Emmanuel Macron peut-il (encore) influencer l’Europe ?

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Cette situation et le no man’s land institutionnel dans lequel s’engouffre la France peuvent-ils porter atteinte à la stature d’Emmanuel Macron sur la scène européenne ? [ANDRE PAIN / EPA-EFE]

L’absence de coalition gouvernementale depuis plus de 50 jours est peut-être une nouveauté pour les Français, mais cette situation n’est pas inhabituelle dans d’autres États de l’UE. Cependant, à mesure que l’instabilité persiste, la réputation d’Emmanuel Macron sur la scène européenne pourrait en pâtir.

En novembre 2017, le magazine américain Time interviewait le tout nouveau président et publiait sa photo en Une, en titrant « Le prochain leader de l’Europe ». Un astérisque précisait : « Si seulement il peut diriger la France ».

L’article, qui saluait l’élection d’Emmanuel Macron, concluait en ces termes : « Si Macron réussit sa transformation de l’intérieur du pays, les ambitions qu’il a de changer le monde — et pas seulement la France — pourraient être à portée de main ».

Faire d’Emmanuel Macron un leader mondial : voilà une phrase bien peu anodine — et si éloignée de ce qu’est aujourd’hui devenu le mandat du Français, sept ans après sa première élection.

Il faut dire qu’en tout juste trois mois, le camp d’Emmanuel Macron a subi deux cuisantes défaites électorales : aux élections européennes et lors des législatives anticipées qu’il avait lui-même convoquées.

Dans le même temps, la Commission européenne a ouvert une procédure de déficit excessif (PDE) contre la France. Et le pays n’a pour l’instant pas de gouvernement pour présenter un projet de budget susceptible d’apaiser les inquiétudes de l’exécutif européen.

Enfin, le paysage politique français est plus fragmenté que jamais, et aucune coalition gouvernementale viable n’est en vue à ce stade.

Le Nouveau Front Populaire (NFP), qui a obtenu le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale (bien qu’il lui manque une centaine de députés pour obtenir la majorité absolue), a été exclu par l’Élysée des pourparlers en vue de former une coalition, au nom d’une bien vague « stabilité institutionnelle ».

Des négociations sont en cours avec le centre et la droite, et si ces dernières aboutissent, la coalition ainsi formée ne pourra tenir que si le Rassemblement national (RN) s’abstient de voter une motion de censure.

Un gouvernement dont la seule existence dépend de l’abstention de l’extrême droite n’est pas un bon signe pour celui qu’on estimait être « le prochain leader de l’Europe ».

Cette situation et le no man’s land institutionnel dans lequel s’engouffre la France peuvent-ils porter atteinte à la stature d’Emmanuel Macron sur la scène européenne ?

Le président de la République n’a jamais été aussi affaibli sur le plan politique. Il devra consacrer dans les prochains mois plus de temps aux affaires intérieures qu’aux questions européennes. Et les autres dirigeants de l’UE le savent bien.

Les promesses clés d’Emmanuel Macron, en premier lieu celle de contribuer à un fonds de défense de 100 milliards d’euros pour l’Ukraine, pourraient aussi être compromises par les mauvaises finances du pays, et alors que les remboursements NextGeneration EU doivent s’entamer en 2027.

Les négociations sur les dossiers européens seront d’autant plus difficiles que certains ministres du gouvernement de coalition, qui appartiennent à d’autres partis que le président, siégeront également au Conseil de l’UE.

La transposition des règlements de l’UE en droit français sera enfin sujette à des manœuvres politiques.

Sébastien Maillard, conseiller spécial auprès de l’Institut Jacques Delors, souligne que la mise en œuvre au niveau national des pans déjà adoptés du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal) sera « beaucoup plus compliquée » qu’auparavant, surtout si une coalition de droite est formée.

Mais une autre grille de lecture est possible, qui vient nuancer l’alarmisme qui règne.

La situation politique française, certes exceptionnelle, reste monnaie courante dans une large majorité des pays membres.

Les gouvernements de coalition, ceux minoritaires et, plus généralement, les divergences idéologiques entre les branches exécutives et législatives ne sont pas seulement normaux, ils sont le signe d’une démocratie saine.

Certains éléments du discours prononcé par Emmanuel Macron à la Sorbonne en avril pourraient même trouver les faveurs d’une coalition de droite. Le renforcement de la compétitivité des entreprises européennes est une priorité absolue pour tout conservateur qui se respecte, et les nouveaux pouvoirs accordés aux États membres par le Pacte sur les migrations et l’asile pourraient être utilisés pleinement.

Les autres pays de l’UE ont aussi leurs propres problèmes politiques : la coalition allemande est dans la tourmente et pourrait l’être encore plus par une victoire potentielle de l’extrême droite aux élections régionales ce dimanche ; le gouvernement de coalition italien est empêtré dans un débat houleux sur les droits à la citoyenneté ; et les Espagnols sont toujours aux prises avec la question catalane.

Seul le Polonais Donald Tusk semble résister à la tempête, mais « lui-même doit travailler avec la France et l’Allemagne, au sein du Triangle de Weimar », souligne Sophie Pornschlegel, du think tank Europe Jacques Delors.

« Emmanuel Macron est en difficulté, mais il n’existe pas de leadership alternatif évident », confirme Sébastien Maillard.

Le Time avait-il raison, après tout ?

Les socialistes pris en étau dans la crise politique qui secoue le pays

Alors qu’aucune majorité ne s’est encore dégagée, après les législatives du 7 juillet dernier, les membres du Parti socialiste (PS) sont de plus en plus divisés. Si le premier secrétaire du mouvement Olivier Faure reste fidèle au Nouveau Front populaire (NFP), certains de ses opposants semblent prêts à négocier une coalition avec les troupes macronistes.

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