Président sortant de la commission europarlementaire Environnement (ENVI), l’eurodéputé Pascal Canfin (Renew) appelle les conservateurs, proactifs lors des grèves qui ont secoué dernièrement le monde agricole, à des « compromis » en matière d’écologie. Entretien.
Euractiv. La présidence de la commission ENVI ne devrait pas revenir au groupe Renew pour la mandature qui s’ouvre (2024-2029). Vous en êtes l’ancien président. Pourquoi ?
Pascal Canfin. C’est en raison de la règle de partage des présidences. Les groupes les plus importants au Parlement européen choisissent en premier les commissions qu’ils souhaitent présider. Les socialistes [deuxième force de l’hémicycle avec 136 sièges, tandis que le groupe Renew arrive en cinquième position avec 76 sièges, NDLR] ont d’emblée choisi la commission ENVI.
Souhaitez-vous conserver un rôle au sein de cette commission ?
Oui. Je candidate au poste de coordinateur Renew [dirigeant des groupes politiques dans chaque commission, NDLR].
Je souhaite partager mon expérience avec mes collègues et pousser pour aller au bout du Pacte vert européen [paquet européen de normes pour atteindre la « neutralité carbone » d’ici à 2050, NDLR] sur les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2040, l’extension du « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » [sorte de taxe carbone pour certains produits importés en Europe, NDLR] ou encore aller vers une énergie « zéro carbone » en accélérant sur toutes les solutions décarbonées.
Parmi les priorités de Renew pour ce nouveau mandat figure l’amélioration de la compétitivité économique de l’UE. Est-ce compatible avec d’ambitieux objectifs environnementaux et climatiques ?
Compétitivité et écologie sont sur la même feuille de route, parce que la meilleure façon d’atteindre un niveau de compétitivité élevé est de maitriser les technologies décarbonées, de se passer progressivement des énergies fossiles, d’innover et d’investir.
Les conservateurs du PPE insistent aussi sur la nécessité d’améliorer la compétitivité européenne. Mais ils souhaitent, pour cela, revenir ou suspendre l’application de certains textes environnementaux. Avec un Parlement européen résolument plus à droite, existe-t-il le risque d’une « pause » sur les sujets environnementaux ?
Il y a effectivement un risque, car si le consensus est large sur le réchauffement climatique et qu’une partie significative des membres du PPE veut poursuivre le Pacte vert en matière d’énergie et d’industrie, il en est autrement pour la biodiversité et la nature.
Il y a une forme de « naturoscepticisme », c’est-à-dire de croyance que la perte de biodiversité n’est pas si vraie ou pas si grave.
Pourtant, la Banque centrale européenne (BCE), qui n’est pas franchement une ONG, avance qu’il est nécessaire de protéger les services rendus gratuitement par la nature, car ils représentent environ 50 % du PIB européen. Cette donnée devrait motiver les conservateurs s’ils veulent être sérieux avec la compétitivité européenne. Cherchons donc les compromis nécessaires, mais n’abandonnons pas cet agenda !
De quels compromis parlez-vous ?
Commençons par les questions d’adaptation et de résilience au changement climatique. Personne ne peut nier leur l’intérêt. C’est un élément clé de la « phase 2 » du Pacte vert. L’UE doit, comme la France l’a fait, évaluer les conséquences d’une Europe à quatre degrés et améliorer sa résilience face aux chocs climatiques.
Deuxième point : développons des politiques sur la biodiversité et l’agriculture qui portent sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Actuellement, le corpus réglementaire environnemental pèse principalement sur les agriculteurs, créant une distorsion d’exigence avec leurs contractants industriels et coopératives.
Dans le même esprit, faisons une sorte d’« Egalim européen » [expression issue de la loi française « Egalim », NDLR] en protégeant les producteurs lors de leurs négociations commerciales avec les plateformes d’achat européennes. Ils nous le demandent et les membres du PPE se sont investis pour les soutenir lors des grèves agricoles qui ont secoué l’UE en avril dernier.
Enfin, quatrième point : il est plus que jamais nécessaire de mettre en place des clauses miroirs [clauses de réciprocité entre les règles de production et de commercialisation externes et les règles de l’UE sur les produits et services importés, NDLR] dans les accords commerciaux internationaux.
Je sais qu’une partie du PPE n’est pas très allante sur ce sujet, mais il leur sera extrêmement difficile de s’y opposer alors que les agriculteurs les ont clairement réclamées.
Selon toute vraisemblance, Ursula von der Leyen devrait être réinvestie à la tête de la Commission européenne. Que lui demandez-vous en priorité ?
Il y a d’abord deux enjeux clés : la défense et la gestion de l’élargissement de l’UE, et donc la transformation de son fonctionnement. C’est une responsabilité historique.
Concernant la compétitivité, il faut dédier le mandat de la Commission européenne à l’investissement dans la transition climatique et numérique. Il faut que la Commission devienne clairement une « Commission d’investissement ».