Dissolution de l’Assemblée nationale : les réactions fusent à droite comme à gauche

Des partisans du Rassemblement national après l'allocution télévisée du président français Emmanuel Macron annonçant la dissolution de l'Assemblée nationale. [ANDRE PAIN / EPA-EFE]

Face au triomphe de l’extrême droite française aux Européennes de dimanche (9 juin), Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale et la convocation d’élections législatives anticipées. Une décision inattendue qui a réjoui l’opposition et semé la panique dans les rangs de ses partisans.

Le Rassemblement national (RN) a remporté 31,5 % des voix, tandis que la liste Besoin d’Europe du président de la République a obtenu 14,6% des voix.

De tels résultats, prévus par les sondages ces derniers mois, ont incité Emmanuel Macron à prendre la mesure politique la plus audacieuse à sa disposition dimanche : dissoudre l’assemblée et convoquer des élections anticipées.

« La France a besoin d’une majorité parlementaire claire pour agir dans la sérénité et la concorde », a déclaré le président lors d’une allocution télévisée.

« J’ai entendu votre message, vos préoccupations, et je ne les laisserai pas sans réponse », a-t-il ajouté. L’appel à la dissolution de l’Assemblée — la sixième dans l’histoire moderne de la France — est une décision « grave » et « lourde », « mais c’est avant tout, un acte de confiance […] en la capacité du peuple français à faire le choix le plus juste pour lui-même et pour les générations futures », a souligné Emmanuel Macron.

Le camp présidentiel ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée et s’appuie sur des accords politiques ad hoc, dossier par dossier, pour aller de l’avant.

Le premier tour des élections législatives aura lieu le 30 juin et le second tour le 7 juillet.

Emmanuel Macron dissout l'Assemblée nationale face à la montée de l'extrême droite

Le président français Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale et la convocation d’élections législatives anticipées suite au triomphe du Rassemblement national aux élections européennes avec 32,3 % des voix, contre 15,2 % pour sa liste.

« C’est de la folie ! »

L’annonce surprise de Macron a été accueillie avec circonspection et quelques applaudissements au QG de Besoin d’Europe.

« C’est une bonne idée d’entrer en campagne et de donner au président une majorité très claire. Dès ce soir, la campagne commence », a déclaré à la presse Paul Midy, député dans la cinquième circonscription de l’Essonne.

Mais en privé, les responsables du parti et les députés se montrent moins confiants. « C’est de la folie !», a déclaré l’un d’entre eux, tandis qu’un autre s’est plaint de ne pas comprendre la stratégie politique du chef d’État.

« L’objectif est-il d’avoir un Premier ministre d’extrême droite jusqu’en 2027 [lorsque les élections présidentielles sont prévues] et d’espérer montrer à quel point il serait incompétent ? C’est très risqué », a affirmé le second.

Le ministre des Affaires étrangères et secrétaire général du parti Renaissance, Stéphane Séjourné, a confirmé que tous les députés sortants se représenteraient, tandis que ceux d’autres partis considérés comme « faisant partie de l’arc républicain » se présenteraient sans opposition.

Une coalition d’extrême droite en vue ?

Les partis d’extrême droite ont profité de la tournure des évènements pour attaquer Macron et sa politique.

« Nous devons les tuer ! », a déclaré un partisan du RN à Euractiv dans leur QG électoral.

Marine Le Pen a déclaré dans un discours que « ces élections européennes confirment que notre mouvement est la seule alternative pour gouverner la France ».

« Nous sommes prêts à prendre le pouvoir si les Français nous font confiance », a-t-elle ajouté.

Les responsables du parti et leurs partisans se réjouissent à l’idée de voir Jordan Bardella, tête de liste du RN aux élections européennes, devenir Premier ministre dans le cadre d’un gouvernement de coalition de droite qui pourrait voir le jour dès la mi-juillet.

« Bardella ferait un excellent Premier ministre », a confié le député d’extrême droite Nicolas Maizonnet à Euractiv.

Selon lui, les élections législatives sont la suite logique des succès remportés par le RN ce soir. « En réalité, il s’agit d’un vote en faveur d’une vision européenne d’États libres et souverains », a-t-il expliqué.

Le parti d’extrême droite anti-immigration Reconquête ! d’Éric Zemmour, qui devrait envoyer quatre à cinq eurodéputés à Bruxelles grâce à ses 5,4 % des voix, a saisi l’occasion de former une alliance politique avec le RN et les conservateurs avant le premier tour.

« Je dis [au RN] que s’il veut vraiment changer les choses, [il doit] accepter une coalition », a déclaré Sarah Knafo, en troisième position sur la liste Reconquête !.

Les deux partis d’extrême droite appartiennent à des groupes politiques différents au Parlement européen — le RN appartient au groupe Identité et Démocratie (ID) et Reconquête ! au groupe des Conservateurs et Réformistes européens (CRE) — et peuvent être considérés comme en désaccord sur des questions politiques clés, de l’économie à la géopolitique.

Dans ce contexte, Eric Zemmour souhaite « la plus vaste union des droites ».

L’espoir d’une union de la gauche perdure

De son côté, la gauche n’a pas hésité à s’en prendre à Emmanuel Macron et à son parti.

« Le président a pris note de sa défaite cinglante. Il nous renvoie à notre plus grande force, qui est celle du peuple », a déclaré Manon Aubry, candidate tête de liste du parti d’extrême gauche La France Insoumise (LFI), devant une foule dimanche.

Raphaël Glucksmann, qui a obtenu la troisième place aux élections avec un peu plus de 13,80 % des voix, a également déclaré qu’il souhaitait « ouvrir un espace politique » et dépasser les frontières strictes des partis, mais probablement pas sous la bannière de LFI.

Manon Aubry espère que tous les mouvements de gauche pourront à nouveau s’unir autour de la coalition de gauche Nupes — formée lors des législatives de 2022 sous la houlette de LFI — et faire campagne ensemble.

Mais cela s’avère plus qu’improbable. La Nupes s’est effondrée en raison de désaccords politiques majeurs et les forces de gauche se sont opposées tout au long de la campagne pour les élections européennes. Il ne sera pas facile de les réunir au sein d’un ensemble cohérent.

Cette inquiétude est largement partagée par les Verts, qui ont pour leur part essuyé une défaite cuisante, ne recueillant que 5,4 % des voix.

« Dans les semaines à venir, nous devrons nous battre contre une coalition de droite et d’extrême droite au Parlement européen et à la Commission, en plus de la campagne en France. C’est une double trahison pour les électeurs [pro-UE], qui se sont vus voler leurs élections européennes », a déclaré Marie Toussaint, tête de liste des Verts, aux journalistes.

Clara Bauer-Babef, Théophane Hartmann, Paul Messad et Hugo Struna ont contribué à la rédaction de cet article.

Européennes : La France Insoumise progresse et appelle à l'union pour les législatives

La liste de La France Insoumise, menée par Manon Aubry, a récolté 8,6% des voix aux élections européennes du dimanche (9 juin), d’après les premiers résultats officiels. Un score qui devrait permettre aux Insoumis d’envoyer neuf députés au Parlement européen.

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