Selon l’eurodéputé socialiste Jens Geier (Socialistes et Démocrates européens, S&D) la nouvelle série de normes européennes sur l’hydrogène bas carbone sera difficile à mettre en œuvre et Bruxelles devra préparer des programmes de soutien spécifiques à l’industrie.
L’hydrogène, un gaz à combustion propre, est essentiel à la production d’acier et de produits chimiques propres et offre des perspectives prometteuses pour un avenir plus durable dans les secteurs de l’aviation et du transport maritime. Toutefois, pour que les investissements dans l’hydrogène se concrétisent, les entreprises ont besoin d’un cadre juridique clair.
Jens Geier, eurodéputé allemand du groupe S&D, a été à la tête des efforts visant à établir un tel cadre. Il a négocié la directive visant à établir des règles communes pour les marchés intérieurs du gaz naturel, des renouvelables et de l’hydrogène — « deux ans de travail », a-t-il précisé à Euractiv lors d’un entretien.
En 2021, Bruxelles a présenté sa vision du futur marché de l’hydrogène de l’UE. Le 21 mai, les États membres ont donné leur aval à une directive qui entrera en vigueur cet été.
M. Geier explique qu’avec la directive, le marché européen du gaz a été « remanié » de sorte que « les dispositions règlementaires pour la montée en puissance de l’hydrogène » soient mises en place.
L’élaboration des règles européennes relatives à l’hydrogène au moyen d’actes délégués — via lesquels la Commission européenne est habilitée à adopter des actes techniques pour modifier ou compléter un texte législatif — a déjà connu des retards. Les règles visant à définir l’hydrogène renouvelable, par exemple, ont été retardées de plus de quatre ans en raison de désaccords politiques.
En outre, « l’UE a défini ce qu’est l’hydrogène “vert”. Mais qu’est-ce que l’hydrogène bas carbone ? Le nouvel acte délégué répondra à cette question », a-t-il expliqué.
Toutefois, contrairement à l’hydrogène renouvelable (c’est-à-dire l’hydrogène vert), pour lequel les parties prenantes se sont disputées pour savoir si la production d’hydrogène devait correspondre à la production horaire d’énergie renouvelable, dans le cas de l’hydrogène bas carbone, la question porte sur la quantité d’intrants nucléaires et de captage du carbone qui acceptable pour être défini comme tel.
M. Geier est ouvert à l’hydrogène bas carbone « tant que nous pouvons réaliser des économies nettes de CO2 », précise-t-il, ajoutant que son approche comporte deux lignes rouges : « pas d’énergie nucléaire » et « ce n’est pas parce que nous avons extrait ou capturé du CO2 à partir de quelque chose de sale que cela signifie qu’il s’agit d’une énergie bas carbone ».
Créer une définition de l’hydrogène bas carbone qui satisfasse toutes les parties prenantes est une « tâche difficile pour la Commission, et je ne l’envie pas », a ajouté M. Geier.
Les règles devraient être présentées vers mi-2025.
Une question nationale ?
Ce ne serait pas la première fois que le législateur de centre gauche se heurte aux bureaucrates du Berlaymont.
Un conflit de dernière minute a éclaté lors des négociations sur les règles de dissociation pour les futurs réseaux d’hydrogène. La question était de savoir si les opérateurs de réseaux de gaz devaient également devenir propriétaires des réseaux d’hydrogène après leur conversion. Le modèle allemand actuel, qui favorise les petites entreprises, était envisagé à l’échelle de l’UE, mais il s’est heurte à des règles plus strictes proposées.
« Nous avons mené une véritable bataille avec la Commission » à ce sujet, raconte le législateur allemand.
Cependant, il insiste sur le fait qu’il n’est pas intervenu pour changer le statu quo dans son pays d’origine.
« Il ne s’agissait pas d’une [question allemande], mais d’une question particulière compte tenu de la diversité du réseau de transport [de gaz] allemand et autrichien », a souligné M. Geier.
« Nous étions tous conscients des problèmes. »
Finalement c’est le modèle allemand qui a été choisi.
Une loi par secteur
Les différents secteurs pourraient avoir besoin d’une aide sur mesure, estime-t-il : « Nous constatons que la combinaison des crises provoque l’essoufflement de nombreux secteurs de l’industrie. Et je ne pense pas que la décarbonation par la désindustrialisation soit une bonne chose ».
Au sein de la commission de l’Industrie (ITRE) du Parlement européen, au sein de laquelle M. Geier est le négociateur en chef de son parti, « il est important que nous développions des programmes spécifiques à l’industrie qui lui permettent de mettre en œuvre ce que nous avons convenu et adopté dans le cadre du Green Deal ».
L’objectif doit être de « donner à l’industrie le temps dont elle a besoin », estime-t-il.
Quant à l’attrait des énergies renouvelables bon marché, actuellement peu présentes en Europe centrale, « je dis à mes collègues [du syndicat de la métallurgie] IG Metall que si nous produisons beaucoup d’électricité verte bon marché dans le désert algérien, l’industrie à forte consommation d’énergie suivra dans une certaine mesure », a expliqué le législateur.
Mais cette évolution se fera « dans 10 ou 20 ans, et d’ici là, nous pouvons encore faire beaucoup pour améliorer les conditions de concurrence de l’industrie européenne », a-t-il insisté.
S’opposerait-il à ce que les entreprises s’installent plutôt en Espagne ? « Je suis suffisamment européen pour dire que l’Espagne mérite également une perspective de développement », a affirmé l’eurodéputé, avant de conclure que ce qui est construit en Espagne « ne se fait pas nécessairement au détriment de l’économie allemande ».