Depuis les élections de novembre 2018, les sondages polonais donnent toujours le parti PiS en tête, avec entre 30 et 40 % d’intentions de vote. Le plus grand parti d’opposition, PO, stagne à 22 %.
Piotr Kaczynski, ancien chercheur du Centre d’études des politiques européennes (CEPS), à Bruxelles, commente la politique polonaise sur son blog 2019EUelectionsPoland.com.
Les sondages de ces derniers mois reflètent bien les résultats des dernières élections en Pologne. La Plateforme civique (PO) reste le plus grand numéro deux, mais l’opposition a tendance à s’émietter. En l’absence d’alliance entre les les différentes forces anti-PiS, les européennes pourraient se solder par une véritable débâcle pour les pro européens.
Le parti .N (.Nowoczesna), qui a parfois rassemblé plus de soutien que PO, a presque disparu. Il compte encore quelques députés libéraux à la Diète, l’assemblée polonaise. Seul, le parti n’a aucun avenir, mais il pourrait être une valeur ajoutée précieuse pour PO.
Dans le passé, la coalition des deux partis avait permis de rassembler 26 % des voix. Aujourd’hui, ils en totaliseraient un peu moins, 24 %. Les choses ne sont cependant pas au beau fixe entre les deux partis depuis que des députés .N ont fait défection pour rejoindre les rangs de la Plateforme.
Ailleurs, l’heure de gloire du Parti paysan polonais (PSL) et de l’Alliance de la gauche démocratique semble passée, même si le premier compte encore 16 élus à la Diète et quatre au Parlement européen et le deuxième trois au Parlement européen.
À l’automne 2018, Droit et Justice (PiS), le parti au pouvoir, a mené une campagne visant à éradiquer tout soutien au PSL dans les régions rurales. Il n’y est pas parvenu, mais la base électorale du parti s’est tout de même rétrécie. En 2014, environ 24 % des membres des conseils régionaux, les Dièteik, appartenaient au PSL. En 2018, ce nombre est passé à 12 %.
Le dirigeant du parti paysan, Władysław Kosiniak-Kamysz, reste cependant le faiseur de rois des élections européennes. Il devrait décider très prochainement que faire en termes d’alliances. En décembre, il n’avait fermé aucune porte : « nous sommes prêts à faire cavalier seul, mais n’excluons pas de discuter avec de potentiels partenaires ».
Le candidat est très populaire. Selon un sondage récent, il est le plus apprécié des têtes de file d’opposition : 26 % du public aimerait le voir devenir Premier ministre, alors que seulement 10 % ont cité le représentant de PO, Grzegorz Schetyna.
Avec le PSL, PO et .N pourraient défier le PiS. Et si le SLD se joignait à eux pour former ce que le PiS appelle « l’opposition totale », ils pourraient remporter la victoire.
Le SLD est un parti de gauche postcommuniste, qui peine à survivre, comme l’illustre son absence de la Diète. Il est particulièrement menacé par un nouveau parti Twój Ruch, mené par le militant pour les droits LGBT Robert Biedroń.
Grandes différences
La conviction que le gouvernement PiS a été destructeur pour le pays unit tous ces partis. Mais c’est le seul dénominateur commun : ils sont divisés sur tous les autres sujets.
PO est une formation de centre droit libérale, promarché et respectueuse de la relation entre l’État et l’Église. Le parti est surtout populaire parmi les Polonais aisés, urbains et éduqués.
.N est un groupe libéral, dont l’électorat est proche de celui de PO, mais qui se concentre davantage sur les questions d’égalité.
Le PSL représente les agriculteurs, alors que le SLD n’est plus soutenu que par les pans de la société proches de l’armée et les anciens membres du parti communiste (PZPR).
Le charme de l’inconnu
Lorsque Robert Biedroń, ancien député libéral et militant des droits des homosexuels, s’est présenté à la mairie de Słupsk, les experts et les partis politiques ne lui avaient pas donné beaucoup de chance.
Il a pourtant remporté la mairie en 2014. Et gagné du même coup le respect de la gauche polonaise. Sa popularité est liée à son statut de célébrité, dont peu de politiciens polonais jouissent. Il y a deux ans, lorsque les sondeurs avaient commencé à interroger les gens sur qui pourrait ou devrait être le chef d’État en 2020, 26 à 33 % de la population prononcait son nom. Il reconnait sans ambages aujourd’hui viser le poste de Premier ministre.
Il refuse en revanche de s’allier avec qui que ce soit. Les élections européennes trancheront. Il se dit proche d’Emmanuel Macron et critique tout autant PiS, PO et l’Église catholique.
Lorsque le président français cherchait de nouveaux partenaires en Europe, c’est son nom qui est apparu. Les coalitions transeuropéennes n’ont cependant pas été retenues. Avant que son parti ne rejoigne l’ADLE, les Verts ou tout autre groupe, il doit d’abord se confronter au vote du public.
La structure, l’argent et le buzz semblent être là. Mais l’expérience récente des partis créés sur la base de la popularité de leur chef – Palikot, Kukiz et Petru – montre que la flamme a tendance à être de courte durée.
Et le grand absent…
… c’est Donald Tusk, président du Conseil européen. Il est extrêmement populaire parmi l’opposition, mais il ne peut pas se présenter, puisque son mandat ne se termine qu’en décembre.
Le polonais le plus européen du moment semble néanmoins avoir quelque ambition. En décembre, des rumeurs se sont répandues à Varsovie selon lesquelles il y aurait un accord secret entre Donald Tusk et Grzegorz Schetyna, de la Plateforme civique.
L’une des options étudiées était que l’ancien Premier ministre termine son mandat européen trois mois plus tôt que prévu, juste à temps pour les élections de la Diète prévues pour la fin d’année.