Selon les sondages, le mouvement d’extrême droite du Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) pourrait arriver en tête des élections nationales du dimanche 29 septembre, au coude-à-coude avec le Parti populaire autrichien (ÖVP). Mais il lui sera compliqué d’emporter le Chancellerie.
Le FPÖ (Patriotes pour l’Europe) a déjà fait partie de coalitions gouvernementales à des niveaux régional et national, mais n’a encore jamais remporté de victoire lors d’une élection nationale ni vu l’un de ses membres occuper le poste de chancelier — ce qui pourrait changer à l’issue des élections dimanche 29 septembre.
« Nous écoutons attentivement les gens. Nous ne changeons pas d’avis tous les jours », souligne pour Euractiv l’eurodéputée du FPÖ Elisabeth Dieringer, qui se réjouit des bonnes projections de son parti dans les sondages. « C’est pourquoi nous atteignons le cœur des gens ».
Lors des élections européennes de juin, le FPÖ était déjà arrivé en tête avec 25,4 % des voix, devançant de peu l’ÖVP (Parti populaire européen/PPE) qui avait obtenu 24,52 % des suffrages.
Le FPÖ s’efforce depuis 2019 de redorer son blason, sous le direction d’Herbert Kickl. La réputation du mouvement avait été sérieusement écornée, suite à l’implication de l’ancien dirigeant du FPÖ et ancien vice-chancelier Heinz-Christian Strache dans l’« affaire Ibiza ». Celle-ci avait entraîné l’effondrement du gouvernement de l’époque — une coalition constituée avec l’ÖVP de Sebastian Kurz.
La semaine dernière, la campagne électorale a été bouleversée par les conséquences dramatiques de la tempête Boris sur l’Europe centrale, qui a remis à l’ordre du jour les questions relatives au climat et à l’environnement.
« Avant cela, ces questions n’étaient pas réellement débattues lors de la campagne. Maintenant, c’est le cas », explique l’eurodéputé écologiste Thomas Waitz à Euractiv, ajoutant que « cela démobilise les électeurs d’extrême droite ».
Les formations de coalition attendues
Compte tenu de l’éclatement du paysage politique autrichien, le FPÖ doit obtenir une majorité de 50 % + 1 pour gouverner. En d’autres termes, le parti devra former une coalition avec au moins un autre parti pour obtenir la majorité nécessaire — ce qui devrait être compliqué.
Les derniers sondages indiquent que le Parti chrétien-démocrate (ÖVP) du chancelier Karl Nehammer est en passe de devenir le faiseur de rois de la future coalition.
En effet, ce mouvement pourrait choisir de former une coalition avec le Parti de la liberté (FPÖ) ou de s’aligner avec les sociaux-démocrates (SPÖ) et un parti plus petit, comme les Verts ou le parti libéral NEOS.
« Pour nous, sociaux-démocrates, une chose est claire, pas de coalition avec l’extrême droite », a expliqué l’eurodéputé du SPÖ Andreas Schieder (S&D) à Euractiv.
Alexander Van der Bellen, un obstacle à la chancellerie
Obtenir la chancellerie pourrait donc s’avérer difficile pour le leader du FPÖ Herbert Kickl. Selon la Constitution autrichienne, c’est au président et ancien leader des Verts, Alexander Van der Bellen, d’approuver les nominations du chancelier, du vice-chancelier et des ministres.
« Le président autrichien est très puissant », souligne Reinhard Heinisch, professeur de politique autrichienne comparée à l’université de Salzbourg. « Il peut opposer son veto à n’importe quel conservateur sans avoir à se justifier auprès de qui que ce soit. »
Dans une déclaration prononcée l’année dernière, le président autrichien a indiqué qu’il ne ferait pas prêter serment à quelqu’un qui « tente de promouvoir un parti anti-européen, un parti qui ne condamne pas la guerre de la Russie contre l’Ukraine » — des qualificatifs qui s’appliquent sans aucun doute au mouvement d’Herbert Kickl.
« Je suis absolument certain que le chef de file du Parti de la liberté ne sera pas en mesure de former un gouvernement parce qu’il ne trouvera pas de majorité au Parlement », soutient pour Euractiv l’eurodéputé ÖVP Lukas Mandl (PPE).
Une entorse à la constitution ?
Dans une interview accordée à Die Presse, le leader du FPÖ Herbert Kickl a déclaré que la possibilité de se voir refuser l’opportunité de former un gouvernement constituerait une « violation de la Constitution ».
« Si le FPÖ arrive en tête, il aura le droit d’entamer des négociations pour former un gouvernement. Mais cela ne signifie pas qu’ils ont le droit d’en former un », explique le professeur Reinhard Heinisch.
« Cela ne dépend pas de nous. C’est ce que j’appelle la démocratie, et c’est le peuple qui élit », a déclaré quant à elle l’eurodéputée FPÖ Elisabeth Dieringer, ajoutant que « ce n’est pas lui qui se fait chancelier, c’est la population autrichienne ».
En 2000, les États membres de l’UE avaient suspendu leurs relations bilatérales avec l’Autriche suite à l’entrée du FPÖ dans la coalition gouvernementale, aux côtés du Parti populaire autrichien (ÖVP). En revanche, cela n’a pas été le cas lorsque le FPÖ a de nouveau rejoint le gouvernement en 2019.
« Je ne m’attends pas à des réactions de la part de l’UE. C’est plutôt le contraire. Il y aura un silence très fort », assure l’eurodéputé vert Thomas Waitz.
[Édité par Anna Martino]