Dans quelques jours, le président réélu Emmanuel Macron nommera son nouveau Premier ministre chargé de la « planification écologique », comme l’avait annoncé le chef de l’Etat durant sa campagne. Un profil de rassembleur et d’expert qui ne sera pas facile à dénicher d’autant que les élections législatives pourraient rapidement rebattre les cartes.
Souhaitant accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, Emmanuel Macron, en meeting à Marseille pour sa réélection le 16 avril dernier, avait indiqué que son nouveau Premier ministre serait chargé de la « planification écologique ».
Il avait précisé qu’il pourrait, par ailleurs, s’appuyer sur un ministre de la « planification énergétique » et un autre « de la planification écologique territoriale ».
Concrètement, la mission du Premier ministre consistera, en plus de diriger la politique globale du gouvernement, à piloter la stratégie de transition écologique et à l’insuffler dans toutes les réflexions et toutes les actions des différents ministères. Objectif : aller deux fois plus vite dans la réduction des gaz à effet de serre.
« Comme l’a dit Emmanuel Macron, la politique écologique doit devenir “la politique des politiques” », rappelle Thierry Pech, directeur général du think tank Terra Nova, dans un échange avec EURACTIV France. « C’est-à-dire qu’elle doit s’inviter dans toutes les discussions gouvernementales pour s’assurer que tout décret, toute loi et bien sûr tout budget soit conforme à nos engagements climatiques et écologiques. »
Jean-Luc Mélenchon dans les starting-blocks
Dans quelques jours, Emmanuel Macron nommera librement un Premier ministre, conformément à la Constitution.
Un choix qui devrait toutefois être influencé par la pression populaire et notamment par le score de Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième avec 22% des voix au premier tour de l’élection, avec un programme qui a séduit l’électorat écologiste.
Ce dernier a appelé à se faire “élire” Premier ministre lors des législatives dans un Tweet publié le 25 avril : « Un autre monde est toujours possible avec les élections législatives. Vous pouvez le montrer en élisant une majorité de députés insoumis et en m’élisant Premier ministre. »
Les 12 et 19 juin, un autre monde est toujours possible avec les élections législatives. Vous pouvez le montrer en élisant une majorité de députés insoumis et en m'élisant Premier ministre. #Melenchon3eTour https://t.co/WrQTDbGJhA
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) April 24, 2022
Déjà, le 19 avril, sur BFM-TV, Jean-Luc Mélenchon avait déclaré : « Je serai le Premier ministre, pas par la faveur de M. Macron ou de Mme Le Pen, mais par les Français qui m’ont élu ».
Une telle nomination pourrait faire sens, étant donné la grande place laissée à l’écologie dans le programme Mélenchoniste, évalué “proche » des objectifs climatiques définis par les accords de Paris par les bénévoles des Shifters.
Cependant, une divergence de taille existe entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon : l’Europe. « Les affaires européennes sont traditionnellement un domaine partagé entre le Président de la République et le Premier ministre, rappelle Thierry Pech. Mais Jean-Luc Mélenchon a clairement déclaré son intention de désobéir aux traités européens, alors qu’Emmanuel Macron respecte scrupuleusement les règles du jeu européen. » Sur une telle base, la nomination de Jean-Luc Mélenchon paraît peu probable.
Autre opposant à Emmanuel Macron lors de l’élection : Yannick Jadot d’Europe Ecologie Les Verts (EELV), qui n’a rassemblé que 4,63% des suffrages au premier tour.
Interrogé sur France Inter le 26 avril à propos d’une éventuelle nomination, le leader du parti écolo estime que « les débauchages, ça ne sert à rien ». « Ce à quoi je crois en politique, ce sont les rapports de force ; il nous faut un groupe écologiste puissant à l’Assemblée nationale si nous voulons que la voix écologique soit portée » a poursuivi l’intéressé.
Des compétences techniques attendues
Alors qui d’autre pour ce poste de Premier ministre défenseur de l’écologie ? Plusieurs noms circulent déjà, comme celui d’Elisabeth Borne, actuellement ministre du Travail, ou de Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne.
Pour Thierry Pech, c’est à la compétence que cela devrait se trancher. Car le poste requiert à la fois une bonne connaissance des questions écologiques et économiques. L’écologie, « ce sont des dossiers souvent très techniques et il faudra agir très vite. On ne peut pas se permettre une période de rodage » prévient Thierry Pech.
Le directeur de Terra Nova évoque également le souci de l’adhésion des Français comme préalable pour mener à bien cette mission. Il faudra donc « mettre d’accord de nombreux acteurs économiques, sociaux, territoriaux » et « bâtir des consensus et des compromis pour avancer, c’est-à-dire de transformer sans fracturer ».
Le prochain Premier ministre devra « avoir un haut niveau de compétence sur les dossiers écologiques, une obsession des résultats concrets et un souci élevé de la cohésion sociale », résume le DG de Terra Nova.
Mais le “prochain” ne sera peut-être pas le “définitif”. Les législatives pourraient, en effet, changer la donne. Sans majorité à l’Assemblée nationale, le président de la République pourrait se retrouver dans une situation dite de cohabitation. En ce cas, il devra nommer un Premier ministre issu de la majorité en place ou capable de rallier suffisamment de députés pour constituer une majorité. Une situation qui pourrait rebattre sérieusement les cartes du gouvernement.
[Edité par Frédéric Simon]