Les arguments de droite selon lesquels l’Europe devrait sacrifier ses ambitions climatiques pour stimuler la compétitivité sont sans fondement et de plus en plus rejetés par les chefs d’entreprise, a déclaré à Euractiv Rasmus Andresen.
Le chef des membres allemands du groupe des Verts/ALE au Parlement européen, qui siège également à la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement, a expliqué qu’un nombre croissant de dirigeants d’entreprises reconnaissent désormais les implications désastreuses à long terme du réchauffement climatique et son impact néfaste prévisible sur leurs profits.
Il a également affirmé qu’une proportion importante des milieux d’affaires européens est plus préoccupée par le changement climatique que certains membres du Parti populaire européen (PPE). Le groupe de centre droit devrait conserver sa position en tant que bloc parlementaire le plus puissant après les élections européennes de juin.
« Des pans entiers de l’industrie et des entreprises sont bien plus avancés [en matière de politique climatique] que certains responsables politiques au sein du PPE », a-t-il affirmé.
L’argument d’un choix climat-compétitivité (récemment illustré par les appels croissants des industriels pour que la prochaine Commission passe d’un Green Deal à un Industrial Competitiveness Deal) ne tient pas la route « parce que si nous vivons un réchauffement climatique comme 99 % des scientifiques nous le disent, alors vous n’aurez pas la possibilité de commercer, d’investir ou de faire des affaires », a expliqué M. Andresen.
« Les hommes d’affaires et les industriels, par exemple en Allemagne, sont conscients de l’ampleur des défis à relever. »
« Ils ne nous disent pas : “S’il vous plaît, arrêtez avec la politique climatique”. Ils nous disent : “Faisons-le de manière à ce que nous puissions la mettre en œuvre, que nous investissions dans nos infrastructures” .»
Ses commentaires interviennent alors que les groupes conservateurs et d’extrême droite s’insurgent de plus en plus contre le programme écologique ambitieux de l’UE. Nombreux sont ceux qui affirment que l’objectif de décarbonation totale de l’Union d’ici 2050 devrait être réévalué, voire définitivement suspendu, compte tenu de la faiblesse de l’économie européenne et du déclin généralisé de l’industrie.
Les propos de M. Andresen s’inscrivent également dans la perspective d’un net virage à droite lors des élections européennes, les Conservateurs et réformistes européens (CRE) et le groupe Identité et Démocratie (ID) devant gagner du terrain aux côtés du PPE, plus centriste.
En revanche, le groupe des Verts/ALE, qui rassemble les partis écologistes et régionalistes nationaux, devrait perdre environ un quart de ses 72 sièges.
Des électeurs motivés par des griefs économiques
Lorsqu’on lui demande pourquoi tant de citoyens européens sont convaincus par l’argument selon lequel la compétitivité est en contradiction avec les réglementations du Green Deal de l’UE, M. Andresen répond que les électeurs sont principalement motivés par des griefs économiques.
« Pour beaucoup de gens, les dernières années ont été assez frustrantes parce qu’ils ont subi de réelles pertes de revenus», a-t-il rappelé. « Il y a donc de gros problèmes sociaux et une grande fracture économique. Et, bien sûr, cela signifie que certaines personnes votent [pour] des [partis] plus radicalisés, et que certains d’entre eux ne se rendent même pas aux élections ».
L’eurodéputé a également affirmé que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen — dont le projet du Green Deal a irrité de nombreux membres de son propre groupe PPE — n’a pas abordé les aspects sociaux et économiques du programme.
« Je pense également que la Commission a peut-être commis des erreurs au cours du dernier mandat, par exemple en ne se concentrant pas beaucoup sur l’économie ou les éléments sociaux du Green Deal », a-t-il déclaré.
M. Andresen, qui cherche à se faire réélire pour un second mandat parlementaire, a également souligné que les résultats électoraux du 9 juin étaient loin d’être acquis.
« Je pense que la situation est encore assez dynamique et qu’il y a encore beaucoup d’électeurs indécis », a-t-il affirmé.
Le projet d’un taux d’intérêt vert loin de faire une percée politique
M. Andresen a également critiqué les récentes politiques fiscales et monétaires de l’UE, reprochant à la première — qui limite strictement la capacité des États membres à s’endetter — d’entraîner potentiellement des coupes dans les dépenses sociales cruciales et les investissements en matière de protection de l’environnement.
En outre, il a dénoncé la politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne (BCE) qui « endommage » l’économie de l’Union en rendant « plus coûteux les investissements des entreprises ».
Il a exprimé son soutien à l’introduction de « doubles taux » — un point de plus en plus important pour les responsables politiques et les analystes progressistes — selon lequel les projets verts seraient financés à un taux d’intérêt inférieur à celui d’autres investissements.
« Cela donnerait la possibilité de stimuler les investissements verts avec la politique monétaire d’un côté, mais on peut toujours traiter d’autres parties [de l’économie] d’une manière différente si l’on veut le faire en tant que banque centrale », a-t-il déclaré.
Cependant, M. Andresen a noté que les groupes de droite ont entravé à plusieurs reprises les efforts des Verts/ALE pour forcer la BCE à introduire de tels taux.
« Nous avons essayé de faire pression en ce sens au Parlement ces dernières années, mais il y a beaucoup d’opposition à cela », a-t-il déclaré.
« Je pense que l’idée doit être discutée un peu plus avant d’obtenir une percée. »