Selon le commissaire européen à la Justice, les conditions ne sont pas réunies pour que des élections « libres » et « légitimes » puissent avoir lieu en Pologne le 10 mai, en raison du coronavirus. Un article d’Euroefe.
Le commissaire a participé jeudi 23 avril à une séance de la commission des libertés civiles du Parlement européen. À cette occasion, il a rappelé que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme avait publié le 7 avril un communiqué de presse dans lequel il précisait que, dans la situation actuelle, où la circulation et la concentration du nombre de citoyens se trouvaient limitées, « une campagne électorale [était] pratiquement impossible ».
Il estime donc que les « élections [présidentielles prévues en Pologne], dans les circonstances actuelles, ne respecteront pas les normes internationales.»
« Il appartient aux États membres de décider de maintenir ou de reporter les élections dans le contexte actuel, mais leur décision doit respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international et de leur Constitution », a souligné Didier Reynders.
Le commissaire a également rappelé que la Commission de Venise, un organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles, la démocratie et les droits de l’homme, avait spécifié que les caractéristiques essentielles des lois électorales ne pouvaient être modifiées moins d’un an avant les élections.
« Ce principe ne pourrait être appliqué en Pologne car des changements vont avoir lieu », a poursuivi Didier Reynders. En effet, si la proposition du parti nationaliste-conservateur au pouvoir, Droit et Justice (PiS), est adoptée, les citoyens polonais ne pourront se prononcer que par biais du vote par correspondance.
« Il est urgent de se préoccuper de l’État de droit »
Selon le commissaire belge, la situation en Pologne confirme « l’urgence d’aborder la question de l’État de droit dans le pays », car il s’agit d’un « problème politique moins visible qu’il ne devrait l’être » et qui pourrait avoir un « impact potentiel » sur le système judiciaire européen.
« La Commission européenne veut maintenir, avec les autorités polonaises, un dialogue fondé sur le respect », a ajouté Didier Reynders, qui a cependant fait part de sa « détermination à agir » sur cette question et à en informer la commission des libertés civiles du Parlement.
Par ailleurs, le 8 avril dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a demandé la suspension de la réforme judiciaire controversée que la Pologne a approuvée en 2017. Celle-ci soumet les juges de la Cour suprême et des tribunaux ordinaires à un régime disciplinaire. Didier Reynders a prévenu que le parlement polonais devait « immédiatement suspendre » l’application de ce règlement.
« L’arrêt de la CJUE est contraignant, entre en vigueur immédiatement et doit immédiatement être appliqué par l’État membre concerné », a souligné le commissaire, qui a rappelé que « personne ne [pouvait] remettre en cause les jugements du système judiciaire communautaire sur la base de la législation ou des jugements nationaux ».
Le commissaire a demandé au Parlement européen d’expliquer « pourquoi l’État de droit est si important », car « si l’on porte préjudice au système judiciaire en Pologne ou dans l’UE, la sortie de la crise sanitaire causée par le coronavirus sera beaucoup plus difficile pour l’ensemble de la société ».
« Je suis convaincu que la crise du COVID-19 soulèvera toutes sortes de questions juridiques de la part des citoyens et des entreprises, et pour relever ce défi, nous avons besoin d’un système judiciaire indépendant et qui fonctionne bien », a conclu Didier Reynders.