Dans une tentative de contrer un recul attendu au Parlement européen, les Verts misent sur l’élargissement de leur base démographique et géographique, a expliqué leur tête de liste pour les élections européennes, Terry Reintke, lors d’un entretien avec Euractiv.
En perte de vitesse depuis le succès de 2019 où ils étaient devenus le quatrième groupe au Parlement européen — derrière le Parti populaire européen (PPE), les Socialistes et Démocrates (S&D) et les libéraux de Renew — les Verts ne se découragent pas pour autant.
Alors que les projections d’Europe Elects fin avril prévoyaient 48 sièges au terme du scrutin de juin contre 74 en 2019, les derniers sondages leur en attribuent 56.
Selon l’eurodéputée allemande Terry Reintke, coprésidente du groupe des Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE) au Parlement, cette légère augmentation reflète la mobilisation réussie de leur campagne, ce qui donne l’espoir qu’ils puissent répéter la « vague verte » de 2019.
« En 2019, la société civile, des plus jeunes aux plus âgés, s’est fortement mobilisée, nos électeurs se sont rendus dans les bureaux de vote et, au final, nous avons augmenté le nombre de nos sièges [par rapport aux projections]. »
Avant les élections de 2019, les sondages donnaient entre 50 et 60 sièges aux Verts, qui en ont finalement obtenu 74.
Aujourd’hui, face au risque de perdre de l’influence au sein de l’hémicycle européen en raison de la montée attendue de l’extrême droite, les Verts se sont concentrés sur la mobilisation de leurs jeunes électeurs et sur l’attraction de nouveaux électeurs.
De nouvelles régions
Terry Reintke a mis en avant les efforts déployés pour séduire les électeurs dans des territoires où les Verts ne sont pas bien représentés.
« Au cours des cinq dernières années, nous avons accueilli de nombreux nouveaux partis membres d’Europe du Sud et de l’Est », a-t-elle déclaré. « Nous espérons que cela portera ses fruits lors de ces élections. »
Alors que les Européens de l’Est et du Sud représentent la moitié de la population de l’UE, ils constituent moins d’un cinquième des législateurs écologistes. En comparaison, près de 60 % des législateurs du PPE de centre droit sont originaires de ces régions.
L’eurodéputée a souligné que certains des thèmes traditionnels des Verts coïncidaient avec les questions les plus pressantes des campagnes électorales en Europe de l’Est.
« En Europe de l’Est, la lutte contre la corruption et pour l’État de droit et la démocratie est la plus importante, surtout en ce qui concerne l’agression russe [en Ukraine]. »
Toutefois, les 11 nouveaux partis écologistes du sud et de l’est de l’Europe qui ont adhéré au cours des cinq dernières années n’auront que peu de poids sur le résultat global, puisque la Lettonie, la Croatie, l’Espagne et la Lituanie ne devraient obtenir qu’environ cinq sièges supplémentaires.
De nouveaux messages
Les Verts ont toujours eu plus de succès auprès des électeurs aux revenus plus élevés. L’Allemagne, pays natal de Mme Reintke, en est l’exemple parfait.
Lors des dernières élections nationales, les Verts sont arrivés en troisième position dans les régions de l’ex-Allemagne de l’Ouest, économiquement plus prospère, mais en dernière position dans l’est du pays.
Après des controverses sur les coûts élevés des politiques environnementales, notamment en Allemagne, la coprésidente des Verts a indiqué que son parti « se concentre davantage » sur l’établissement d’un lien entre la protection du climat et la justice économique. Elle a par exemple cité l’idée d’introduire une « bourse européenne du climat » pour les citoyens afin de compenser les prix plus élevés des émissions de carbone.
Cependant, la situation sur le terrain en dehors des bastions traditionnels des Verts reste difficile, car ils doivent s’attaquer à des structures de pouvoir bien ancrées et à des préjugés à l’encontre du parti et des politiques environnementales.
Sergey Lagodinsky, eurodéputé écologiste allemand qui mène la campagne dans le Brandebourg, au centre de l’ancienne région de l’Est, en a fait l’expérience.
Il croit en la nouvelle orientation géopolitique des Verts, qui se manifeste le plus fortement dans les questions du soutien à l’Ukraine, de la coopération militaire et de l’OTAN, telles qu’énoncées dans leur manifeste.
« Notre orientation géopolitique et notre politique étrangère fondée sur des valeurs fonctionnent sans aucun doute en Europe de l’Est », a-t-il expliqué à Euractiv en marge d’un évènement de campagne à Potsdam, dans le Brandebourg.
Toutefois, la concurrence se profile, car le créneau de la politique de sécurité est depuis longtemps occupé par des partis tels que le parti Droit et Justice (PiS) d’extrême droite en Pologne, a-t-il poursuivi.
« Dans l’ensemble, je constate qu’il y a encore des progrès à faire en termes de connexion avec le centre de la société en Europe de l’Est », a reconnu M. Lagodinsky, ajoutant qu’il en allait de même dans certaines parties de l’Allemagne de l’Est.
Dans l’est de l’Allemagne, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite, est arrivée en deuxième position lors des élections nationales, tandis que les Verts peinent encore à gagner du terrain, certains d’entre eux ayant subi des agressions physiques pendant la campagne.
Mais M. Lagodinsky pense qu’il peut au moins contrer les attitudes hostiles à l’égard des Verts en cherchant à établir un contact avec les citoyens pendant la campagne.
Séduire les jeunes
Les Verts n’ont pas non plus oublié leur groupe cible clé qui a en partie mené la « vague verte » de 2019.
Ils ont redoublé d’efforts pour atteindre plus de 20 millions de primo-votants, les générations Z et Y, avec une campagne d’envergure sur les réseaux sociaux et plus de 3 000 bénévoles et influenceurs pour aider à diffuser le message du parti, a expliqué à Euractiv Sybren Kooistra, directrice de campagne des Verts.
Ils ont également créé des sites Internet accrocheurs tels que « Russian Roulette », où ils listent les controverses sur l’ingérence russe touchant les partis d’extrême droite tels que le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) et l’AfD allemande.
« Le thème principal de la campagne est le flirt des libéraux et des conservateurs [Renew et PPE] avec l’extrême droite. Pas l’immigration, pas l’austérité, pas la concurrence », a affirmé Mme Kooistra.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]