La politique du médicament devrait rester dans le giron du commissaire à la santé

Les parlementaires refusent que les produits de santé soient considérés comme des marchandises (Credit: [AMA]/Shutterstock)

Jean-Claude Juncker a fait machine arrière en concédant aux eurodéputés le maintien des politiques des produits de santé sous la houlette du commissaire à la Santé, plutôt que sous celle du commissaire à l’Industrie, comme il en avait l’intention.  

Face à la fronde  de plusieurs personnalités politiques et ONG, le futur patron de la Commission, Jean-Claude Junker semble avoir abandonné l’idée de rattacher l’Agence européenne des médicaments (EMA) et la politique relative aux produits de santé à la Direction générale Entreprises et industrie (DG ENTR).

Depuis 2009, les produits de santé étaient placés sous l’égide de la Direction générale de la Santé et des consommateurs (DG SANCO).

Mais dans la nouvelle répartition des portefeuilles orchestrée par Jean-Claude Juncker, c’est El?bieta Bie?kowska, la future commissaire en charge du Marché intérieur, de l’Industrie, de l’entreprenariat et des PME, qui se retrouvait en charge « de maintenir le leadership mondial de l’Europe dans des secteurs stratégiques » comme les industries pharmaceutiques. 

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Juncker cède aux pressions                                                             

À la suite de tractations sur la composition de la future Commission, notamment dans le cadre des auditions des commissaires désignés, les parlementaires européens ont réussi à faire pression sur Jean-Claude Juncker. Ceux-ci acceptent de soutenir le collège des commissaires s’il accepte certaines contreparties dont la redistribution des tâches entre les portefeuilles. Le président Juncker a ainsi accepté de faire quelques concessions, notamment sur la question des produits de santé et de l’EMA.

Pour le moment, il ne s’agit que d’une promesse, en particulier auprès des présidents au sein du Parlement européen. Ainsi dans un communiqué du 6 octobre, le président du Groupe de l’Alliance progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, Gianni Pittella a indiqué avoir « obtenu une redistribution des tâches et un retour de la plupart des produits de santé à la DG SANCO ».

« On aime à penser que la parole sera tenue », explique Emmanuel Foulon, porte-parole de l’eurodéputé S&D Marc Tarabella. Cependant le groupe des socialistes reste mobilisé jusqu’à une communication officielle de la Commission européenne sur le sujet.

Suite à cette annonce, la directrice générale du Bureau européen de défense des consommateurs (BEUC), Monique Goyens, s’est montrée confiante dans un communiqué. « Si elle est confirmée, cela signifie que nos efforts ont porté leurs fruits. La législation relative aux questions pharmaceutiques en Europe doit être mise dans les bonnes mains. Après tout, la santé des consommateurs est un droit, pas une marchandise », considère la directrice.

Un mauvais symbole selon les groupes politiques

Plusieurs personnalités politiques se sont mobilisées contre le projet de Jean-Claude Juncker. Pour le groupe socialiste, il s’agissait d’un « symbole assez mauvais ». Le risque est que les dossiers législatifs soient regardés d’un point de vue économique et industriel avant de voir le danger de santé potentiel et le regard citoyen », explique Emmanuel Foulon.

Pour Monique Goyens, un tel transfert de compétences aurait transmis le message que « la Commission européenne fait passer les profits avant les patients ».

« Il était pour nous inconcevable que la Commission assimile les patients à des clients, et les médicaments à de simples marchandises », considère Marc Tarabella dans un communiqué. Il estime en particulier que cette décision a été « dictée par les intérêts industriels et économiques au détriment des citoyens européens et de la santé publique ».

De même, le groupe des Verts/ALE s’est engagé afin « d’empêcher la politique du médicament de devenir un enjeu plus commercial que sanitaire », indique l’eurodéputée Michèle Rivasi dans un communiqué. « Cela revenait à traiter avec un œil industriel pouvant orienter les débats surtout quand on sait que les lobbies font beaucoup de pression », explique Emmanuel Foulon.

L’influence des lobbies critiquée 

« Le lobbying de l’industrie pharmaceutique n’a pas porté ses fruits grâce à la réactivité des parlementaires européens mais aussi grâce au plaidoyer efficace des associations de patients auprès de la Commission européenne », affirme Michèle Rivasi.

Sans être toujours réellement nommée, c’est en effet la crainte de la progression de l’influence des lobbyistes sur les décisionnaires qui apparaît en filigrane. Les entreprises pharmaceutiques font en effet tout pour protéger leurs intérêts. Elles organisent des campagnes de publicité, elles sponsorisent des événements ou encore elles rencontrent les décideurs pour influencer leurs décisions.

Même si les parlementaires reconnaissent l’utilité des lobbyistes pour se faire un avis sur les sujets, leur pressions peuvent mettre en danger l’indépendance d’organisme indépendant comme l’Agence européenne des médicaments.

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Durant le second mandat de José Manuel Barroso, la DG Sanco dédiée à la santé publique a récupéré de la DG entreprises et industrie (DG ENTR) la gestion des questions liées aux médicaments et aux dispositifs médicaux. La DG ENTR et industrie était jusqu’alors responsable de la promotion et du soutien de tous les secteurs industriels, notamment de l'industrie pharmaceutique. Cette décision a été apportée afin d'apporter une attention particulière au sein même de la Commission sur les médicaments et d’en faire un pilier central de la politique européenne en matière de santé.

Au sein de la prochaine Commission, sous la houlette de Jean-Claude Juncker, la gestion des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux devait revenir à la DG ENTR.

1er novembre 2014 : date butoir pour l'entrée en fonction de la nouvelle Commission

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