Grèce et Macédoine ont signé un accord préparant un changement de nom historique, qui clôt un conflit bilatéral et ouvre la voie de l’OTAN et de l’UE à Skopje.
« C’est une étape courageuse, historique et nécessaire pour nos peuples », a déclaré le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, le 17 juin, lors de la signature d’un accord enterrant la hâche de guerre entre Athènes et Skopje.
« Nous sommes ici pour refermer les blessures du passé et ouvrir la voie à la paix, à la fraternisation et à la croissance de nos pays, des Balkans et de l’Europe », a-t-il ajouté.
Zoran Zaev, le Premier ministre du pays qui sera à présent connu sous le nom de « Macédoine du Nord », n’était pas en reste : « nos deux pays doivent sortir du passé et investir dans l’avenir ». « En signant cet accord, nous avons vraiment déplacé des montagnes », a-t-il jugé, offrant sa cravate à Alexis Tsipras, qui a juré de n’en porter une que lorsque les difficultés du peuple grec auront cessé. La cravate a été soigneusement rangée, dans l’espoir qu’elle puisse être utilisée dans un avenir pas trop lointain.
The hug and the tie.
Historic agreement #NorthMacedonia ?????? @tsipras_eu @Zoran_Zaev @NikosKotzias @Dimitrov_Nikola @FedericaMog and @JHahnEU pic.twitter.com/TgeMpCkLpI
— Pablo Pérez ?? (@PabloPerezA) June 17, 2018
Tweet de Pablo Pérez : Une embrassade et une cravate. Accord historique pour la Macédoine du Nord.
Au moment où les deux ministres des Affaires étrangères signaient l’accord, des heurts éclataient entre des manifestants nationalistes et la police dans le village grec de Pisoderi à 25 km de là, alors qu’environ 500 manifestants tentaient de s’approcher du lieu de rencontre des dirigeants. Six policiers et six manifestants ont été blessés, selon la police.
Quelque 5 000 nationalistes s’étaient aussi rassemblés à Bitola, dans le sud-ouest de la Macédoine. Des affrontements ont par ailleurs éclaté entre manifestants et forces de l’ordre à Skopje.
Étape « courageuse »
L’accord marque le début de la fin du plus long conflit diplomatique au monde. Sa forme actuelle remonte à l’indépendance de la Macédoine, il y a 27 ans, mais la querelle existe en fait depuis des siècles.
Zoran Zaev et ses ministres sont arrivés en bateau dans le pittoresque village de pêcheurs de Psarades, sur la côte sud, grecque, du lac Prespa, la frontière naturelle entre les deux pays. Ils ont été accueillis par des applaudissements et moult signes d’amitié.
Les délégations se sont ensuite rendues côté macédonien pour un déjeuner, accompagnées de la sous-secrétaire générale de l’ONU pour les affaires politiques, Rosemary DiCarlo, du négociateur onusien qui suit les négociations depuis 1994, Matthew Nimetz, de la Haute Représentante de l’UE, Federica Mogherini, et du commissaire européen à l’élargissement, Johannes Hahn.
L’occasion a été rendue encore plus intime et festive par l’anniversaire de Matthew Nimetz, qui fêtait ce jour-là ses 79 ans. Le menu comportait donc un gâteau d’anniversaire.
« Il s’agit d’un jour historique », a déclaré Federica Mogherini. « Je pense que cela constituera une inspiration pour des avancées courageuses dans les Balkans et en Europe. »
Today's ????agreement will be good for citizens and the entire region. Just look at this breath-taking tri-state area w #Albania to see how much potential South East Europe has! Breaking down barriers benefits everyone. pic.twitter.com/327FRI0ZvY
— Johannes Hahn (@JHahnEU) June 17, 2018
Tweet de Johannes Hahn : L’accord d’aujourd’hui profitera aux citoyens et à toute la région. Cette incroyable zone où se côtoient trois pays, avec l’Albanie, montre bien le potentiel du sud-est de l’Europe ! Faire tomber les barrières, c’est bon pour tout le monde.
En pratique
Accusée par les Grecs d’usurper le legs de la Macédoine antique, incarné par Alexandre le Grand et son empire hellénistique, la partie macédonienne s’engage à y renoncer en acte, en « révisant le statut des monuments et bâtiments public ».
Les statues géantes d’Alexandre et son père Philippe érigées par la droite nationaliste au centre de Skopje devront notamment être assorties d’une plaque mentionnant qu’elles illustrent l’histoire grecque et témoignent d’une amitié partagée.
La future Macédoine du Nord devra aussi effacer toute représentation publique du « Soleil de Vergina », l’étoile à seize rayons emblème de la dynastie antique macédonienne. Le pays avait déjà dû faire des concessions sur ce symbole, dont il avait frappé son drapeau à son indépendance en 1991, réduisant l’étoile à six branches pour obtenir en 1995 la levée d’un blocus commercial grec.
La nationalité des ressortissants du petit État balkanique continuera d’être désignée comme « macédonienne » sur leurs papiers d’identité et passeports. Cette mention sera néanmoins suivie de la précision « /citoyen de Macédoine du Nord ».
Lesdits citoyens pourront continuer de parler le « macédonien », qui pour les Grecs est un dialecte issu du bulgare. Pour bien préciser que ce n’est pas dans cette langue que parlait Alexandre le Grand, l’accord précise qu’elle appartient au « groupe slave du sud », arrivé dans la région à partir du sixième siècle.
Les deux gouvernements se sont engagés à « encourager » les patronats et organisations de producteurs des deux pays à s’entendre sur les « noms commerciaux et marques ». Un groupe d’experts assistés de représentants de l’ONU sera formé pour les y aider.
Les consommateurs pourront ainsi choisir en toute connaissance de cause entre les biens fabriqués dans la future Macédoine du Nord et ceux de la province grecque frontalière de Macédoine, un grand centre économique des Balkans.
Le vin, mais aussi le halva dit « macédonien », une pâtisserie orientale préparée des deux côtés de la frontière, figurent parmi les produits concernés, selon le ministère grec des Affaires étrangères.