Mouvement radical devenu parti sérieux, les Verts allemands sont aujourd’hui aux portes d’une coalition gouvernementale outre-Rhin. Dans son dernier décryptage, Sébastian Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors, explique comment leur arrivée au pouvoir serait accueillie à Paris et Bruxelles.
A moins de trois semaines des élections législatives en Allemagne, le 26 septembre prochain, l’après-Merkel reste plus que jamais incertain. Entre la montée en puissance inattendue des sociaux-démocrates (SPD), la chute historique des chrétiens-démocrates (CDU) de la chancelière sortante dans les sondages et l’affaiblissement de la candidate verte (Die Grünen) autour d’une série de faux-pas l’été dernier, le scrutin se resserre : désormais, même si plusieurs coalitions à deux restent possibles, une coalition à trois partenaires sera nécessaire pour garantir sa majorité absolue.
Une coalition dont les Verts souhaitent faire partie : si sa candidate Annalena Baerbock ne pourra très probablement plus prétendre au poste de chancelière, le parti n’a pas lâché sa volonté de participer au nouveau gouvernement fédéral.
S’il faudra évidemment attendre plusieurs mois avant de connaître le résultat des négociations de coalition et donc la composition du futur gouvernement allemand, une chose est certaine : l’élection en Allemagne aura un impact sur la coopération franco-allemande, tout comme sur l’intégration européenne.
A Paris, « on attend une Allemagne prête à sortir de sa zone de confort »
A Paris, l’arrivée des Verts au gouvernement serait en tout cas bien accueillie, selon Sébastian Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors et co-auteur du décryptage « Quelles ambitions pour les Verts allemands ? » paru fin août et présenté ce mercredi (8 septembre) lors d’une séance d’« Euroquestions ».
Les ambitions des Verts allemands seraient en phase avec celles du gouvernement français actuel, notamment en termes de politique européenne et budgétaire, explique M. Maillard. Après 16 années d’Angela Merkel, « on attend désormais une Allemagne prête à sortir de sa zone de confort et du statu quo ».
Si les visions divergent sur la nucléaire ainsi que la politique migratoire, « une entente avec les Verts est jugée aisée et stratégique sur les questions économiques européennes pour pérenniser la relance budgétaire européenne et pour réviser le Pacte de stabilité », selon le chercheur.
Vers un « changement d’échelle » au niveau européen ?
A Bruxelles aussi, la participation du parti – écologiste et profondément pro-européen – serait la bienvenue, poursuit-il. Quelle meilleure dynamique pour la mise en œuvre du Pacte vert qu’une coalition à composante verte aux manivelles de la première puissance d’Europe ?
Pas de doute, au niveau européen, l’arrivée des Verts au pouvoir serait « déterminante » et signifierait un véritable « changement d’échelle », explique M. Maillard : non seulement les Verts européens « joueraient davantage dans la cour des grands », mais la participation au pouvoir des Grünen en Allemagne « renforcerait des candidatures vertes ailleurs, comme en Hongrie, celle du maire écologiste de Budapest, Gergely Karacsony, face à Viktor Orbàn en 2022 », selon le chercheur.
Toutefois, en attendant la formation du prochain gouvernement allemand – les négociations pourront durer jusqu’à Noël, voire après – la coopération franco-allemande risque de se voir fortement perturbée, rappelle M. Maillard. D’autant plus que la nouvelle coalition devrait faire son entrée en scène au moment où la campagne électorale en France battra son plein.
Et : si l’arrivée des Verts au gouvernement allemand est une option très sérieuse, plusieurs formations de coalitions sans eux sont également envisageables. Pour sa part, le parti des libéraux (FDP) a lui aussi exprimé sa volonté de participer à nouveau au pouvoir. Un retour « redouté » à Paris, explique M. Maillard, en raison de l’attitude « intransigeante » du parti sur les questions économiques et budgétaires au niveau européen.
En revanche, rien à craindre quant aux franges radicales de l’éventail politique outre-Rhin : ni l’extrême-droite (AFD) – fragilisée par des divisions internes et misant sur une sortie de l’UE alors même que « l’engagement européen est très ancré dans la population allemande » –, ni l’extrême-gauche (Die Linke) peuvent aujourd’hui prétendre à une participation au gouvernement, hors grande surprise dans le cas de la gauche, selon le chercheur.
Dans tous les cas de figure, y compris les Verts ou pas, il y aura donc au moins une bonne nouvelle pour Paris et Bruxelles : la future coalition européenne sera sans aucun doute pro-européenne.