Arnaud Montebourg : augmenter les impôts et attendre que la crise passe n’a jamais marché

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Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a rassemblé mercredi 23 octobre à Paris les ministres européens de l'Industrie à participer au club « Les Amis de l'Industrie ». Pour relancer la politique industrielle, le ministre propose avant tout de faire baisser l'euro. 

Il y a un an vous déclariez que Bruxelles entravait les entreprises européennes. Aujourd’hui vous réunissez à Paris les ministres européens de l’Industrie avec le commissaire européen en charge du secteur, Antonio Tajani. Que peut faire l’Europe pour ses entreprises ?

 

Les règles de l’Europe sont des règles du monde d’avant. Nous devons dépasser ces règles obsolètes qui ne correspondent pas à une économie globalisée. Elles ont été créées, notamment les règles de la concurrence, et les règles commerciales, pour créer un marché unique. Mais elles ont aussi contribué à éviter l’émergence de champions européens, et c’est là qu’il y a un vrai problème. Il n’y a qu’à regarder les capitalisations boursières des groupes de télécoms européens par rapport à celle de l'américain Verizon. L’Europe a organisé la balkanisation de ses entreprises à force de faire la chasse aux aides d’État. Ce fut une politique aussi stupide que contre-productive.

 

Comment l’Europe peut-elle redresser la barre ?

 

Dans une économie mondialisée, on constate que les grands blocs soutiennent leur industrie. Nous devons faire de même au lieu de reprocher aux États de subventionner leurs industries.

 

L’Europe n’a pas hésité à injecter 500 milliards d’euros dans ses banques pour sauvegarder le système financier. C’est d’ailleurs ce qui a créé des montagnes de dettes que nous devons gérer aujourd’hui. Et l’industrie a eu zéro.

 

Désormais nous avons besoin d’une politique qui favorise les alliances et les ententes industrielles, au lieu de les dénoncer. C’est pour cela que nous lançons avec le commissaire Antonio Tajani le club des « Amis de l’Industrie » : avec d’autres ministres de l’industrie européens, nous allons œuvrer en faveur de la ré-industrialisation de l’Europe.

 

Comment allez- vous vous y prendre ?

 

Et bien la monnaie européenne est trop forte, elle est trop chère. Il faut modifier la politique monétaire de toute urgence. La relance de l’industrie passe par une monnaie permettant aux produits européens d’être concurrentiels sur les marchés internationaux, ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Et pour cela il n’y a pas de mystère, il faut pratiquer une politique monétaire plus souple et injecter de l’argent dans l’économie.

 

Les politiques budgétaires et monétaires menées par la Commission européenne sont catastrophiques. Augmenter les impôts et attendre que la crise passe, ça n’a jamais marché. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est un grand économiste, Joseph Stiglitz : aucune économie n’est jamais sortie de la crise sans utiliser la politique monétaire. Aujourd’hui nous voyons le Japon, les États-Unis sortir de la crise petit à petit, et en Europe il n’y a pas de croissance !

 

Sur quels secteurs doivent se concentrer les efforts de l’Europe en matière de politique industrielle ?

 

Il y a de nombreux secteurs comme l’énergie, les télécoms, les énergies renouvelables, qui seraient très appropriés. Il y a aussi l’armement, avec l’idée d’un drone européen. Alors que les États-Unis nous écoutent massivement, il est temps de riposter dans ce domaine de façon sérieuse.

 

L’Europe discute actuellement avec les États-Unis un accord de libre-échange, est-ce une bonne chose ?

 

Il vaut mieux avoir un accord bilatéral que de fonctionner avec les règles ultra libérales de l’Organisation mondiale du commerce, même si la France doit être très vigilante sur le contenu de cet accord. Et il ne faut pas précipiter les choses, d’autant que la population est très sensible à ce genre de sujet. Si un accord précipité était signé, la colère des citoyens se manifesterait sûrement dans les urnes lors des élections européennes en mai prochain.

 

À l’approche des élections européennes, la gauche européenne semble opter pour la candidature de l’allemand Martin Schulz comme tête de liste du Parti socialiste européen. Qu’en pensez-vous ?

 

En 2004, les socialistes portugais et espagnols se sont alliés pour contribuer à l’élection d’un homme de droite, José Manuel Barroso, pour défendre leurs intérêts régionaux. Et au final on constate que ce fut une catastrophe ! Donc j’ai un point de vue très politique de cette élection. Il faut élire une nouvelle équipe qui soit politiquement engagée pour redresser l’Europe en utilisant les outils monétaires et budgétaires. Je ne suis pas le seul à le penser. À droite aussi certains politiques penchent pour cette solution.

 

Pensez-vous vous présenter à cette élection comme Vincent Peillon, le ministre de l’Éducation nationale, l’envisage ?

 

Je ne me présente à aucune élection, je suis tout à ma tâche au ministère du Redressement productif.

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