« Le cercle vicieux de l’austérité » est rompu, a déclaré Alexis Tsipras dans la foulée de la victoire historique de Syriza lors des élections législatives anticipées en Grèce. Un article d’EURACTIV Grèce.
A l’issue des élections législatives anticipées en Grèce, qui ont vu triompher le parti d’extrême gauche Syriza, Alexis Tsipras a proclamé la fin de l’influence de la Troïka (FMI, de la Commission européenne, BCE). « Grâce au verdict du peuple grec, la Troïka fait à présent partie du passé pour notre cadre européen commun. » a-t-il affirmé.
Le chef de file de Syriza doit maintenant former le premier gouvernement de la zone euro à s’opposer ouvertement aux politiques d’austérité de la Troïka. Ilestime que le peuple grec lui a donné un mandat clair, fort et indiscutable.
La Troïka fait partie du passé
« La Grèce a tourné une page de son histoire. La Grèce laisse derrière elle l’autoritarisme, la peur et l’austérité destructifs. Elle laisse derrière elle cinq années d’humiliation et de douleur », a-t-il déclaré.
Syriza a obtenu 149 des 300 sièges du Parlement et a besoin de former une coalition gouvernementale. Le parti d’Alexis Tsipras a affirmé qu’il ne coopérerait pas avec les partis ayant contribué à l’austérité.
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Parmi les candidats potentiels figurait le parti anti-austérité des Grecs indépendants (13 sièges) ainsi que les centristes To Potami, une hypothèse qui aurait beaucoup plu à Guy Verhofstadt, chef de file de l’ADLE.
Au final, c’est avec la droite populiste des Grecs indépendants (ANEL), emmenée par Panos Kammenos, que Syriza a choisi de s’allier. Un partenaire jugé contre-nature par beaucoup, mais avec lequel Syriza partage une opposition fondamentale aux politiques d’austérité.
De son côté, le premier ministre sortant, le conservateur Antonis Samaras, a admis sa défaite. « J’ai dit la vérité au peuple grec, jusqu’au bout, et j’espère honnêtement que mes prédictions ne se confirmeront pas, mais je me devais de prévenir », a-t-il déclaré. L’ancien premier ministre estime que Syriza conduire la Grèce à un conflit ouvert avec l’UE et ses bailleurs de fonds internationaux.
Dans son discours après l’annonce des résultats du vote, il n’a exprimé aucune intention de démissionner en tant que chef de son parti, mais il semblerait que de nombreux membres du parti conservateur soient mécontents de la façon dont il a mené la campagne. « Comment aurions-nous pu remporter les élections en faisant peur aux électeurs ? », a indiqué un des cadres du parti à EURACTIV Grèce, sous couvert de l’anonymat.
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Main tendue des socialistes européens
Les résultats des élections grecques semblent avoir satisfait les socialistes européens. « Le peuple grec a clairement choisi de mettre un terme à l’austérité qui leur a été imposée par les diktats de la Troïka et a demandé un gouvernement lui apportant des politiques équitables, avec plus de justice sociale », a indiqué leur chef de file, l’Italien Gianni Pittella, ajoutant que la renégociation de la dette grecque, et en particulier l’extension de son renflouement, ne devrait plus être « un tabou ».
« Le groupe S&D est prêt à coopérer pleinement avec le nouveau gouvernement progressiste, qui devrait combattre farouchement l’évasion fiscale, l’évitement fiscal et la corruption », a-t-il souligné, insistant sur le fait que l’UE et ses États membres devaient tous respecter le choix grec.
Le président – socialiste – du Parlement européen, Martin Schulz, a félicité Alexis Tsipras pour ce qu’il a qualifié de « victoire historique […] grande réussite » lors d’un coup de téléphone.
Selon certaines sources, Martin Schulz a promis de rendre rapidement visite au nouveau premier ministre grec. « Je ferai tout ce qui est possible pour contribuer à l’élaboration d’une solution viable acceptée de tous », a-t-il ajouté.
La gauche radicale en fête
Dans toute l’Europe, les partis de gauche radicale se sont félicités de la victoire de Syriza. Selon Podemos, le parti en tête des sondages en Espagne, « les Grecs ont enfin un gouvernement, et pas un envoyé de Merkel ».
« Les politiques de coupes injustes et inefficaces ont été mises à bas par les citoyens, malgré une campagne centrée sur la peur. Le chantage n’a pas triomphé en Grèce… Il ne triomphera pas en Espagne non plus », soulignait Íñigo Errejón, figure de proue du parti espagnol. Des élections législatives auront lieu dans le courant de l’année en Espagne.
Sur Twitter, Die Linke, parti allemand de gauche, indique que la victoire de Syriza marque le début d’un « printemps européen ».
Inquiétude sur la renégociation de la dette
L’arrivée de Syriza a toutefois été prudemment accueillie en Allemagne et par les partis conservateurs à travers l’Europe, inquiet de la volonté du parti grec de renégocier le remboursement de la dette du pays.
En Allemagne, Jens Weidmann, président de la banque fédérale d’Allemagne, a déclaré que la Grèce devait respecter ses engagements budgétaires. « J’espère que le nouveau gouvernement ne remettra pas en question ce qui est attendu et ce qui a déjà été réalisé », précisait-il au micro de la chaine de télévision ARD.
Le président du PPE, Manfred Weber, a appelé Syriza à respecter les engagements du pays en termes d’austérité et de réforme. Ce n’est qu’à ce prix que « l’Europe sera solidaire de la Grèce », a-t-il ajouté. Selon lui, les contribuables européens ne sont pas prêts à payer pour les promesses de campagnes d’Alexis Tsipras.
Plus d’enthousiasme en Italie
« La victoire de Syriza en Grèce est de fait une victoire importante. À présent il faudra voir les propositions d’Alexis Tsipras. Nous comptons sur cette opportunité pour continuer le changement que nous avons commencé en Europe, en faveur de la croissance, de l’investissement et de la lutte contre le chômage », a déclaré Sandro Gozzi, ministre aux Affaires européennes.
Le gouvernement italien « respecte » le choix du peuple grec et est « prêt à collaborer avec le nouveau gouvernement grec ». L’Italie serait pourtant parmi les pays les plus touchés en cas de défaut de paiement de la Grèce, rapporte EURACTIV Italie.
Selon les estimations de Bloomberg, entre les prêts bilatéraux et sa participation au fonds du mécanisme européen de stabilité (MES), à la BCE et au FMI, un défaut de la Grèce coûterait environ 40 milliards d’euros à l’Italie. L’Allemagne et la France seraient encore plus touchées par un défaut de payement, puisque ce chiffre grimpe à respectivement 60 et 46 milliards d’euros pour Berlin et Paris.
Environ 62 % de la dette grecque a été avancée par les gouvernements de la zone euro, 11 % de fonds de la BCE et 10 % du FMI. En outre, les gouvernements de la zone euro sont exposés à hauteur de 195 milliards d’euros suite à des prêts bilatéraux engagés au moment du premier plan de sauvetage de 2010 et de fonds élargis dans le cadre du MES. Ils ont de plus soutenu la Grèce en fonction de leur participation via la BCE (12,3 % pour l’Italie) et le FMI (3,2 %).
Les analystes excluent cependant que la panique ne s’empare des marchés, notamment parce que la participation de fonds privés à la dette grecque ne s’élève plus qu’à 17 % du total de la dette grecque et parce que la BCE vient de lancer un programme de rachat de la dette souveraine dans la zone euro.
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La discussion qui doit s’ouvrir quant à la dette grecque, promesse phare d’Alexis Tsipras, se déroulera donc entre gouvernements et institutions européennes, et non, comme en 2010, avec des banques privées. Le risque de contagion est donc considérablement réduit et l’impact sur la zone euro devrait être limité. Syriza a d’ailleurs indique ne pas vouloir sortir de l’euro, et il devra trouver un compromis avec ses créditeurs, ne fusse que pour ne pas voir les titres grecs exclus des rachats de la BCE.
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