positive (environ 15 gouvernements), seule l’Italie souhaite ne pas dissocier les perspectives d’adhésion des deux pays des Balkans.
Séparation
Dissocier les deux processus d’adhésion est pourtant de plus en plus probable puisque les plus sceptiques envers l’élargissement, notamment l’Allemagne et les Pays-Bas, sont prêts à donner leur bénédiction à la Macédoine du Nord, mais pas à l’Albanie.
Le 12 juin dernier, le parlement néerlandais a adopté une résolution très critique envers l’Albanie, notamment sur la corruption et le crime organisé. Aucune inquiétude n’a cependant été soulevée concernant la Macédoine du Nord.
Lors d’une discussion « longue et difficile » sur le sujet entre les ambassadeurs européens la semaine dernière, le gouvernement néerlandais a confirmé qu’il s’opposait à l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Albanie.
Seule la France, autre grande opposante à l’élargissement, considère encore sa position. Un diplomate français a déclaré que le pays réfléchissait encore à suivre la position néerlandaise concernant la Macédoine du Nord. Dans le cas de l’Albanie, ouvrir le processus est encore « prématuré », a ajouté la source.
Paris, et notamment Emmanuel Macron, insiste sur le fait que l’UE doit d’abord devenir plus forte avant de devenir plus grande.
Dans une interview exclusive avec Euractiv la semaine dernière, le président de la Macédoine du Nord, Stevo Pendarovski, a reconnu que le « plus grand problème » était de dissocier les deux pays.
Le Premier ministre albanais, Edi Rama, s’est aussi rendu à Bruxelles la semaine dernière pour confirmer que son pays était prêt. « Je pense qu’il est temps que l’Europe fasse ce que nous attendons d’elle après avoir rempli nos obligations. Elle doit reconnaître notre mérite et nous donner le feu vert pour les négociations d’adhésion », a-t-il assuré après une rencontre avec le président de la Commission, Jean-Claude Juncker.
Quand ?
L’autre grande question est de savoir quand les États membres prendront leur décision. Les ambassadeurs devaient travailler jusqu’au 17 juin sur la formulation des conclusions du Conseil des affaires générales.
Une majorité de pays, la Commission et le Service européen d’action extérieure sont favorables à l’ouverture du processus le plus tôt possible. Mais la France, les Pays-Bas et le Danemark assurent qu’ils ont besoin de plus de temps pour évaluer l’opinion de l’exécutif européen avant de prendre une décision.
La formulation des conclusions devrait donc parler d’une date d’ouverture « le plus tôt possible », « pas plus tard qu’en septembre ». Pour les pays, en faveur d’un élargissement, ne pas inclure de date précise est inacceptable car « trop vague ».
Encore plus de pression
Pendant ce temps, un groupe de 13 pays (Estonie, Lituanie, Lettonie, République tchèque, Pologne, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie, Italie, Autriche, Croatie, Slovénie et Malte) a publié un communiqué conjoint le 11 juin afin de réaffirmer l’engagement de l’UE envers l’intégration européenne des Balkans occidentaux.
La Suède, la Grèce et le Royaume-Uni, qui n’ont pas signé la lettre, ont également défendu l’ouverture des discussions d’adhésion de Skopje et Tirana lors des discussions de la semaine dernière entre les ambassadeurs européens.
La Suède a notamment déclaré que les conclusions du 18 juin devaient « énoncer clairement » quand une décision serait prise, pour montrer que les États membres tiennent leur promesse de l’année dernière.
L’élargissement et les négociations d’adhésion de ces deux pays devraient aussi être discutés par les dirigeants de l’UE en fin de semaine, lors du sommet européen. La France préfère attendre les conclusions du Conseil affaires générales pour décider d’inclure le dossier dans le programme du Conseil.
La majorité de pays favorable à l’élargissement considère que ne pas ouvrir les négociations d’adhésion entacherait la crédibilité de l’UE dans les Balkans occidentaux et au-delà. Ils craignent aussi que cela ne déclenche une nouvelle vague d’instabilité dans une région déjà volatile, où l’influence de la Chine et de la Russie ne cesse de croitre, à coups d’investissements et de propagande.